Médecin à l’hôpital Saint-Antoine à Paris et ancien médecin de la prison de la Santé, Véronique Vasseur dénonce dans un livre, l’explosion des dépenses de santé, les gaspillages ou encore les déserts médicaux. Co-écrit avec sa fille Clémence Thévenot, “Santé le grand fiasco”(Ed. Flammarion Document), sort aujourd’hui en librairies.

 

Egora.fr : Vous vous livrez à une analyse sans concessions des dérives du système de santé, que pensez- vous apporter de plus qu’un économiste ?

Véronique Vasseur : L’expérience. Je suis médecin depuis 40 ans. Ce qui était très intéressant à faire, c’était d’écrire ce livre avec ma fille. Moi de l’intérieur, elle de l’extérieur, puisqu’elle n’a strictement rien à voir avec le monde médical. Les constats qu’elle a fait en se plongeant dans les rapports officiels étaient les mêmes que ceux que je faisais sur le terrain.

 

Avec quel regard avez-vous écrit ce livre, celui d’une citoyenne, d’un médecin… ?

En tant que médecin bien sur. J’ai écrit ce livre pour mes enfants et mes petits enfants. Si l’on continue comme ça, la sécu va exploser. Ce système que l’on nous envie partout ne pourra pas continuer, avec un tel gâchis. Si nous voulons que notre système de sécurité sociale, qui est unique, dure, il va falloir faire réaliser d’importantes économies. Votre constat est accablant.

 

Faut-il tout jeter dans le système de santé ?

Non, tout n’est pas à jeter. Ce qu’il faut stopper, c’est le gâchis, cette débauche de pharmacie. Je crois qu’il faut mettre un holà, c’est évident. On donne et on rembourse beaucoup trop de médicaments. On en jette aussi beaucoup trop.

 

Le gâchis ne vient-il que des médicaments ?

Non, on prescrit beaucoup trop d’examens de laboratoire. Les médecins font cela pour se couvrir ou par automatisme tout simplement. Je pense qu’ils sont parfois inutiles. Tout ça a un prix.

 

Y-a-t-il un problème de formation des médecins ?

Non. Les médecins ne sont pas des pharmacologues. Ils prescrivent sous la pression des patients qui sont très gourmands de médicaments. Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de psychotropes, d’anti cholestérol et d’antibiotiques. Pourtant, nous ne sommes pas plus malades et plus malheureux que les autres européens. On peut se soigner aussi bien, en dépensant moins. Je pense qu’on a été trop gâtés. Nous nous situons dans le peloton de tête des pays européens pour la part du PIB consacré aux dépenses de santé. Lorsque les personnes âgées prennent 15 médicaments, à quoi cela sert-il ? Nous ne pouvons pas continuer comme ça, car la Sécu, c’est nous. Et les actifs seront de moins en moins nombreux pour la financer. Et puis, il y a un problème de maillage du territoire : il n’y a jamais eu autant de médecins en France et pourtant, dans certains endroits, il n’y a pas de praticiens du tout. Alors, dix millions de personnes n’ont pas accès aux médecins spécialistes et trois millions n’ont pas accès aux médecins généralistes.

 

Pourquoi, selon-vous, ne parvient-on pas à faire changer les choses ?

Parce que le lobby pharmaceutique est très influent. Il y a 10 000 médicaments sur le marché dont 6 000 sont remboursés par la Sécu. En médecine générale, on en utilise 100, 150, grand maximum. Il faut faire du ménage, réformer en profondeur. Il faut aussi changer les conditionnements. En France, nous n’avons pas le droit de vendre des médicaments hors de leur boîte. Dans certains cas pour une prescription de sept jours, les pharmaciens vendent des boîtes de trois mois. Ca ne va pas. Il y a des milliards de gâchis remboursés par la Sécu. Si on supprimait tous les médicaments inutiles, on économiserait 15 milliards. Ce ne sont pas des petites économies. Dans ce sombre contexte, où se cache la force de la France ? Je pense qu’en France, nous sommes bien soignés. Nous avons de bons hôpitaux, de bons médecins, d’excellents chirurgiens. Nous sommes gâtés mais nous avons été trop dispendieux.

 

Est-ce que vous croyez à une évolution des mentalités ?

Moi je suis pour l’écologie. Nous vivons une époque de débauche de consommation qu’il s’agisse de l’eau, des déchets… La santé est devenue un produit comme un autre, les médecins ne sont qu’un maillon de la chaîne. Le recours au médecin est devenu trop banalisé. Les gens ne supportent plus les petits bobos. Ils consultent comme s’ils allaient chez l’épicier. Mais je ne pense pas que les politiques toucheront à l’industrie pharmaceutique. C’est vraiment un lobby très puissant.

 

La politique ne vous tente pas ?

Non j’ai déjà donné. La politique m’intéresse, mais je n’en ferai plus jamais. Ce sont les politiciens qui ne m’intéressent pas. Il faudrait faire de la politique sans eux.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin