Les pompiers en ont assez. Assez d’être repoussés au dernier rang des acteurs des services d’urgence. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a appelé dans un communiqué l’ensemble des sapeurs-pompiers à “geler toute relation de coopération, hors cadre opérationnel”, avec les ARS et les Samu. Et ce, “tant qu’un dialogue partenarial respectueux n’est pas rétabli au niveau national”.

 

“Le discours de Marisol Touraine, le 4 juin dernier à l’occasion du Congrès “Urgences” a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase”. Le Dr Patrick Hertgen, vice-président de la FNSPF en charge des secours d’urgences aux personnes ne masque pas son agacement. Le conflit avec le Samu dure depuis déjà plusieurs années mais cette fois s’en est trop. Dans un communiqué, la Fédération “déplore la contradiction totale entre les directives données par le président de la République pour améliorer l’organisation du secours d’urgence aux personnes et l’action de la ministre de la Santé”.

 

Les pompiers au rang de “sous-traitants”

Marisol Touraine “persiste dans sa politique unilatérale, dispendieuse et hégémonique afin de mettre en œuvre, seule, la garantie d’accès aux soins urgents en 30 minutes promise par le Président de la République” s’exaspère la FNSPF, alors que le 12 octobre dernier, François Hollande avait précisément demandé que les sapeurs-pompiers soient associés aux décisions. Dans une “logique de domination et d’annexion”, la FNSPF accuse Marisol Touraine de classer les pompiers “au rang de sous-traitants, sans voix au chapitre de la réorganisation territoriale de la politique des soins urgents”.

“Nous ne faisons pas de corporatisme. Nous demandons simplement à travailler ensemble dans de bonnes conditions. Depuis deux ans nous constatons que les urgences sont gérées de manière unilatérale par le Samu. Le schéma d’urgences de la ministre parle de toutes sorte d’acteurs mais ignore les pompiers” s’indigne le Dr Hertgen, rappelant la force du maillage territorial des pompiers avec 7 300 casernes en France et un délai d’intervention de 12 minutes.

En 2007, la FNSPF publiait un livre blanc sur les difficultés de collaboration entre les différents services d’urgences. “On nous disait en gros à l’époque, “lorsqu’on vous appelle, vous devez nous demander la permission avant de partir” cite pour exemple le médecin pompier. Pour mettre fin à ces difficultés, un référentiel commun “secours à personne, aide médicale urgente” avait été négocié puis publié en 2008. “C’est une sorte de règle du jeu opérationnelle qui détermine la manière dont se mettent en œuvre les sapeurs-pompiers et les Samu dans l’action quotidienne des secours” explique le Dr Hertgen qui déplore que ledit référentiel ne soit pas appliqué.

Cette fois ci, les pompiers ont décidé d’employer les grands moyens pour se faire entendre en annonçant lors d’une conférence de presse leur décision “de cesser toutes discussions, tous travaux, avec les Samu et les agences régionales de santé”. Une solution qui semble déjà efficace. “Nous demandions depuis plus de trois mois un rendez-vous au ministère de la Santé. A l’issue de notre conférence de presse, nous avons été reçus dans un délai de 24 heures par le directeur de cabinet de Marisol Touraine” constate le Dr Hertgen. L’entrevue a duré une heure au cours de laquelle aucune position n’a été prise par le ministère. “Nous sommes satisfaits, le dialogue était franc et sincère. Nous attendons désormais des réponses de fond” a confié le médecin pompier. “Les pompiers ont été reçus à la demande de Marisol Touraine. Le dialogue est noué et le processus est initié” confirme un membre du ministère sans en dire plus.

 

Rapport de l’Igas en préparation

Du côté du Samu, c’est l’incompréhension totale. “Nous constatons avec tristesse et consternation cet appel. Cela nous surprend. Cette façon de faire est étonnante” a réagit le Dr François Braun, président de Samu urgences de France avant d’ajouter d’emblée “il faut souligner le rôle essentiel des sapeurs-pompiers, secouristes professionnels et volontaires dans les missions auprès des Samu et des Smur. Cette coopération est quotidienne et va dans l’intérêt des patients”.

Un rapport de l’IGAS est en préparation sur le référentiel de “secours à la personne”. En attendant, Samu et pompiers campent sur leurs positions. Ces dernières divergent notamment sur la question de la mise en place d’une plateforme d’appel unique entre pompier et Samu. Le numéro 112 existe déjà mais il est peu utilisé, “nous aimerions qu’il devienne le numéro de l’urgence. C’est d’ailleurs ce qui est stipulé dans le référentiel”, remarque le Dr Hertgen. Un avis que ne partage pas le Dr Braun. “Ce n’est pas du tout dans notre logique, nous n’avons pas les mêmes missions ni la même doctrine d’utilisation. Notre activité avec les sapeurs-pompiers ne représente que 20 à 25% de l’activité d’un Samu centre 15. Ils sont des partenaires essentiels mais nous en avons plein d’autres comme les ambulanciers privés ou les médecins généralistes” justifie-t-il.

Si les divergences organisationnelles semblent difficiles à résoudre, pas d’inquiétude en revanche sur le travail de terrain qui est assuré en bonne entente entre équipe des pompiers et du Samu pour la sécurité des patients.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin