Après la situation de quasi cessation de paiement, actée au 17 octobre dernier et les mesures d’urgence prises pour éviter le pire, une concertation entre l’Etat, l’assurance maladie et les représentants des professions de santé va s’ouvrir dans les prochains jours pour définir un nouveau DPC 2015, mieux circonscrit et moins coûteux.

 

Hold-up des fonds conventionnels, “cauchemar”, “décès possible et prochain”, “système à la dérive”, “désengagement de l’Etat”… les syndicats médicaux et le Collège de la médecine générale tous unanimes pour une fois, n’y sont pas allés de main morte pour dénoncer l’impasse budgétaire dans laquelle l’OGDPC (l’organisme de gestion du DPC) s’est trouvée au 17 octobre dernier. Signe de cette indignation, après avoir signé un communiqué commun, la CSMF, la FMF, le SML et MG France relaient la pétition pour la réforme du DPC, lancée par le Collège, qui demande à la tutelle des dispositions garantissant un “financement pérenne du dispositif”, et une “formation indépendante, garante de qualité”.

 

Budget de 166 millions d’euros

Les composantes du problème sont simples : le budget annuel de 166 millions d’euros pour 2014 et pour les 9 professions de santé concernées, a été intégralement dépensé au 17 octobre dernier, et si les dépenses s’étaient poursuivies sur le même rythme, le dérapage se serait élevé à plus de 30 millions d’euros à la fin de l’année. Informé depuis plusieurs mois du problème imminent, alerté sur les dysfonctionnements du dispositif par une enquête de l’IGAS, le gouvernement a botté en touche en publiant un décret et un arrêté, le 7 octobre dernier.

Alors que la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), impose à tout professionnel de santé, de participer annuellement à un programme de DPC, le décret relatif à l’OGDPC, réduit ses prérogatives en précisant que son rôle est désormais de simplement “concourir” au financement du DPC alors qu’il devait jusqu’ici, financer le dispositif obligatoire. L’arrêté précise en outre, qu’en cas de prévision de dépenses supérieure de 2 % par rapport au budget initial, l’OGDPC doit prévenir les représentants de la tutelle, et réunir un conseil de gestion pour “définir les modalités du retour à l’équilibre”. Ce qui lui laissera notamment la possibilité de diminuer le nombre de programmes financés par professionnel, ou revoir les budgets DPC pour chacune des professions concernées. Fin du premier acte.

Deuxième acte : les mesures d’urgence. Confronté à une impasse budgétaire immédiate, le conseil de gestion de l’OGDPC (présidé par un représenant de l’Assurance maladie, à voix majoritaire) s’est réuni le 16 octobre dernier pour prendre une série de mesures conservatoires en urgence.

1 – Au 17 octobre, ne pourront s’inscrire pour un séminaire que les professionnels de santé qui n’en ont pas encore suivi en 2014. Mais trois catégories de stages resteront ouvertes, y compris pour les professionnels qui ont déjà suivi un stage en 2014 : les formations des formateurs, celles liées à la maîtrise de stage et les formations spécifiques liées au PAERPA (projet pilote de prise en charge des personnes âgées).

2 – Une rallonge budgétaire exceptionnelle de 10 millions d’euros, provenant de l’assurance maladie, et de 3 millions d’euros, émanant de l’OCDPC a été décidée, pour terminer l’année sans frôler la banqueroute. Mais demain ?

 

Seulement 26 % de la population cible a suivi un DPC

Les budgets de l’OGDPC sont déjà fixés jusqu’en 2017, par la commission d’orientation et de gestion qui lie l’Etat à la caisse nationale d’assurance maladie, soit 162 millions d’euros en 2015 et 182 en 2016 (pour rappel 166 millions en 2014…). Or, si tous les professionnels de santé bénéficiaient du dispositif comme la loi l’impose, c’est sur un budget de 580 millions annuels qu’il faudrait s’appuyer. Aujourd’hui, seulement 26 % de la population cible a suivi un DPC. L’Igas a calculé que si tous les professionnels suivaient une formation annuelle, il en coûterait 580 milllions d’euros par an.

Reçu jeudi après midi par le directeur adjoint de cabinet de Marisol Touraine et une conseillère pour le DPC, le Dr Gérald Galliot, le président du Conseil de Surveillance de l’OGDPC, estime que cette rencontre a été profitable bien que le cabinet ait confirmé “qu’un seul DPC par professionnel de santé et par an serait pris en charge”. Le ministère a également admis que les formations PAERPA devraient être hors quota, “ce qui n’était pas l’option initiale”, relate celui qui est également président du syndicat CSMF d’Eure et Loir. Mais pour le SML, cette restriction reste en travers de la gorge.

 

“Reconfiguration du DPC”, à la mi-janvier

La formation des médecins libéraux, dont une partie était financée jusqu’en 2012 par les fonds conventionnels, représentait pour chaque médecin libéral, 76 heures de formation possible, financée par ce dispositif”, écrit le syndicat dans un communiqué vengeur. “En 2014, ajoute-t-il, les médecins libéraux n’ont pu effectuer en moyenne que moins de 14 heures de formation dans le dispositif de DPC.” Bilan d’autant plus difficile à avaler que les fonds non consommés par les médecins au 15 octobre dernier ont été répartis pour le compte des autres professions de santé “qui elles ont dépassé leurs budgets, privant les libéraux d’une partie de leur financement 2014 !”, grince le SML.

Peine perdue. Les discussions vont se poursuivre dès la première semaine de novembre pour la budgétisation 2015. Puis elles se prolongeront jusqu’à la mi-janvier pour la “reconfiguration du DPC”, souhaitée par tous les syndicats médicaux siégeant à l’OGDPC, en fonction des remarques de l’IGAS. Discussion relativement courte, car le temps presse.

Ce DPC deuxième manière devra répondre à trois problématiques. A commencer par la périodicité de l’obligation. Elle est aujourd’hui annuelle, le gouvernement l’envisagerait triennale. Mais il n’en est pas question pour Gérald Galliot : “Nous disons non, car cela casserait la dynamique enclenchée, démotiverait et désengagerait les professions de santé du DPM et de la formation contine en général. De plus, cela pénalisera la qualité des soins, tout en ne passant pas inaperçu ne aux yeux du CISS, le collectif de patients”, explique-t-il. Le cabinet aurait entendu ces remarques.

Deuxième axe, le périmètre du DPC. Il doit aujourd’hui, répondre à de très nombreux thèmes prioritaires fixés par les autorités de santé. On peut envisager d’en réduire le nombre, dans le cadre de la future loi de santé (qui doit acter la révision du dispositif). “C’est une bonne piste, qui préserve l’objectif de qualité”, commente le président du conseil de surveillance.

Troisième point : la qualité des organismes qui dispensent des séminaires de DPC.

 

“Le DPC est victime de son succès”

La loi HPST a totalement ouvert le dispositif à tous les organismes, privilégiant le principe d’une inscription, et d’un contrôle a posteriori, par sondage. Mais, de l’avis général, cela ne va pas du tout . “On a vu des organismes qui dispensaient des formations DPC sur l’utilisation du matériel incendie, d’autres, de la formation World, ou encore Excel. Il faut un grand coup de balai”, insiste Gérald Galliot, qui chiffre à plusieurs centaines (sur 3 000 organismes inscrits), les squatters uniquement intéressés par le financemnet du dispositif.

Le financement du DPC sera l’avant dernier axe de la concertation. Toutes les pistes sont sur la table, à commencer par le montant de l’enveloppe annuelle allouée : 3 700 euros par an et par médecin, pour l’indemnisation du temps passé et le règlement de l’organisme dispensant les actions. “Nous entrons en discussions avec une démarche positive”, tient à signaler le Dr Galliot.

Enfin, la réforme de la gouvernance fait également le consensus parmi les syndicats et le Collège de la médecine générale. Ils veulent une vraie parité au conseil de gestion (alors qu’un vote prépondérant est donné aux financeurs, qui président), et avoir véritablement voix au chapitre pour la définition des moyens, des thèmes et des méthodes…

“C’est un fait, le DPC est victime de son succès”, a coutûme de dire le Dr Martial Olivier Koerhet, ancien président de MG France, créateur de l’association Soins coordonnés, l’un des rares défenseur du système. Représentant des médecins, le Dr Galliot ne dit pas autre chose. “Ce succès, tout le monde en est conscient, à commencer par le ministère de la Santé qui s’est fait dépasser budgétairement. Il faut des clarifications qui nous permettent d’être plus performants. Sans casser la baraque”, conclut-il.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne

 

La pétition