Le testing dans les cabinets médicaux fait son retour dans le projet de loi de Santé. Officiellement, sa mise en place opérationnelle est confiée à l’Ordre… qui n’entend pas y participer en l’état ! Si la forme est encore floue car le texte va encore évoluer et promet des débats houleux, la mesure est bel et bien sur les rails.

 

“Pour peu répandue qu’elle soit, la pratique du refus de soins opposé aux bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME contrevient à l’accès aux soins des personnes les plus précaires”, fait valoir le projet de Loi de santé présenté par Marisol Touraine le 15 octobre. “Il est donc proposé de confier aux ordres professionnels concernés le soin d’objectiver les pratiques de refus de soins. Les travaux des ordres seront alimentés par les résultats d’opérations de tests de situation.” En un mot comme en cent, voilà le grand retour du testing dans les cabinets médicaux. A l’Ordre de les orchestrer. En théorie.

 

L’Ordre hostile au testing

“Nous ne participerons pas à un testing généralisé des praticiens. Sur le principe, l’Ordre est défavorable et hostile au testing. C’est un procédé infamant, qui revient à dire que tous les médecins sont des voyous”, assure, catégorique, le docteur André Deseur, vice-président du CNOM.

L’idée d’évaluer l’accueil que réservent les médecins aux patients qui bénéficient, notamment, de la CMU-C n’est pas nouvelle. Dans les faits, les pratiques de testing existent déjà. Le Fonds de financements de la CMU, le CISS (Collectif inter associatif sur la santé) et Médecins du monde en ont déjà mené. “Le testing permet une sensibilisation, de montrer que le problème existe, plaide Marc Paris du CISS. Mais l’intérêt de l’inscrire dans la loi, c’est qu’il y ait une méthodologique commune pour en faire un vrai outil de contrôle ou d’observation des pratiques.”

En son temps, Roselyne Bachelot s’y était essayée. La mesure faisait partie de son projet de loi “Hôpital, patients, santé, territoire”, en 2009. Mais elle avait été rejetée par les sénateurs qui s’étaient indignés de cette pratique “stigmatisant” les médecins. Puis, en février 2013, la sénatrice Aline Archimbaud avait déposé une proposition de loi visant à favoriser l’accès aux soins des plus défavorisés, qui réintroduisait le testing, sans que le texte ne soit adopté.

Désormais, s’il était voté en l’état début 2015, le projet de Loi de santé pourrait bien institutionnaliser la pratique. On n’y est pas encore, assure-t-on au CNOM. “L’Ordre va produire des propositions d’amendements, des articles complémentaires, pour demander un certain nombre de modifications”, poursuit le Dr Deseur.

 

Observatoire des refus de soins

“Nous argumenterons contre la mise en place d’un testing généralisé, auprès des services du ministère d’une part, et des parlementaires d’autre part. Il s’agit de défendre et d’exprimer un certain nombre de positions. Nous avons bon espoir d’être entendus, mais il faut les exprimer même si on devait ne pas être entendus.”

Les “arguments” pourraient aller dans le sens d’un retour à “l’Observatoire des refus de soins”, qui figurait d’ailleurs dans l’avant-projet de Loi de santé, avant de disparaître du texte présenté en octobre par Marisol Touraine. Une idée qui semblait pourtant faire consensus tant chez les patients qu’auprès de l’Ordre. “L’Observatoire des refus de soins, que nous réclamions, a disparu ! Donc, si le testing ne sert ni à observer ni à dissuader les refus de soins… cela réduit grandement son intérêt”, souligne le Collectif, qui regrette qu’à ce jour “l’article reste très imprécis” et”ne prévoit aucune sanction, ni disciplinaire ni même administrative, ni même encore conventionnelle”.

“L’Observatoire, c’est un moyen de savoir ce qui se passe effectivement. Il faut connaître la réalité pour savoir de quoi on parle”, explique André Deseur. Il soutient que cette structure pourrait être confiée à un certain nombre de partenaires, dont l’Ordre et les représentants des usagers,pour faire remonter un certain nombre d’informations aux services de l’Etat. “On peut recevoir des plaintes de patients concernant des abus tarifaires, ou des refus de soins en matière de CMU-C ou d’AME. Lorsque le comportement a été signalé, il n’est pas illogique qu’il y ait un suivi” via des pratiques de testing. Dans un second temps, “si des comportements sont contraires à la loi, il est logique que cela aboutisse à un rappel à la loi et/ou à des sanctions, et il faut que les juridictions compétentes soient saisies.”

 

Seulement un projet

“Il y a très peu de plaintes concernant des refus de soins, glisse Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis. D’une part parce que la définition d’un refus de soins n’est pas claire, et d’autre part parce que certains patients sont accablés après un refus. Ils ne portent pas plainte.”

De son côté, André Deseur rappelle que le texte présenté n’est à ce jour qu’un projet, qui connaîtra encore des évolutions. “Le projet a encore à vivre avant d’être discuté et adopté.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier