La construction d’un centre médical par la Mairie, pourtant ardemment réclamée par les médecins, fait rage dans la petite ville de Coignières (Yvelines). En cause, le montant du loyer réclamé. Largement en-dessous du marché pour le maire. Beaucoup trop élevé au goût des praticiens, qui n’ont pas l’intention d’investir les lieux.

 

Un centre médical tout beau tout neuf, sur une surface de 400 m² et financé par la Mairie vient de sortir de terre dans la petite ville de Coignières (Yvelines). Coût des opérations : 1,8 millions d’euros. Problème : les médecins n’ont pas l’intention de s’y installer. “Voilà des années qu’on demande la construction d’un centre médical. Mais pas avec un loyer à 18 euros le m², c’est beaucoup trop cher !” s’indigne le docteur Gilles Fleury, médecin généraliste à Coignières depuis 28 ans.

Les onze médecins et paramédicaux de l’actuel centre médical Ambroise Paré ont fait part du problème à la Mairie dès 2008 : la loi sur l’accessibilité des établissements recevant du public entrera en vigueur en janvier 2015. Avec leur bâtiment de trois étages, les médecins ont rapidement exclu la possibilité d’y entreprendre des travaux. “Ou on trouvait une solution avec l’aide de la Mairie, ou bien on partait dans une commune proche”, résume le docteur Fleury.

 

Pétition des habitants

Dans un premier temps, la municipalité s’est montrée réticente à investir et rétorquait que dans la mesure où le bâtiment appartenait aux médecins associés, il s’agissait d’un affaire privée. Mais parmi les 4 500 habitants que compte Coignières, plus de 800 ont signé une pétition réclamant qu’une solution soit trouvée pour éviter les départs des médecins.

Soit, a admis le maire Henri Pailleux. Un nouveau centre médical sera bâti, aux normes, aux frais de la commune et proposé en location aux médecins et à la PMI. “Mais la donne a changé en cours de route. On a commencé par nous proposer un loyer à 28 euros le m² !”, proteste Gilles Fleury. D’âpres négociations ont permis de descendre à 18 euros. Un prix tout à fait raisonnable selon le maire, qui fait valoir une moyenne à 32 euros le m² dans les centres médicaux du secteur. “Plus qu’un cadeau, c’est carrément le Père Noël qui passait !”, considère Henri Pailleux. De leur côté, les médecins précisent qu’ils payent actuellement 10,60 € de charges locatives par m². Et n’envisagent pas cette augmentation qui doublerait presque le montant.

 

“Dans le public, on est plutôt à 13 € le m²”

“Ce que le Maire ne dit pas c’est que 32 € le m², ce sont les tarifs des structures privées ! Dans le public, on est plutôt à 13 euros”, assure Didier Fischer, président du groupe d’opposition municipale. Un tarif que les médecins espèrent encore atteindre. “Ca, c’est le prix au centre médical du village voisin, au milieu d’un champ de blé, dans un vieux pavillon qu’ils ont réhabilité comme ils ont pu ! Là, je leur offre un bâtiment tout neuf !”, rappelle le maire de Coignières.

Quand ils ont eu connaissance des plans de leur futur lieu d’exercice, les médecins ont demandé que les surfaces soient revues à la baisse. Aujourd’hui, ils se retrouvent avec un bâtiment difficile à remplir. C’est aussi la raison pour laquelle ils demandent aussi des baux individuels avec la Mairie et non pas un bail collectif pour le groupe de praticiens. Si l’un d’eux part, les autres n’ont pas l’intention de se répartir ses charges. A la Mairie de proposer des conditions séduisantes pour trouver rapidement un remplaçant, estiment-t-ils. “On a cédé sur ça, comme sur tout le reste ! Et pourtant ça n’est pas notre boulot, d’aller récupérer les loyers, de choisir les médecins… Et ils veulent encore baisser le loyer, regrette Henri Pailleux. Je suis désolé, mais on parle d’argent public. Je ne peux pas le jeter par les fenêtres !”

Les négociations ont été gelées avant les élections municipales, mais devraient reprendre sous peu avec le Maire, réélu. Ce dernier leur a fait parvenir un courrier les invitant à reprendre contact, sans réponse pour le moment. Sur les onze praticiens jusqu’ici installés sur la commune, huit sont encore intéressés par le projet. Restent deux généralistes, un gynécologue, un psychologue, un endrocrinologue, deux infirmières et un kiné.

“Avec ces tarifs, les jeunes ne vont pas pouvoir tenir la distance. C’est tellement difficile aujourd’hui, il faut rendre les conditions attractives !”, plaide le docteur Fleury. Déjà, un dentiste, un kiné et un psychiatre qui étaient prêts à prendre part au projet, ont renoncé du fait de la lenteur des négociations.

 

“Une population de 4 500 habitants justifie-t-elle l’installation d’un centre de santé ?”

“Il y a un vrai risque de se retrouver avec un bâtiment vide, sans médecins”, craint même Didier Fischer. Une option que les praticiens envisagent à contrecœur si aucune solution n’est trouvée. “Les habitants veulent des médecins sur place, ça se comprend. Mais la seule vraie question que doit se poser la Mairie, c’est de savoir si une population de 4 500 habitants justifie l’installation d’un centre de santé”, souligne Gilles Fleury. D’autant que si la commune ne compte pas d’autres médecins, généralistes et spécialistes sont accessibles dans les villes voisines de cette zone péri-urbaine, où les habitants sont plutôt jeunes et mobiles.

Mais maintenant que 1,8 millions d’euros d’argent public ont été engloutis dans cette nouvelle construction, il semble un peu tard pour faire machine arrière. “Le Maire a raison de se dire qu’avec un loyer en dessous de 18 euros, le bâtiment ne sera pas rentable, admet l’opposant Didier Fischer. Mais quand on se bat pour maintenir une médecine de proximité, il faut accepter de ne pas faire d’argent sur le dos d’un cabinet médical.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier