Médecin pédiatre au sein du service de protection maternelle et infantile (PMI) de Seine-Saint-Denis, Bruno Percebois, est pour la première fois tête de liste aux municipales parisiennes. Candidat du Front de Gauche dans le 7ème arrondissement de la capitale, bien ancré à droite, il profite surtout de sa nouvelle exposition médiatique pour défendre un certain modèle du système de santé, basé sur le salariat des médecins et l’accès aux soins pour tous.
 

 

Egora.fr : En tant que médecin pédiatre, vous avez fait la totalité de votre carrière dans un service de PMI. Etait-ce un choix ou un hasard ?

Bruno Percebois : Quand j’ai débuté, j’avais une idée : le libéral ce n’était pas pour moi. J’ai commencé à faire des vacations en PMI en Seine-Saint-Denis. J’y ai pris goût. Ca me convenait bien, dans la manière dont j’envisageais la médecine. Notamment dans son aspect pluridisciplinaire. J’ai donc continué dans cette voie-là. Et j’y resterai très certainement jusqu’à ma retraite.

 

C’est une patientèle qui est souvent précaire, voire défavorisée. Est-ce cela qui vous a attiré ?

Cela fait partie des idées reçues, mais c’est en partie faux. La PMI est un dispositif, on ne fait pas de premier recours, on ne reçoit que sur rendez-vous. Ce n’est pas exclusivement réservé aux patients dits défavorisés, et on ne reçoit pas que des personnes en précarité. Dans mon département par exemple, il y a 1100 naissances par an et nous ouvrons 650 dossiers chaque année. Les gens viennent aussi en PMI pour un accueil particulier, pour rencontrer une assistante sociale, une puéricultrice si besoin. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a pas une approche spécifique pour des publics spécifiques, qui ont du mal à se tourner vers des dispositifs plus classiques. Mais ce n’est pas dédié.

 

Et votre engagement politique, il a commencé comment ?

J’ai connu cette époque, très décriée aujourd’hui, de mai 68. J’en ai gardé quelques séquelles… j’ai toujours eu beaucoup d’activités militantes, à gauche et à l’extrême gauche. Je suis très engagé aussi au sein du syndicat des médecins de PMI. Nous avons des choses à défendre en tant que médecins territoriaux. On est très réactif sur tout ce qui concerne la politique de l’enfant, notamment.

 

Vous êtes un médecin à l’extrême gauche. C’est plutôt rare non ?

Oui, mais pas tant que ça. Je ne me sens pas totalement exclu non plus. Des médecins de gauche ça existe. Mais c’est vrai qu’on dit généralement que les médecins sont de droite… Le problème, c’est que, dans les représentations collectives et médiatiques, quand on dit médecin, on pense cabinet en ville, on pense Ordre, et donc on pense libéral ! Mais ce n’est pas la réalité. Alors oui, on est sans-doute minoritaires, mais on existe. Seulement, on n’est pas très mis en avant ! D’ailleurs, on dit “les médecins”, mais franchement, qu’est-ce qu’il y a de commun entre un médecin de campagne et un patron hospitalier qui se fait des milliers d’euros en opérant les princes d’Arabie Saoudite ? Je caricature bien-sûr, mais on n’est pas une profession homogène.

 

Quels sont les grands points défendus par le Front de gauche en matière de santé ?

Cela fait quelques années qu’on assiste à une offensive libérale du système de santé qui fonctionne aujourd’hui selon une logique de marchandisation. On est passé d’un dispositif où on essayait de soigner des gens à un dispositif où on vend des soins à des gens, à des clients. C’est détestable. C’est une logique économiquement rentable pour certains, c’est sûr. Mais d’un point de vue social ou sociétal, elle est délétère.

Nous, on se bat aussi beaucoup pour défendre la protection sociale. Le dispositif de sécurité sociale est très mal géré, et la prise en charge recule. Et dans ce contexte de marchandisation, ce sont les complémentaires qui prennent le relais. On n’est plus dans une logique de cotisation collective, mais dans une logique de cotisation individuelle, où se payent une mutuelle, ceux qui peuvent se la payer.

Or, au Front de Gauche, on a un slogan : “l’humain d’abord”. On pense que la santé est un droit, et que les services publics devraient mettre en face les structures adaptées. De même qu’il y a un droit à l’éducation, avec un système d’éducation nationale, il devrait y avoir la même chose pour la santé. Et on pense très sincèrement que de l’argent on peut en trouver ! Ce discours des politiques “il n’y a plus d’argent”, ça nous fait doucement sourire.

 

Vous pensez qu’être candidat à une élection municipale est un bon moyen de défendre ces points ?

En tout cas, cela fait partie des éléments qu’on met dans le débat public. Nous avons une commission interne santé et protection sociale. On a des propositions bien précises.

 

Quelles sont-elles ?

On travaille beaucoup sur la médecine ambulatoire et les déserts médicaux par exemple. On dit toujours que c’est un problème d’organisation. Mais en réalité c’est un problème de démographie. Compte tenu de la pyramide des âges, on sait que le nombre de médecins par habitant va forcément baisser avec l’augmentation de la natalité.

Nous, on défend un modèle : c’est celui de la pédopsychiatrie. Il y a des hôpitaux psychiatriques pour les cas d’urgences et puis un dispositif public de ville qu’on appelle le secteur (les CMP). Le système n’est pas forcément au point, mais le principe est très bon. Il n’y a pas de coupure entre l’hôpital et le soin de ville. Et pour les usagers, la totalité est prise en charge. On peut aussi évoquer le modèle de mon service : des centres pluri-professionnels, près de la population, dans les quartiers.

On fait notamment la promotion des centres ou maisons de santé. Cela existe, mais ils ont le problème d’être rémunérés à l’acte. Donc pour la prévention ils n’ont pas de financement. Et aujourd’hui, ces centres ressemblent davantage à des cabinets de groupes libéraux.

 

Vous défendez un modèle basé sur le salariat ?

La bascule c’est la médecine salariée. La médecine libérale classique a fait son temps. Aujourd’hui, on ne peut plus faire de la médecine dans son coin. Tout le monde le dit, mais on ne prend pas de dispositions qui permettraient de dépasser ça. Certains restent accrochés, comme des moules sur un rocher, à l’acte individuel, à la médecine libérale. Il n’y a aucun travail d’équipe. Et un médecin libéral n’est pas rémunéré lorsqu’il fait un travail de coordination. D’ailleurs, le statut du médecin a évolué dans la société. Le médecin n’est plus un notable, comme il l’était avant avec l’instituteur ou le curé. On n’en est plus du tout là. Il y a aussi une féminisation de la profession. Les jeunes ne sont plus prêts à vivre juste pour leur vie professionnelle. Ils veulent une vie de famille, des loisirs… je sais bien que beaucoup ont pris leur pied à travailler pendant 50 ans jusqu’à 22h. Mais ce n’est plus du tout dans l’air du temps.

 

Vous pensez que les médecins sont prêts à ça ?

On sait déjà que beaucoup de jeunes y sont prêts. Aujourd’hui, les médecins sont nombreux à mixer, à faire un peu d’hôpital à côté de leur exercice libéral. Et franchement je les comprends. Je n’ai jamais fait de libéral, mais je pense que c’est un peu “plan-plan” pour certains. On s’emmerde un peu, on voit toujours la même chose. A une certaine période de l’année, quand on a vu 30 patients atteints de la même pathologie parce que c’est l’épidémie… ce n’est pas très excitant sur le plan professionnel. On a besoin de s’oxygéner. Et je pense que c’est important quand on fait un métier comme le nôtre, un métier qui engage.

 

Ce n’est pas trop difficile de concilier votre profession avec une candidature à Paris ?

Ça prend du temps certes. Mais je suis candidat du Front de gauche dans le 7e arrondissement à Paris. Je ne vous fais pas un dessin… Cela dit, c’est important de donner aux électeurs la possibilité de voter contre la droite, ou contre la politique du gouvernement. Mais vous l’aurez compris, je ne suis pas politicien professionnel, mon engagement est avant tout militant.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu