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Stratégie nationale de santé : les libéraux veulent être entendus

Les professionnels de santé libéraux souhaitent être partie prenante à l’élaboration de la stratégie nationale de santé. Et ils l’ont fait savoir lors de la convention du Centre national des professions libérales de santé, qui a été l’occasion de présenter leurs attentes.

 

En septembre 2013, la ministre de la Santé présentait la feuille de route de sa stratégie nationale de santé (SNS), un nouveau projet de loi qui devrait être déposé à l’été 2014, organisé autour de trois piliers : le développement de la prévention à tous les âges de la vie, la révolution du premier recours afin que le modèle s’organise autour du patient et, enfin, le renforcement des droits des patients.

 

“Une contribution des vrais gens’’

“Nous avons choisi ce thème pour rappeler aux politiques qui vont élaborer cette loi que les professionnels de santé libéraux ont une place de premier plan à avoir’’, a lancé Philippe Gaertner, président du Centre national des professions de santé (Cnps), en guise d’introduction à cette convention, le 14 mars. Le Cnps a souhaité s’interroger sur les nouveaux besoins des patients, et a laissé la parole au secrétaire général de la Fédération française des diabétiques (FFD), Gérard Raymond, pour qui il est indispensable de “construire la SNS avec le patient. Le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques ont modifié le profil des patients, mais notre système est encore trop dans le curatif, axé sur le traitement de la maladie, a-t-il soutenu.Nous souhaitons davantage de prévention et d’accompagnement afin de mieux conserver notre capital santé, ce qui requiert une transformation fondamentale du rôle des professionnels de santé de territoire’’. L’enjeu de la SNS “est que l’on fasse un vrai débat public en confrontant les idées des uns et des autres, car pour le moment ce débat n’a pas eu lieu, il y a simplement eu des débats d’experts en public’’, a-t-il ajouté, insatisfait des débats organisés aux niveaux régional et national par les pouvoirs publics.

Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers, a d’ailleurs proposé que les patients soient interrogés directement dans le cadre d’une grande enquête nationale qui serait relayée par les professionnels de santé libéraux “pour apporter une contribution et une expression directe des vrais gens dans la vraie vie’’. Une proposition qui a séduit Gérard Raymond. Il suggère néanmoins que le questionnaire soit élaboré conjointement, afin de recenser les demandes individuelles, pour ensuite rédiger un plaidoyer collectif.

 

“Eviter la construction d’usine à gaz’’

Élaborer une stratégie nationale de santé adaptée au terrain s’avère indispensable aussi bien pour les patients que pour les professionnels de santé libéraux. D’ailleurs, le président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (Ffmkr), Daniel Paguessorhaye, a demandé à ce que davantage de confiance soit accordée aux professionnels de terrain, et souhaite éviter “la construction d’usines à gaz, de structure rigide, non adaptées à la demande’’. Même son de cloche du côté du Dr Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux, pour qui il est impératif de ne pas imposer de carcan aux professionnels de santé, qui doivent, sur le terrain, s’adapter aux besoins de la population. “Plus qu’une question financière, la problématique de l’organisation des soins est celle de la communication entre les professionnels autour des besoins des malades’’, fait-il savoir.

Pour preuve, une organisation territoriale à laquelle a pris part le Dr Luc Duquesnel, président de l’Unof-Csmf, dans son département, la Mayenne, avec une soixantaine de professionnels de santé libéraux. Elle consiste en un parcours de soins au bénéfice de la personne âgée, qui vise à préparer des alternatives à l’hospitalisation, en particulier à travers la télésurveillance à domicile. Les libéraux assument la gouvernance de cette expérimentation, ainsi que celle du programme Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa), et participent à la mise en place du dossier patient partagé. “Il n’est pas question de supprimer les structures existantes ni d’en créer de nouvelles, mais de faire tomber les murs pour coordonner les actions des uns et des autres’’, a expliqué le médecin.

 

“Le passage ville-hôpital est un point de rupture’’

Mais “si la SNS n’a d’intérêt que si elle se déploie dans le cadre du patient, il faut faire attention à ce que les libéraux soient reconnus dans un dispositif qu’ils peuvent mettre en œuvre’’, a estimé Philippe Gaertner.

Il est selon lui impératif de passer des principes à des éléments concrets de prise en charge des patients, avec, au premier rang, le maintien des personnes âgées le plus longtemps possible dans leur lieu de vie. “L’une des évolutions majeures de la loi Hôpital, patients, santé et territoires [Hpst] est d’avoir beaucoup misé sur les expérimentations locales, a regretté Philippe Gaertner. Or, il est difficile de les faire remonter au niveau national et de les étendre. Avec le programme Paerpa, on trouve une préconisation avec un dispositif national qui a une application locale. L’hôpital ne doit servir qu’à l’expertise, a-t-il ajouté. Il s’agit d’un enjeu stratégique, et si on avance dans ce sens alors on va répondre aux besoins des patients et permettre des économies.’’ Pour ce faire, il est nécessaire de repérer les points de rupture pour éviter l’accroissement des risques. “Aujourd’hui, le passage ville-hôpital est un important point de rupture, a-t-il rapporté. L’hôpital n’a souvent pas les informations nécessaires lors de la prise en charge d’un patient. Il y a donc un réel enjeu autour des éléments de circulation de l’information.’’

L’avatar a été le dossier médical personnel, qui a des difficultés à fonctionner, “mais nous sommes tous convaincus par des éléments simples comme la messagerie sécurisée.’’ Et c’est identique dans l’autre sens, pour le passage hôpital-ville. “La prise en charge doit être coordonnée car en cas de rupture, il y a des risques de réhospitalisation et d’aggravation’’, a-t-il estimé, précisant que la coordination en ville est difficile à mettre en place, notamment pour des questions de rémunération.

 

“Capitaliser sur le savoir-faire des professionnels libéraux’’

“Nous sommes totalement en accord avec ces objectifs et sur la nécessité de travailler sur les points de rupture’’, a rapporté Dominique Libault, chargé du programme Paerpa. Selon lui, il faut créer une nouvelle dynamique, et la prise en charge à domicile, moins coûteuse, ne pourra se développer qu’à la condition de mettre en place une coordination de proximité, dans une démarche co-construite. “Je crois beaucoup à la co-construction, et avec le programme Paerpa on essaye de co-construire avec un double travail aux niveaux national et local’’, a-t-il fait savoir.

Selon lui, le Paerpa requiert trois éléments : la coordination de proximité, la coordination territoriale d’appui, et la gestion des parcours ville-hôpital-Ehpad. “Il faut une dynamique d’ensemble, la gouvernance est extrêmement importante’’, a-t-il soutenu. Il faut également une reconnaissance financière de la coordination dans le cadre du Programme personnalisé de soins (PPS), car selon lui “l’investissement en faveur de la coordination permettra de maîtriser les dépenses d’hospitalisation’’. “On va capitaliser sur le savoir-faire des professionnels libéraux pour nous permettre de soigner mieux à un coût supportable par rapport à une capacité de croissance, a ajouté Frédéric van Roekeghem, directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam). Il faut voir comment capitaliser sur les expérimentations pour intégrer une dynamique et de la créativité dans un mouvement qui va concilier les objectifs des uns et des autres et avoir des résultats.’’

 

“Un nouvel équilibre entre l’hôpital et la ville’’

Ily a, d’après lui, quatre finalités à poursuivre : améliorer la prévention des facteurs de risque en capitalisant sur de meilleures connaissances des territoires via les expérimentations pour homogénéiser les résultats ; mieux organiser les soins entre la ville et l’hôpital, en partenariat avec le médico-social, afin de garantir une prise en charge efficiente des pathologies chroniques ; prévenir les hospitalisations et réhospitalisations évitables par une meilleure prise en charge à domicile, en coordination avec les médecins libéraux ; et inscrire la rémunération des initiatives dans une convention.

Il faut également, d’après l’assurance maladie, capitaliser sur les résultats intéressants en termes d’informatisation et notamment promouvoir la structuration des logiciels, afin de faciliter les échanges entre professionnels.

Enfin, il a alerté sur la nécessité d’être “plus économes de nos moyens et donc de nos ressources en capitalisant plus et en investissant dans l’offre’’, car “dès lors que l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie [Ondam] 2014 a été établi sur la base d’une sous-consommation de l’Ondam 2013, il est probable que l’Ondam 2015 soit contraint’’.

Il était en effet envisagé, pour 2015, un Ondam inférieur à 2%, ce que dénoncent les libéraux qui“ont fait la démonstration ces dernières années de leur capacité à s’engager dans la maîtrise médicalisée des dépenses, avec un respect de l’Ondam et la réalisation de près de 3 milliards d’euros supplémentaires dont 1 milliard d’euros en 2013’’, a rapporté Philippe Gaertner. “Si les professionnels libéraux prennent en charge plus d’actes, il va falloir un nouvel équilibre entre l’hôpital et la ville’’, a revendiqué le Dr Jean- François Rey, président de l’Union nationale des professionnels de santé (Unps), qui estime que la question des moyens procède d’un choix politique.

 

Les propositions du Cnps

Le Cnps a dressé une liste de propositions pour la stratégie nationale de santé, susceptible d’évolution :

 – construire une véritable articulation entre l’hôpital et la ville
 – reconnaître et favoriser la coordination entre libéraux de santé
 – construire une rémunération respectueuse du cadre conventionnel
 – favoriser les regroupements virtuels et physiques
 – agir sur l’accès aux soins en agissant sur les tarifs et le niveau des remboursements
 – orienter notre système de santé vers la prévention
 – développer une culture pluriprofessionnelle

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Laure Martin