En novembre 2012, à sa grande surprise, une interne en médecine générale voit sa réinscription refusée. En cause, des modifications de décrets passés plutôt inaperçus. Depuis, elle ne peut ni travailler, ni poursuivre ses études en France. Partir à l’étranger semble être la seule solution.

 

“Vous ne pouvez pas terminer vos études car vos possibilités de réinscriptions en troisième cycle sont épuisées”, c’est en substance la teneur du courrier adressé en novembre 2012 à Ida Marina Lanzi, jusqu’ici interne en médecine générale à l’université de Brest.

Pourtant en 2006, quand elle a commencé son internat, aucune limitation du nombre d’inscription n’était à l’ordre du jour. Quand Ida Marina a dû s’arrêter pour de sérieux problèmes de dos, après un accident, elle ne s’est pas inquiétée de devoir reporter la validation de son internat. Mais entre temps, un décret est passé par là. Il limite le nombre de réinscription à deux fois le nombre d’années prévues par la maquette. En médecine générale, les internes ont donc six ans pour terminer leur diplôme d’études spécialisées (DES). “Ils ont fait ça au mois d’août, en douce ! Personne n’a été mis au courant ! ”,s’indigne la jeune femme.

 

“Loin d’être la seule”

C’est de manière plutôt inattendue qu’ Ida Marina Lanzi a appris ces changements. Au moment de faire son choix de poste à la rentrée 2012 à l’hôpital de Lannion (Côtes-d’Armor), l’université lui a fait savoir qu’elle était dans l’obligation de solliciter une dérogation auprès du président. C’est alors qu’elle s’est renseignée et à découvert l’existence de ce décret.

“Elle est loin d’être la seule dans ce cas, tient à préciser Théo Combes, président du Syndicat national des jeunes médecins généralistes.Depuis des mois, des internes nous disent qu’ils ne sont pas autorisés à présenter leur thèse”. Plus d’une dizaine de cas sont connus pour le moment, mais pour avoir une idée plus précise du nombre d’étudiants qui sont confrontés à ce problème, le SNJMG a lancé un recensement sur internet. Le syndicat appelle ceux qui sont concernés à se faire connaître pour entamer des discussions avec les autorités. “C’est un véritable gâchis humain, particulièrement incompréhensible en ces temps où l’on déplore le manque de médecins”, s’alarme-t-on au SNJMG.

 

“Montrer l’exemple”

Comme d’autres internes dans le même cas qu’elle à Strasbourg ou à Paris, Ida Marina Lanzi a donc fait une demande de dérogation, comme l’y invitait l’administration. “Ils me l’ont refusée en raison de la longueur de mes études et de mes problèmes”, explique-t-elle. Mais ce qui l’étonne c’est que ses collègues d’autres universités aussi ont vu leurs demandes de dérogations refusées. “On a vraiment l’impression qu’il y a une directive qui demande aux doyens de refuser ces demandes. Il y a une conférence des doyens chaque année, peut-être en profitent-ils pour en parler et se mettre d’accord. Comme si on voulait montrer l’exemple pour inciter les internes à se diplômer rapidement”, glisse la jeune femme, suspicieuse.

Le cas de ces internes parisiens et strasbourgeois est légèrement différent, mais aboutit au même résultat. Eux, ont passé le concours avant 2004 et relèvent du statut de résident. Dans leur cas, les textes prévoyaient l’année 2011-2012 comme date limite pour valider leur formation et soutenir leur thèse. Là encore, il semble que l’information soit plutôt mal passée. “Ils étaient dans la vie active, faisaient des remplacements, avaient une famille”, raconte Ida Marina Lanzi. Mais voilà, après trois ans de remplacements, impossible de continuer sans être thésé. Quand ils ont voulu se réinscrire en 2013, on leur a dit non. “Et dans le cas des résidents, aucun système dérogatoire a été mis en place. Ils n’ont aucune possibilité légale de finir leur cursus”, souligne Théo Combes.*

 

Une situation bloquée

Jusqu’en décembre dernier, Ida Marina Lanzi touchait des indemnités pour son arrêt maladie. Ce qui lui a permis de tenir depuis la fin de son contrat à l’hôpital de Lannion. Car depuis qu’elle ne peut plus s’inscrire à l’université, ses possibilités de travailler sont nettement réduites. Impossible, bien sûr de travailler en tant qu’interne à l’hôpital. Autre piste, des équivalences qui lui donnaient le droit de travailler comme infirmière. Mais qui ne lui donnent le droit de travailler que si elle est inscrite comme étudiante. Dernier espoir, une indemnité chômage après des mois passés à l’hôpital de Lannion comme interne. Là encore, impossible. Les hôpitaux ne paient pas de cotisations chômage. En fin de contrat, les ex-salariés n’ont donc droit à aucune indemnité.

Face à cette situation bloquée, où elle ne peut ni travailler ni étudier, Ida Marina Lanzi pense donc à quitter la France. “En Suisse, en Belgique, en Grande-Bretagne, quelqu’un qui a terminé son 2ème cycle peut être embauché à l’hôpital. Et alors s’inscrire en 3ème cycle. La Suisse francophone est très demandée. Les salaires sont de 5 000€ pour 42 heures, plus les gardes. Rien à voir avec la France”, explique-t-elle. Elle a même commencé à apprendre l’Allemand, et surveille les offres d’emplois en Suisse alémanique. “C’est moins demandé, il y a beaucoup de postes vacants”, assure-t-elle.

 

Source :
http://www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier