Depuis le 1er septembre dernier, le Dr Marc Biencourt, généraliste à Hesdin dans le Pas-de-Calais a l’interdiction d’exercer la médecine. Ancien président du conseil départemental de l’Ordre, et membre du conseil national, il lui est reproché d’avoir détourné de l’argent de l’institution.

 

“Je conteste cette radiation que je considère comme étant purement politique. J’ai engagé un recours devant le Conseil d’Etat”. Agé de 63 ans, le docteur Biencourt est outré. Généraliste à Hesdin, près du Touquet depuis 1976, il est très attaché à son métier pour lequel il n’a jamais compté ses heures, 2000 patients en moyenne pour environ 40 consultations par jour. En parallèle de son activité libérale le praticien est passé par une carrière syndicale de 8 ans (militant à la CSMF, membre fondateur de l’UNOF) avant de se diriger vers l’Ordre des médecins.

“J’ai été élu président du conseil départemental du Pas-de-Calais entre janvier 1993 et mars 1999, date de ma démission pour raison familiale. J’ai cinq enfants et il était difficile de tout concilier. En revanche, bien que j’ai quitté mon poste de président, je suis resté au CDOM.”

 

98 000 euros lui auraient été versés en trop

Trois ans plus tard, le président en poste ne se fait pas réélire et les candidats manquent pour assurer sa succession. “Je me suis représenté à la demande du conseil, et j’ai été réélu. J’étais également membre du conseil national” raconte Marc Biencourt. Tout cela, c’était avant qu’il ne démissionne des deux postes en février 2011, à la demande du Dr Michel Legmann, qui était alors président du CNOM, pour “discordance dans les comptes”.

En 2008, le Dr Biencourt s’attèle au sauvetage de la seule clinique chirurgicale d’Hesdin, menacée de fermeture pour cause de déficit. “Après plusieurs mois de combat, j’ai réussi à entraîner 94 professionnels de santé à racheter la clinique pour un euro symbolique. Chacun avait mis 1000 à 2000 euros dans le capital.” En mai 2009, l’activité chirurgicale est relancée, mais les journées du Dr Biencourt deviennent interminables. Le praticien mène de front son combat pour la clinique, les consultations de ses patients et son activité de président du CDOM. “Je me reposais beaucoup sur mon équipe, qui au final, m’a floué” soupire, amer, le généraliste.

Fréquemment, le praticien demandait à son équipe des avances sur ses indemnités de président du conseil départemental de l’Ordre qui lui étaient versées tous les six mois. “J’envoyais un mail à ma cadre comptable pour mes demandes d’avances, mais étant débordé, je ne vérifiais pas les sommes” admet le Dr Biencourt. Bilan, il apprend par la voix du Dr Legmann en 2011, qu’entre 2007 et 2011, il lui aurait été versé 98 000 euros de trop.

 

“Juste coupable d’avoir fait confiance à mon équipe”

“J’étais atterré. Les cadres administratifs, avec la complicité du trésorier, se servaient dans la caisse. Toutes les avances que je percevais étaient validées par le trésorier. Je ne me suis jamais fait un virement ou un chèque tout seul. Dès que j’ai pris connaissance de ces faits, j’ai voulu tout rembourser au plus vite. Cela a été fait dans les trois jours grâce à l’aide de ma famille. Je ne dois plus rien. D’ailleurs, je déclarais toutes ces sommes au fisc, c’est bien la preuve que je ne suis pas un escroc. Je suis juste coupable d’avoir fait confiance à mon équipe sans vérifier derrière eux. Je travaillais 16 heures par jour” se justifie le Dr Biencourt avant d’ajouter ” je ne fais pas ce métier pour l’argent. Je ne possède aucun bien”.

Envoyé devant la chambre disciplinaire de Bretagne en première instance, le généraliste est radié. Le trésorier écope de deux mois ferme et la cadre administrative est licenciée. Le Dr Biencourt décide alors de faire appel, soutenu par les membres du conseil départemental de l’Ordre du Pas-de-Calais.

“Tout s’est transformé en justice des guignols. Je me suis retrouvé devant quatre confrères qui étaient des amis de trente ans. L’un s’est endormi pendant la séance. Seules quatre questions m’ont été posées. Tout était joué d’avance. J’ai été radié définitivement. A 63 ans, c’est une situation très dure à vivre. J’ai un sentiment d’abandon de mes malades. Il n’y a plus que huit médecins pour 20 000 habitants dans la région. C’est très compliqué”, regrette le Dr Biencourt qui ne comptait pas prendre sa retraite.

 

“Le Dr Bouet a eu peur que je me présente”

Pour le praticien cette sanction relève d’un choix politique. “Mon combat acharné pour sauver la clinique ne m’a pas fait que des amis Je pense aussi que j’ai fait peur au conseil national. Ma vision de la médecine est différente de celle des autres. Je crois que l’actuel président le Dr Bouet a eu peur que je me présente et que je sois élu à sa place” soupçonne le Dr Biencourt.

Interrogé à ce sujet, le Dr Bouet n’ a pas souhaité s’exprimer sur une affaire en cours, étant donné qu’il y a un recours devant le Conseil d’Etat. Le Dr Bouet a également tenu à rappeler qu’il est à la tête du CNOM et non de la chambre disciplinaire qui est indépendante.

Affaire à suivre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin