Plusieurs mesures fortes et concrètes marquent ce troisième volet résolument tourné vers la réduction des inégalités à toutes les étapes de la prise en charge du cancer, première cause de mortalité en France.

 

C’est François Hollande lui-même, qui a lancé la troisième édition du Plan cancer lors des Rencontres de l’Institut national du cancer (INCa), qui se sont déroulées le 4 février à la maison de la Mutualité à Paris, en présence notamment de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé et de Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. "La lutte contre le cancer est une de ces causes qui rassemblent, au-delà des clivages et des alternances" a affirmé d’emblée le Président de la République, en introduction de son discours. Ce plan se veut ambitieux, doté de 1,5 milliards d’euros dont la moitié consacrée à de nouveaux points. Le texte est constitué d’un grand nombre de mesures, regroupées en 17 objectifs et 4 axes : guérir plus de malades, préserver la continuité et la qualité de vie, investir dans la prévention et la recherche, et optimiser le pilotage et les organisations.

Comme il était suggéré dans le rapport remis par le Pr Vernant en août 2013, ce plan, évoluant sur la période 2014-2019, a pour ligne directrice la lutte contre les inégalités, abordant par ce prisme, l’ensemble des domaines de la cancérologie : de la recherche à la vie quotidienne de l’ "après cancer", en passant par la lutte contre le tabagisme ou le parcours de soins. Si, grâce aux progrès thérapeutiques, on est maintenant capable de guérir près d’un malade sur deux, "le cancer est la plus grande menace pour la santé et les inégalités demeurent, a souligné le Président de la République. Le risque de mourir d’un cancer entre 30 et 65 ans est deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres. C’est inacceptable".

 

Forte mobilisation contre le tabagisme

Dans ce contexte, la prévention occupe une place prépondérante dans ce 3ème plan. "La prévention est le meilleur investissement" a insisté François Hollande. Plus de 40% de la mortalité due aux cancers est, en effet, liée à des facteurs évitables. Le plan cancer s’est donné pour objectif de réduire de moitié ce chiffre d’ici 20 ans. Les actions porteront en particulier sur la lutte contre le tabagisme, premier facteur de risque évitable de cancers en France, responsable à lui seul de près de 30 % des décès par cancer. Le chef de l’état a reconnu l’échec des précédentes campagnes de lutte contre le tabac : alors que le deuxième plan cancer s’était donné pour objectif une baisse de la prévalence du tabac de 30 à 20% de la population, ce taux atteint aujourd’hui 33%.

François Hollande a donc annoncé le lancement dès l’été prochain d’un programme national de réduction du tabagisme, s’intégrant dans la stratégie nationale de santé, qui vise à réduire d’un tiers le nombre de consommateurs. Parmi les leviers utilisés, le premier sera le prix. François Hollande a souligné le paradoxe français "qui conjugue un niveau de prix très élevé et une consommation parmi les plus fortes d’Europe". Le prix des cigarettes va continuer à augmenter, mais "les recettes apportées par les hausses futures du prix des produits du tabac seront reversées à un fonds dédié, destiné à la recherche sur le cancer, à sa prévention et à l’amélioration de sa prise en charge", précise le plan. Les aides au sevrage tabagique seront renforcées grâce à l’augmentation du forfait de soutien à l’achat de substituts nicotiniques qui passe de 50 à 150 euros, non seulement pour les sujets de moins de 25 ans, comme c’était déjà prévu, mais aussi pour ceux de 25 à 30 ans, pour les bénéficiaires de la CMU, et tous les patients atteints de cancer.

En outre, les professionnels de santé de premier recours seront davantage mis à contribution : médecins traitants (rémunération dans le cadre des objectifs de santé publics) ; pharmaciens (rôle de conseil mieux défini et reconnu, dans une négociation conclue d’ici 2015) ; et médecins du travail et infirmiers scolaires (habilités à prescrire des substituts nicotiniques). Et un numéro unique permettra d’orienter le fumeur vers le professionnel le plus proche pour établir un programme personnalisé.

Enfin, un accent particulier sera apporté à la lutte contre le tabagisme chez les plus jeunes. "Un jeune qui entre dans l’addiction au tabac a une chance sur deux de mourir avant 60 ans. Fumer à 17 ans c’est prendre le risque de mourir avant 60 ans, cette phrase doit être répétée partout et à tous", a martelé François Hollande.

 

Généralisation du dépistage organisé du cancer du col utérin

Le dépistage constitue un autre point fort de ce plan. Le Président a ainsi rappelé les insuffisances des dépistages tels qu’ils sont pratiqués actuellement : moins de deux tiers des femmes y participent pour le cancer du sein, et moins d’une personne sur trois pour le cancer colorectal. "Le troisième plan engage un changement de dimension en assurant une prise en charge complète du dépistage et des examens complémentaires sans avance de frais pour le patients", a ainsi annoncé François Hollande. Le dépistage du cancer du col de l’utérus, – cancer très marqué par les inégalités sociales -, actuellement en phase pilote dans 13 départements français, sera étendu à l’ensemble du territoire. Ainsi, la systématisation du frottis tous les trois ans, pour toutes les femmes de 25 à 65 ans sera généralisé avec pour objectif 80% de participation à l’échéance du plan (contre 60% aujourd’hui). Le plan prévoit, en outre de doubler la couverture vaccinale contre le papillomavirus.

Concernant le diagnostic précoce, le texte souhaite améliorer le temps d’accès à l’IRM, en le faisant passer de 27 jours à 20 jours. Quinze millions d’euros seront mobilisés, visant à améliorer, mais surtout mieux répartir ces examens.

 

Un dossier communiquant impliquant davantage le médecin généraliste

Plusieurs éléments de ce troisième plan cancer visent ensuite à améliorer la prise en charge des patients. La grande nouveauté est la création d’un dossier communiquant de cancérologie (DCC). "Il constitue un interface entre les professionnels de santé libéraux et les équipes hospitalières, et vise à améliorer la coordination et les échanges d’informations. Il devrait être opérationnel théoriquement en 2015", a expliqué Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du Cancer (INCa) à l’occasion d’une conférence de presse le 4 février. Ce dossier intégrera les programmes personnalisés de soins (PPS) et de l’après-cancer (Ppac). La révolution des traitements (chimiothérapies per os, prise en charge ambulatoires, …) fait que l’hôpital ne doit plus être le centre exclusif de la prise en charge explique François Hollande : "C’est demain le médecin traitant qui aura vocation à occuper ce rôle central dans le suivi du malade, dont les besoins d’intervention, de plus en plus individualisés, mobiliseront des compétences très diverses".

Dans cette nouvelle organisation, un nouveau métier va être créé : l’infirmier clinicien, avec mise en place d’un diplôme niveau master pour la rentrée universitaire 2016.

 

Préservation de la recherche fondamentale et développement des essais cliniques

Le troisième plan prévoit la garantie d’un niveau de financement d’au moins 50% des crédits sur appels à projets de l’INCa et d’Aviesan Cancer. "C’est une condition nécessaire pour assurer aux équipes l’indépendance dont elles ont besoin pour mener des travaux de longue durée" a précisé François Hollande. Concernant la recherche clinique, qui concerne aujourd’hui 25 000 patients, le texte prévoit un doublement de ce chiffre d’ici 5 ans. Cela "concernera tous les cancers, notamment les 1700 cancers pédiatriques et toutes les régions, et en particulier aux départements d’outre-mer". La génomique qui constitue un enjeu majeur de la prise en charge personnalisée des cancers sera aussi renforcée. "Un programme unique au monde par son ampleur sera engagé. Il s’agit du séquençage à haut débit de l’ensemble des cancers. […] De 10 000 tumeurs analysées en 2015, l’objectif est d’atteindre 60 000 en 2018" explique le Président. Une enveloppe de 60 millions d’euros sera consacrée à ce volet.

 

Un droit à l’oubli

Enfin, l’amélioration de la qualité de vie des maladies est aussi apparue comme un objectif fondamental du plan. Dans ce domaine, deux mesures sont particulièrement importantes : l’accès gratuit au Cned (Centre national d’enseignement à distance) pour les plus de 16 ans traités pour un cancer ; la réduction des restes à charge pour la reconstruction mammaire ou les prothèses capillaires ; et l’instauration d’un "droit à l’oubli". "Je souhaite que la renégociation de la convention Aeras consacre en 2015 ce nouveau droit. Dans le cas contraire, nous le ferons par la loi" a détaillé François Hollande

 

Source : discours de François Hollande à la maison de la Mutualité lors des Rencontre de l’Institut national du cancer (INCa, 4 février). Plan cancer 2014-2019. Conférence de presse organisée par l’INCa.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Marielle Ammouche