Quelques années seulement avant la toute première greffe cardiaque réalisée par le Dr Christiann Barnard, un autre médecin, le Dr James D. Hardy prévoit de tenter une transplantation sur un patient mourant. Seulement, aucun cœur humain n’est disponible… Le médecin a donc l’incroyable idée d’utiliser un cœur de singe.

 

Dans les années 60, James D. Hardy est un éminent chirurgien qui exerce au centre médical de l’Université du Missouri. C’est un pionnier des greffes d’organes. En 1963, il se fait connaître en réalisant la toute première transplantation pulmonaire chez l’homme, sur un condamné à mort. Malheureusement, la réussite du chirurgien est éclipsée par un autre événement : l’assassinat du défenseur des droits de l’Homme Medgar Evers.

Mais le médecin continue ses recherches. Cela fait plus de neuf ans qu’il tente des expériences sur les animaux, notamment sur les singes. Il a déjà réussi une transplantation cardiaque sur un chimpanzé. Le Dr Hardy est persuadé qu’il peut faire la même chose sur des humains.

 

Pas de prélévement d’organe sans arrêt cardiaque

C’est alors qu’arrive aux urgences du centre hospitalier, en fin d’année 1963, un certain Boyd Rush dont le cœur est sur le point de lâcher. Muet, il semble vivre dans la rue. C’est certainement le “cobaye” qu’Hardy attendait tant. L’équipe médicale s’entretient avec la sœur du patient. Sans espoir de survie pour son frère, celle-ci accepte la greffe de cœur. Elle n’a aucune idée de sa provenance.

Le docteur Hardy se lance donc à la recherche d’un cœur humain. Dans le service un homme à l’encéphalogramme plat est hospitalisé depuis quelques jours. Mais à l’époque, les médecins ne peuvent prononcer officiellement la mort qu’après l’arrêt cardiaque. Il est alors totalement impossible pour le docteur de prélever un cœur vaillant !

Le 23 janvier 1964, ce que l’équipe médicale redoutait arrive, le cœur de Boyd Rush arrête de battre. Le médecin tente un massage cardiaque puis place son patient sous respirateur artificiel. Le projet de greffe semble malheureusement avorté.

“Et si on tentait de greffer le cœur d’un chimpanzé ?”, lance alors le Dr Hardy. Ce n’est pas une blague, le médecin est très sérieux. Après tout, le patient n’a plus rien à perdre. L’équipe médicale décide donc d’organiser un vote. Cinq médecins sont présents, 4 votent pour, un s’abstient, l’opération est programmée.

 

Nombreuses critiques

Le donneur choisi s’appelle Bino, c’est le plus gros et le plus vif chimpanzé de l’animalerie. L’opération se passe parfaitement bien. Et, miracle, elle se solde par une réussite : le cœur de l’animal se met à palpiter dans le corps de Boyd Rush.Mais, il ne survivra que 90 minutes. Car, très vite, le patient est victime de perturbations du métabolisme à cause du cœur sous-dimensionné du chimpanzé.

Le médecin pensait-il sérieusement que cette greffe improbable aurait pu fonctionner ? Il est plutôt probable qu’il cherchait surtout à répéter et travailler les gestes techniques d’une transplantation cardiaque. Toujours est-il qu’il publiera dans les années qui suivent 23 livres et près de 500 articles scientifiques. Il est le premier à avoir démontré qu’une greffe de cœur était techniquement possible.

Quant aux nombreuses critiques dont il a fait l’objet, James Hardy s’est expliqué dans ses mémoires. “Nous savions bien tous que toute transplantation d’un cœur dans un homme provoquerait la consternation et des critiques majeures du public. Nous savions aussi que l’utilisation d’un cœur de chimpanzé accentuerait la critique incommensurablement. Ce fut un moment profondément grave pour tous, et déchirant pour certains.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A. B.

 

[D’après des articles du Point.fr, de la Société de pneumologie de Langue Française et de l’Association nationale des greffés cardiaques et pulmonaires]