Mathieu Gardon peut se targuer d’avoir eu un parcours atypique, unique même. Ce jeune homme de 26 ans a exercé la profession de sage-femme avant de laisser tomber la blouse blanche pour embrasser une carrière de chanteur lyrique. Une voie qu’il ne regrette pas. Le baryton est nominé pour les Victoires de la musique classique dans la catégorie “Révélation artiste lyrique” de l’année.

 

“Lorsque j’ai appris que j’étais nominé pour les Victoires de la musique, je n’en revenais pas. Ça a été une grosse surprise” s’exclame encore étonné Mathieu Gardon. Celui qui était encore sage-femme l’année dernière a du mal à réaliser ce qui lui arrive.

Pourtant, tout a commencé en 1991. Il a alors 5 ans lorsqu’il s’inscrit pour la première fois au conservatoire. “Depuis, je n’ai jamais lâché” explique-t-il. Le jeune garçon apprend le saxophone, puis l’orgue. A 8 ans, il fait son entrée dans la prestigieuse maîtrise du conservatoire (cœur d’enfants du CM1 à la 3ème). Après avoir mué, il intègre des cours de chants lyriques. “On ne m’a jamais forcé la main. Faire de la musique classique était vraiment une aspiration de ma part. Tout ce que je voulais, c’était chanter” se souvient Mathieu Gardon. A l’adolescence, le jeune homme teste même le chant dans un groupe de rock mais il revient vite au classique ! “C’était un peu dur de freiner ma technique lyrique avec le rock. Ça a été une expérience sympa avec des amis, mais le classique m’épanouissait suffisamment.”

 

“Dans la famille, on a tous un goût prononcé pour le médical”

En parallèle du conservatoire, Mathieu Gardon poursuit sa scolarité et décroche un bac S à 18 ans. “Après le diplôme, j’ai voulu me laisser du temps avant de faire le choix définitif de la musique. D’autant qu’à cet âge-là, il est trop tôt pour devenir chanteur. La maturité de la voix n’arrive pas avant 22 ans. Lorsque comme moi, on est baryton, c’est-à-dire avec une tonalité grave, c’est même encore plus tard” souligne le chanteur. Il décide donc de s’inscrire en première année de médecine.

“Mon père est vétérinaire, ma mère pharmacienne, mon frère et ma sœur sont infirmiers, dans la famille, on a tous un goût prononcé pour le médical” plaisante-il avant d’ajouter, “je ne savais pas trop quoi attendre de cette première année. J’avais envie de faire de la pédiatrie et de l’obstétrique, mais en choisissant médecine, avec de si longues études, je tirais une croix sur le chant” confie-t-il. C’est alors qu’il découvre la profession de sage-femme, “beaucoup trop méconnue”. Il est reçu du premier coup. “Sage-femme, c’était le compromis parfait. Je suis très content d’avoir fait ces études. Je ne regrette rien” affirme Mathieu Gardon.

Concilier études et chant ne sera pourtant simple. “J’avais cours la journée et j’étais au conservatoire le soir. Lors des stages ou des gardes de nuit, c’était plus compliqué. Après une garde, ma voix n’allait pas pendant trois jours” se rappelle le baryton. “A vouloir faire les deux, je faisais tout à moitié” déplore-t-il. Mathieu Gardon termine ses études en juin 2010. Il commence à travailler immédiatement après, à l’hôpital mère enfant de Bron. Cette même semaine, il est admis au conservatoire national.

 

Heureux d’avoir tourné la page “des gardes sous-payées”

“J’ai bossé tout l’été à plein temps à la maternité, puis en septembre, j’ai réussi à obtenir un mi-temps. Je partageais mon temps entre l’hôpital et le conservatoire. Ça a duré jusqu’en décembre 2012” raconte le jeune homme. Il décide alors d’arrêter sa profession de sage-femme. “J’avais suffisamment de travail vocalement. Aujourd’hui la pratique médicale ou l’ambiance à l’hôpital me manquent mais j’ai le sentiment d’avoir beaucoup appris. Cette rigueur me sert aujourd’hui dans mon métier de chanteur” constate-t-il. S’il regrette les accouchements, il est heureux d’avoir tourné la page “des gardes sous-payées”. Le chanteur se sent encore très impliqué dans le combat pour une meilleure reconnaissance du statut des sages-femmes. Il soutient ses anciennes collègues “à 100%” dans leurs revendications.

Aujourd’hui ses préoccupations ont pourtant changé. Mathieu Gardon est à la recherche d’un agent et souhaite faire évoluer sa carrière de chanteur. “J’aimerais travailler pour de plus grosses productions, pour des opéras nationaux. Musicalement, c’est souvent plus intéressant” estime-t-il. Le talent du baryton est à la hauteur de ses ambitions. Il vient de décrocher le prix Adami (Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes) dans la catégorie révélation lyrique. “C’est un prix très côté. Je suis très fier” se réjouit le musicien. Il fait également partie des nominés dans la catégorie “Révélation artiste lyrique” de l’année pour les prochaines Victoires de la musique classique. “Je n’en attendais pas tant” s’enthousiasme-t-il.

En attendant le verdict* prévu le 3 février lors de la soirée des Victoires de la musique classique diffusée en direct sur France 3, Mathieu Gardon interprètera Les Mamelles de Tirésias (Poulenc) les 16,17, 18 et 19 janvier à l’ Opéra Royal de la Monnaie de Bruxelles.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

 

*Pour élire la “Révélation artiste lyrique” de l’année, les Victoires de la musique classique comptabilisent pour 50% le vote d’un jury et pour les 50% restant le vote du public. Il est possible de voter pour Mathieu Gardon sur le site des Victoires de la Musique Classique jusqu’au 26 janvier à 20h.

 

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