Le nom du docteur Kellogg est connu dans le monde entier. Mais saviez-vous que l’inventeur des célèbres Corn Flakes était un énigmatique médecin qui, à la fin des années 1800, soignait les riches américains à base de régimes extrêmement stricts ?
 

 

John Harvey Kellogg est né en 1852 dans un milieu très pratiquant, celui de l’Eglise adventiste du septième jour. En 1870, ce mouvement prône des valeurs très hygiénistes et lutte contre les habitudes américaines qui selon lui, nuisaient à leur santé : ils ne prenaient presque jamais de bain, mangeaient peu de fruits et légumes…

 

Il remet en cause la vision chrétienne de la maladie

C’est dans ce contexte, que le jeune et brillant John Harvey, poussé par son pasteur, se décide à suivre des études de médecine. A tout juste 24 ans, le Dr Kellogg prend la direction de la première organisation médicale adventiste, le Sanitarium de Battle Creek. Il remet en cause la vision chrétienne traditionnelle de la maladie, considérée comme une punition divine et encourage la généralisation d’une alimentation végétarienne.

A cette époque, le Sanitarium soignait de très riches américains en leur prodiguant des soins basés essentiellement sur un changement radical de leur mode de vie. Il prônait l’exercice physique, l’hydrothérapie, leur conseillait de ne pas trop s’exposer au soleil ou de porter des vêtements propres. Surtout, il s’évertua à changer les habitudes alimentaires des américains, en leur prescrivant un régime végétarien des plus stricts.

Le Dr Kellogg avait en effet repéré une maladie qui était selon lui le plus grand mal de cette fin de siècle, “l’auto-intoxication”. Pour lui, presque tous les problèmes de santé de ses patients étaient liés à une “putréfaction de l’intestin”. Et les seuls remèdes possibles passaient par un changement d’alimentation.

La viande était, bien-sûr, la principale responsable de ces putréfactions. Elle était donc totalement interdite au Sanitarium. Mais difficile de convaincre ces anglo-saxons, accros au bacon et au steak. Pour faire passer son point de vue, le médecin avait donc mis au point une démonstration imparable. Il faisait venir un singe dans une salle lui proposait de manger, au choix, un steak ou une banane. Naturellement, l’animal choisissait la banane, preuve que, si même un singe refusait un morceau de viande, c’est bien qu’elle était mauvaise.

 

Le yogourt devait être ingéré de façon naturelle, mais aussi par lavements

Une des raisons pour laquelle le docteur Kellogg préconisait une alimentation végétarienne était que la consommation de viande stimulait les ardeurs sexuelles. Pour lui, pour rester en bonne santé, les rapports sexuels étaient à éviter le plus possible. Au pire, il ne fallait pas dépasser un épisode par mois. Quant à la masturbation elle était la source de nombreuses maladies, de l’épilepsie à la folie, et était donc à proscrire totalement également.

Autre remède à l’auto-intoxication : le nettoyage du colon. Pour cela, le docteur Kellogg utilisait “l’hydrothérapie”. Il avait fait construire des machines qui, en moins d’une minute, pouvaient pomper jusqu’à 60 litres d’eau dans le colon. Le bon médecin vantait également à ses patients les bienfaits du “yogourt”. Selon, lui, le yogourt devait être ingéré de façon naturelle, mais aussi par lavements, pour une efficacité optimale.

Cette obsession pour le yogourt est relatée dans le film humoristique Aux bons soins du Dr Kellogg. Dans une scène, le docteur prescrit au nouveau patient, Mr Lightbody, “15 gallons de yogourt”. Quand ce dernier lui annonce “je ne peux pas manger 15 gallons de yogourt !”, le docteur Kellogg répond “ne vous inquiétez pas, Monsieur Lightbody, cela ne va pas être introduit par le haut.”

Quant aux patients récalcitrants, ils devaient monter sur la chaise à vibrations. Elle secouait tellement le patient, que toutes les toxines attachées à l’intestin sortaient immédiatement de l’organisme du patient.

 

Tous devaient “mastiquer” simultanément leurs aliments

Pour que tous ces patients intoxiqués réapprennent à manger, les repas au Sanitarium se passaient dans une grande salle à manger. Tous devaient “mastiquer” simultanément leurs aliments. Et cela, précisément 32 fois par bouchée. Cette théorie du “masticage” a été inspirée d’un autre grand gourou de l’alimentation de l’époque : Horace Fletcher. Selon lui, il était nécessaire de mâcher les aliments jusqu’à ce qu’ils deviennent liquides. Et pour être sûr que les remèdes fonctionnaient, chaque patient devait examiner ses propres selles et vérifier qu’elles ne contenaient aucune trace de putréfaction, et, surtout qu’elles ne dégageaient pas d’odeur.

Tous ces remèdes connaissaient un incroyable succès. Et très vite, le Sanitarium de Battle Creek devint célèbre dans le monde entier. En 1927, il accueillait plus de 7 000 patients, suivis par une trentaine de médecins, et près de 800 employés. Au cours des années, le Sanitarium accueillit des patients célèbres comme William Howard Taft (un ancien président des États-Unis), l’économiste Irving Fisher, Mary Todd Lincoln, la femme du président Abraham Lincoln, le prix Nobel George Bernard Shaw, le sportif et acteur Johnny Weissmuller, l’industriel Henry Ford, l’inventeur Thomas Edison ou l’actrice Sarah Bernhardt. John Harvey Kellogg ouvrit également un deuxième Sanitarium, en Floride.

Mais, ce n’était que le début de sa réussite. En effet, en recherchant l’aliment aux vertus nutritives idéales, le médecin a inventé, ce qui encore aujourd’hui sert de petits déjeuner à des millions de personnes.

Pour remplacer la viande, le docteur Kellogg utilisait notamment le zwieback, un genre de biscuit passé deux fois au four. Il avait la particularité d’être extrêmement dur, ce qui rendait la “mastication” délicate. A tel point qu’un jour, un des patients se casse une dent.

 

Les deux frères venaient d’inventer les corn flakes

Le docteur Kellogg se dit donc qu’il fallait trouver une autre solution. Il se met à travailler divers aliments avec son frère, Will Keith. Un jour, après avoir cuit le blé, ils font passer la pâte, une fois séchée, entre des rouleaux. Ce qui donne des flocons croquants qui ne risquaient pas d’endommager la dentition de leurs patients. Le résultat est encore mieux avec du maïs. Les deux frères venaient d’inventer de corn flakes.

Pour le médecin, c’était surtout l’aspect nutritif de ce nouvel aliment qui était intéressant. Il ne le voyait alors qu’en tant que “médicament” conçu sur-mesure pour les riches patients du Sanitarium. Mais son frère, Will Keith, voyait dans ce grain de maïs, un moyen de faire fortune. Pour cela, il décide d’ajouter un peu de sucre à la recette. Une idée saugrenue qui lui vaudra de se fâcher à vie avec son frère.

Qu’importe, le business man fonde Kellogg’s, une société qui distribue ses produits dans plus de 180 pays et dont le chiffre d’affaires s’élève à plus de 12 milliards de dollars encore aujourd’hui. Pas sûr néanmoins que tous les amateurs de corn flakes suivent toujours le conseil du docteur : mastiquer 32 fois chaque bouchée.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Sciencepresse.qc.ca et faqs.org]