Selon une étude menée sur 1840 patients, le surtraitement du cancer de la prostate en France est réel. Il concerne une partie non négligeable des sujets pris en charge pour une tumeur dite de stade T1 et dans une moindre mesure ceux atteints de tumeurs au stade T2. C’est ce que révèle un travail mené par Cyrille Delpierre (Unité Inserm 1027), qui chiffre entre 3200 et 4800 le nombre de patients concernés.

 

Si le dosage du PSA a ouvert la voie à un possible dépistage du cancer de la prostate, aucun programme de dépistage systématique n’a été mis en place en France comme partout ailleurs dans le monde. En effet, d’importantes questions restent posées, en particulier concernant l’impact du dépistage en termes de réduction de la mortalité pour la population concernée.

 

Le dosage du PSA détecte les tumeurs qui évoluent le moins vite

L’utilisation généralisée du test PSA a conduit à une plus grande précocité des diagnostics. Cette évolution constitue en soi une avancée, les stades précoces étant moins graves donc plus facilement curables. Mais tous les cancers de la prostate n’ont pas la même agressivité et comme beaucoup de tests de dépistage, le dosage du PSA détecte plus facilement les tumeurs qui évoluent le moins vite. Par conséquent, une part non négligeable des tumeurs diagnostiquées suites à un test PSA sont faiblement évolutives ce qui expose des patients aux risques de sur-diagnostic (dépistage d’un cancer qui ne serait jamais devenu symptomatique avant le décès du sujet) ou de surtraitement (traitement d’un cancer sans impact sur le pronostic de la maladie).

Or, le surtraitement peut être associé à des effets indésirables majeurs comme l’impuissance ou l’incontinence. Le but de l’étude menée par Cyrille Delpierre et son équipe, en collaboration avec le réseau Français des registres de cancer, a été d’estimer l’ampleur du surdiagnostic et du surtraitement potentiel et réel pour le cancer de la prostate en France, en tenant compte des comorbidités susceptibles de modifier fortement l’espérance de vie théorique. L’échantillon était composé de 1840 patients diagnostiqués en 2001.

 

Entre 30,8% et 62,5% des patients sous radiothérapie étaient surtraités

Les proportions de patients surdiagnostiqués et surtraités ont été estimées en comparant l’espérance de vie théorique (prenant en compte les comorbidités), à l’espérance de vie avec le cancer. Il a été possible d’identifier les patients en situation de surtraitement potentiel, c’est à dire ceux dont l’espérance de vie théorique était inférieure à l’espérance de vie avec cancer, et parmi ces derniers de savoir lesquels avaient effectivement été traités (soit par chirurgie ou par radiothérapie) donc réellement surtraités.

Selon l’étude, 9,3% à 22, 2% des patients atteints de tumeurs au stade T1 étaient surtraités, entre 7,7% et 24,4% des patients ayant subi une prostatectomie, et entre 30,8% et 62,5% de ceux recevant une radiothérapie. Pour les patients au stade T2, 2% étaient surtraités, soit 2% de ceux ayant subi une ablation de la prostate et 4,9% de ceux recevant une radiothérapie.

La présence d’une comorbidité augmentait considérablement ces proportions, les patients au stade T1 avec plus de deux comorbidités étant en situation de surtraitement potentiel dans la presque totalité des cas et étant réellement surtraités dans un tiers des cas. “Une des limites importantes de notre étude a été de travailler sur des patients diagnostiqués en 2000, précise Cyrille Delpierre. La situation est actuellement différente. Mais des données plus récentes concernant l’année 2008 montrent une inversion des proportions des stades T1 et T2. Les stades T1 sont maintenant plus fréquents que les T2. La proportion des petits stades dans lesquels l’on observe un risque élevé de surtraitement serait en augmentation.”

 

“Prise en compte du risques”

Pour les chercheurs, la question essentielle n’est pas le test de dépistage en lui-même mais plutôt le choix d’une prise en charge appropriée. “Au vu du surtraitement avéré du cancer de la prostate, cette prise en charge pourrait se limiter, notamment pour les patients ayant des comorbidités, à une surveillance permettant de proposer le traitement quand il deviendrait opportun” estime Cyrille Delpierre.

La différence observée dans l’étude entre surtraitement potentiel et surtraitement réel témoigne d’une prise en compte du risque de surtraitement par les urologues. Pour les auteurs de l’étude, “cette prise en compte reste néanmoins à améliorer”. Cette situation montre la difficulté à proposer une surveillance active et à justifier une attitude non-interventionniste chez des patients se sachant atteints d’un cancer. Ce qui tend à démontrer au final l’importance des inconvénients d’un dépistage trop extensif et généralisé.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Philippe Massol