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HISTOIRE – Ces 40 000 patients qui ont fait la fortune des psys

Une étrange épidémie touche la population américaine au cours des années 80 : le trouble de la personnalité multiple. Les patients, essentiellement des femmes, possèdent plusieurs dizaines, voire des centaines de personnalités. 40 000 malades auraient été répertoriés, et de nombreux cas sont hautement médiatisés. Mais pour de nombreux spécialistes, cette pathologie est tout simplement fantasmée.

 

Les histoires de ces patients sont dignes des meilleurs scénarios de films. Les malades, essentiellement des femmes, possèdent des dizaines de personnalités différentes. Elles sont tour à tour une femme, un homme, une enfant, une grand-mère… Un jour elles sont boulimiques, le lendemain anorexiques, elles parlent anglais, puis la minute d’après allemand. Brigitte Axelrad, professeur honoraire de philosophie et de psychosociologie, a rédigé en 2009 un article sur le sujet dans lequel elle évoque le cas d’une patiente qui possède 120 personnalités, dont un canard. Un thérapeute de l’époque, Richard kluft, parle même d’un patient possédant 4500 alter egos.

Deux cas sont particulièrement emblématiques de cette maladie. La plus célèbre est Chris Sizemore. En 1954, ses médecins décrivent des troubles de la personnalité dans un livre très grand public, duquel sera tiré un film : Les trois visages d’Eve.

 

40 000 malades en 1995

Quelques années plus tard, c’est une autre patiente qui occupe le devant de la scène, prénommée Sybil. En 1973, sa “multibiographie” devient un best-seller, et sera elle aussi adaptée en film. Il raconte les dix ans de thérapie de la patiente, au cours desquelles elle montre seize personnalités différentes, et retrace son enfance, torturée et violentée par sa mère.

A partir des années 80, le trouble de la personnalité multiple se répand, telle une épidémie aux Etats-Unis. Si dans les années 70, on recense déjà une centaine de cas, ils seraient 40 000 malades en 1995, rapporte Le Monde, dans un article qui revient sur cette singulière épidémie. Les patients parlent dans la presse, sont invités sur les plateaux télé, écrivent des livres… Les médecins, eux, se passionnent pour ces cas hors normes. En 1980, face à l’ampleur du phénomène, le trouble de la personnalité multiple fait son entrée au DMS, le manuel des troubles mentaux.

Les thérapeutes ont tenté de trouver des explications. Les psychiatres parlent d’un “morcellement du soi”, qui provient de traumatismes survenus lors la petite enfance, et notamment d’abus sexuels. Ce sont ces traumatismes refoulés qui ressurgissent à travers les personnalités multiples.

 

Une aubaine pour les psychiatres

En 2009, l’historien Hilary Evans et le sociologue Robert Bartholomew reviennent sur ces troubles dans Outbreak, une sorte d’encyclopédie des “comportements sociaux extraordinaires”. Pour eux, le trouble de la personnalité multiple est surtout une aubaine pour les psychiatres américains. En effet, le seul traitement connu est la thérapie. Thérapie au cours de laquelle les patientes retrouvent les souvenirs, plus ou moins réels, des abus sexuels dont elles ont été victimes. A cette époque, les patientes sont de plus en plus en plus nombreuses à porter plainte contre leurs parents et à obtenir des indemnités. Même malgré l’absence de preuves.

Par ailleurs, ces deux auteurs rapprochent ces cas au mouvement féministe. “Non seulement la plupart des TPM sont observés chez des femmes, mais la nature de leurs troubles rend compte dans bien des cas de leur besoin de s’affirmer. Typiquement, une patiente timide et soumise va développer une deuxième personnalité effrontée, sûre d’elle et sexuellement libérée.”

 

Une supercherie

Au fil des années, les histoires de ces malades deviennent tellement extravagantes, que les spécialistes commencent à se montrer sceptiques. Dans les années 90, on apprend que l’histoire de la célèbre Sybil est en réalité une supercherie montée par une femme et sa thérapeute. On commence à douter des psychanalystes qui n’auraient aucun mal à faire ressurgir de faux vieux souvenirs.

Finalement, ce sont les psys qui se retrouvent sur le banc des accusés. Un thérapeute a notamment dû verser 2,4 millions de dollars à sa patiente. Il lui avait permis de se “souvenir” qu’elle avait été violentée sexuellement par 50 membres de sa famille…

En 1994, le trouble de la personnalité multiple disparaît du manuel des maladies mentales pour être intégré dans le champ des troubles dissociatifs.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Lemonde.fr et L’observatoire Zetetique]