Comment récupérer les franchises avec la mise en place du tiers-payant généralisé ? Une question qui donne des maux de tête au gouvernement. Alors que Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées a annoncé hier au Sénat la mise en place “d’un recouvrement par prélèvement bancaire après autorisation de l’assuré, qui conditionnera l’accès au tiers payant”, elle a été recadrée par sa ministre de tutelle Marisol Touraine.

 

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“Nous mettrons en place un recouvrement par prélèvement bancaire après autorisation de l’assuré, qui conditionnera l’accès au tiers payant.” C’est ce qu’a déclaré hier Ségolène Neuville, en séance au Sénat. Mais peu de temps après l’annonce de la secrétaire d’Etat, Marisol Touraine a envoyé un communiqué en précisant que “le mécanisme qui permettra d’adapter le recouvrement par l’Assurance maladie des franchises et des participations forfaitaires sur les soins au déploiement du tiers payant n’est pas arrêté à ce stade. Le principe du prélèvement automatique sur le compte bancaire de l’assuré, proposé dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de juillet 2013 sur le tiers payant, fait partie, entre autres, des pistes étudiées”.

 

“Mesure anti sociale !”

Selon Le Figaro, la solution du prélèvement bancaire est toutefois bien sur la table. Elle était poussée, d’ailleurs, par l’ancien directeur général de l’Assurance maladie, Frédéric van Roekeghem. “Cette option est stupide et vouée à l’échec” à réagit pour Egora l’économiste de la santé Fréderic Bizard. “Il faudrait que tous les patients signent une autorisation de prélèvement alors qu’ils n’y sont pas obligés. Tout cela fait partie de l’utopie technique et financière qui entoure la généralisation du tiers-payant”, renchérit-il.

“Aucun de mes patients vu en tiers payant social depuis ce matin n’acceptera le chantage tiers payant contre prélèvement. Mesure anti sociale !”, a commenté sur Twitter le Dr Bertrand Legrand à l’origine de l’observatoire du tiers payant. “A la rue et toujours à l’affût d’une mesure sociale, le gouvernement de l’ennemi de la finance va prélever les franchises direct sur votre compte #Genius”, s’est insurgé le Dr Christian Lehmann, également sur le réseau social.

Du côté des syndicats de médecins, la réponse est unanime. “La solution pour récupérer les franchises est simple, ne pas généraliser le tiers-payant”, avance le Dr Eric Henry, président du SML. “C’est du grand n’importe quoi”, commente le généraliste outré par la proposition de Ségolène Neuville. “Ils sont prêt à rentrer dans nos maison et à prélever sur nos comptes personnels pour s’en sortir ! D’autant que les patients ne connaîtront pas à l’avance le montant qui sera prélevé. Alors que la sécu est en déficit, je ne veux pas qu’elle soit directement connectée à mon compte”, ajoute-t-il.

 

“C’est un doux rêve”

“On est dans un délire complet”, commente pour sa part le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. “C’est un doux rêve de croire que les Français vont signer une autorisation de prélèvement à la sécurité sociale, ce n’est pas demain que tout cela va être mis en place”, s’amuse-t-il.

Parmi les autres pistes envisagées pour venir à bout du casse-tête, la collecte des franchises par le médecin a été envisagée. “Il est hors de question que l’on fasse ça. Le gouvernement s’est empêtré les pieds dans le tapis, qu’il se débrouille. Ce n’est pas le problème des soignants, tout cela est politique”, s’insurge le Dr Ortiz.

Un cafouillage ministériel qui agace au plus haut point le Dr Claude Leicher, président de MG France. “Le vrai problème est l’importante inégalité des Français face à un système d’assurance maladie ubuesque. C’est la prise en charge des soins qu’il faut réformer en supprimant le ticket modérateur et les franchises. Nous sommes fatigués de cette complexité. Mettre tout le monde dans le même régime d’assurance maladie serait beaucoup plus simple. Le tiers-payant est une solidarité de façade”, estime le praticien.

 

“Le gouvernement incapable de mettre en place le tiers-payant”

“Au sein de l’Assurance maladie, on comptabilise 14 régimes obligatoires gérés par 86 opérateurs”, recense Frédéric Bizard. “Quant aux complémentaires, elles sont environ 650” ajoute-t-il. “A force de ne pas vouloir réformer l’Assurance maladie, le gouvernement se retrouve incapable de mettre en place le tiers-payant”, s’énerve le Dr Leicher. Un constat partagé par l’économiste Fréderic Bizard. “On est en train de faire passer une loi qui n’est pas applicable et qui a juste un objectif politique : être un marqueur de gauche”, conclut-il.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin