Vers une France sans médecins libéraux, sans SOS-médecins, sans urgentistes hospitaliers, sans internes et surtout, sans permanence des soins entre Noël et le 4 janvier prochain ? Ce n’est pas un mauvais rêve, mais ce qui risque bien de se produire dans l’hexagone si d’ici le 24 décembre, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, n’entend pas sérieusement les doléances de ces praticiens, qui veulent amender (ou même ajourner), la future loi de santé, présentée au Parlement en début d’année 2015.

 

D’après certains observateurs, la mobilisation qui s’organise sur le terrain est aussi forte que celle qui avait été observée en 2002, année de la grande grève de la permanence des soins ayant abouti après plusieurs mois de conflit, au C à 20 euros, au V à 30 euros, plus l’instauration du volontariat de la PDS.

 

“Les MG veulent en découdre”

“Les réunions syndicales départementales sont pleines de monde, beaucoup de jeunes, explique le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF. Les médecins généralistes prennent progressivement conscience des enjeux de la future loi santé pour l’avenir de leur métier. Et ils veulent en découdre. Ils ne veulent pas du tiers-payant obligatoire, pas du démantèlement du contenu de leur fonction au profit des pharmaciens ou des sages- femmes, ils refusent les futures infirmières cliniciennes. Ils ne veulent pas du retour d’une PDSa obligatoire, de la fin de la liberté d’installation entre les mains des ARS… Et le mouvement ira en grandissant et en se durcissant”.

Jusqu’à présent, aucun syndicat n’a clairement lancé une consigne syndicale de grève de la PDS ambulatoire entre les fêtes, mais sur internet, les forums médicaux ou syndicaux sont remplis de posts menaçants si le ministère ne cède pas. D’ailleurs, le gouvernement ne s’y est pas trompé. Les ARS interrogent partout en France les conseils départementaux de l’Ordre pour estimer les intentions des médecins généralistes dans chaque secteur de garde. D’après les préfets, la mobilisation sera massive. “Donc, les préfets vont réquisitionner, et les médecin généralistes seront privés de leurs vacances en famille. Ils seront pénalisés, mais ils sont déterminés”, constate le Dr Duquesnel.

 

“Les MG vont mettre un gros souk”

Du côté du front des généralistes où cohabitent MG France, la FMF, Union généraliste, le SNEMG (enseignant en MG), le SNJMG, l’ISNAR IMG (internes) et la FNCS (centres de santé), on constate la même radicalisation de la base. “Pour l’instant, MG France propose aux autres syndicats représentatifs, une rencontre pour étendre le mouvement, en étudiant les modalités d’une grève des gardes”, explique le Dr Jacques Battistoni, le secrétaire général de MG France. “Mais nous disons clairement que si rien ne bouge du côté du ministère malgré le mouvement annoncé de fermeture des cabinets, nous serons obligés d’avancer et de durcir les mots d’ordre”…

“Les médecins généralistes en ont ras-le-bol, ils en ont plus qu’assez, surenchérit le Dr Claude Bronner, le patron d’Union généraliste. Les MG vont mettre un gros souk. Ils peuvent faire la grève des gardes, en tournant, par exemple. Et pour un peu qu’il y ait un regain de pathologies saisonnières et que SOS Médecins soit effectivement en grève, comme ils l’ont annoncé, ce serait assez rigolo. Je dirais même que cela nous ferait plaisir !” lance-t-il dans un éclat de rire.

 

Grève nationale des urgences hospitalières

En tout cas, voilà qui ne fait pas rire du tout l’AMUF, l’association des urgentistes du Dr Patrick Pelloux. En visite au centre hospitalier de Belfort Montbéliard, ce week-end, le médiatique président a annoncé qu’il appelait à une grève nationale des urgences hospitalières, entre Noël et le Nouvel an, “en raison de la situation de blocage total, et l’absence de dialogue à tous les niveaux”. Ce coup de colère surgit en réaction aux “injonctions des agences régionales de santé pour obtenir des médecins urgentistes qu’ils renoncent à des congés de fin d’année programmés depuis avril dernier” pour pallier la grève annoncée des généralistes libéraux.

Selon Patrick Pelloux, dont les propos sont rapportés par l’Est Républicain, “les médecins urgentistes n’ont pas à faire les frais du mot d’ordre de grève lancé récemment par trois organisations de médecins libéraux, qui demandent aux généralistes de fermer leurs cabinets entre Noël et Nouvel An (…) Cela suffit, les Urgences ne peuvent pas être l’alpha et l’oméga de tous les dysfonctionnements de l’hôpital public. Ce qui se passe au Centre hospitalier de Belfort Montbéliard en est le symbole à plus d’un titre”. L’hôpital de Montbéliard est sous tension du fait d’un manque de lits, de médecins urgentistes et d’infirmières en nombre suffisant.

Or, tout en ouvrant un peu la porte au dialogue, la ministre vient de jeter de l’huile sur le feu, en affirmant, dans Le Figaro, en réponse aux généralistes qui lui rappellent les quatre années de blocages du C à 23 euros, que le véritable coût de la consultation était de 31,40 euros si l’on y ajoute les divers forfaits, “la rémunération du travail en équipe”, et les gains de la ROSP. “C’est donc nettement plus que les 25 euros réclamés. Et c’est 2,70 euros de plus en deux ans”, a-t-elle insisté.

 

Pas de revalorisations avant 2017

Pour le front généraliste, cette déclaration relève de la politique générale de “maltraitance” de la médecine générale. Sous sa coupe, un mouvement tarifaire se dessine clairement, qui pourrait prendre la forme d’une cotation du C à 25 euros, soit C + MPC (2 euros), lettre-clef réservée aux seuls spécialistes. “La médecine générale doit être traitée comme les autres spécialités”, affirment les membres du front.

“Le véritable montant de l’acte, c’est 26 euros de l’heure, comme l’a démontré une étude de la Drees”, estime le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF. “Marisol Touraine mélange tout”, critique-t-il. Le président de l’UNOF a un calendrier en tête : étant donné le redécoupage territorial des régions, les élections professionnelles ne devraient avoir lieu qu’en début 2016. Et du coup, la convention médicale sera prolongée d’un an. Les élections seront suivies d’une enquête de représentativité, obligatoire pour savoir quels syndicats médicaux seront habilités à négocier la nouvelle convention. Dans ce cadre, la négociation tarifaire ne pourra se tenir avant 2016-2017. Signature Suivie des 9 mois de carence réglementaires avant l’application des revalorisations négociées et avalisées par le gouvenrement. . Ce qui nous fait “2017 – 2018. Ce simple rappel du calendrier devrait pousser les derniers indécis à rejoindre le mouvement”, prophétise-t-il.

Mouvement qui doit se poursuivre, dès le 4 janvier, par la grève illimitée des praticiens de blocs opératoires et les cliniques privées, menée par le BLOC et la Fédération hospitalière de France.

Un heureux début d’année pour la ministre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne