La Cour des comptes n’y est pas allée par quatre chemins pour réduire les déficits 2013 de la Sécu, et de l’assurance maladie, qu’elle juge très préoccupants. Pour la première fois vraiment, l’hôpital public en a pris pour son grade. Voici la liste des économies à court terme, recommandées par les magistrats, pour l’assurance maladie.

Chargée de surveiller la bonne application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a dévoilé dans son rapport 2013 une série de mesures radicales destinées à réduire le déficit de la Sécu (147 milliards d’euros accumulés à fin 2011), durement impacté par l’atonie de la croissance et la moindre progression des recettes. Ce qui a conduit à un “coup de frein brutal dans le mouvement de décroissance de la dette initié depuis 2010”. Ainsi, le déficit devrait au mieux se stabiliser au niveau de 2012 (- 17,4 milliards). Bémol : la Cour n’a pas étudié dans ce rapport, l’impact de la réforme des retraites sur les comptes de la branche, dont le projet de loi vient tout juste d’être présenté au conseil des ministres.

Néanmoins, pour la seule assurance maladie, le trou s’est creusé de 6 à 8 milliards cette année. Comment remettre les comptes d’équerre ? La Cour se refuse à recourir à des recettes nouvelles, une solution qui “atteint désormais ses limites” plaide-t-elle. Ce sera donc par la voie de la chasse aux dépenses que le chemin vertueux devra être retrouvé.

Première voie préconisée par la Cour des comptes pour la branche maladie : la maîtrise de l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie). Pour la troisième année consécutive, l’Objectif a été respecté note la Cour. Fixé à 2,5 % en 2012, il est passé à 2,7 % en 2013, et il sera établi à 2, 4 % pour 2014 (alors qu’un taux de 2,6 % était prévu par la loi de Finances publiques jusqu’en 2017). La Cour demande en effet que cet objectif soit diminué d’au minimum 0,2 point chaque année par rapport à l’affichage de la loi de Finances publiques soit 2,4 % en 2014 (au lieu de 2,6 %), 2,3 pour 2015 et 2016 au lieu de 2,5 %. Ce qui risque de faire grincer bien des dents.

 

Optique et audioprothèses

La charge de la Cour est féroce contre ce secteur de l’optique d’où l’Etat s’est totalement désengagé, laissant les opticiens et les mutuelles (les premiers alignés sur les capacités de remboursements des secondes), faire la loi depuis des lustres. Les magistrats de la rue Cambon vont jusqu’à proposer un “éventuel retrait” de la Sécu de ce marché “opaque”. Retrait contre balancé, ultérieurement, par une éventuelle prise en charge des enfants et des personnes âgées par la Sécu, expliquait Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes, en marge de son rapport. Marisol Touraine s’est ensuite employée à éteindre l’incendie, en affirmant que la Sécu continuerait à rembourser l’optique.

Néanmoins, l’enjeu est essentiellement symbolique puisque les frais d’optique et d’audioprothèses ne représentent qu’une enveloppe de 200 millions d’euros, sur une facture totale acquittée par les organismes de protection complémentaire (qui utilisent ce secteur comme produit d’appel), avoisinant les 3,7 milliards d’euros.

 

Hôpital public

La Cour pense y trouver “un gisement considérable d’économies”, considérant que les contraintes pesant sur les établissements ont été “relativement modestes”. En 2012, est-il noté, le secteur de l’hospitalisation publique, n’a réalisé que 550 millions d’économies sur l’ONDAM hospitalier alors que celles demandées au secteur ambulatoire s’élevaient à 2,15 milliard d’euros. La Cour préconise un ajustement des tarifs de l’hospitalisation publique assortie de réformes structurelles “indispensables” au redressement des comptes. Des “réorganisations devraient être amplifiées, les efforts de gestion accrus”. L’une des voies pour y parvenir est de rattraper le retard “considérable et persistant” accumulé par notre pays en chirurgie ambulatoire, ce qui permettrait d’envisager jusqu’à 5 milliards (7 % des dépenses hospitalières financées par l’assurance maladie) d’économies en fermant en parallèle, les lits de chirurgie conventionnelle sous-utilisés. Les magistrats de la rue Cambon veulent également développer l’hospitalisation à domicile.

Toujours dans le secteur de l’hospitalisation, la Cour des comptes recommande la mutation des établissements de santé privés à but non lucratifs et des anciens hôpitaux locaux. Ces derniers pourraient bénéficier d’un financement mixte (tarification à l’activité et financement forfaitaire), et devenir un appui, en particulier dans les zones en risque de désertification médicale.

 

Permanence des soins

La Cour suggère de confier aux agences régionales de santé (ARS) l’organisation des gardes de tous les professionnels de santé, médecins, pharmaciens, etc et leur financement. Elle considère que le système actuel aboutit à une explosion des dépenses, qui ont triplé en dix ans, pour atteindre 700 millions d’euros, sans pour autant “avoir permis de désengorger les urgences hospitalières”. De plus, est-il souligné, l’intervention d’associations type SOS-médecins en superposition avec le 15, apparaît source de dépenses supplémentaires, selon la Cour. Elle estime que les agences régionales de santé devraient coordonner bien plus rigoureusement l’organisation de la permanence des soins dans le cadre d’enveloppes régionales fermées regroupant l’ensemble des financements que l’assurance maladie y consacre, incluant la rémunération des actes médicaux.

La CSMF s’est immédiatement élevée contre cette “stigmatisation”. “En recommandant de donner aux directeurs d’ARS le pouvoir de réquisitionner les médecins selon leur bon vouloir, la Cour des Comptes confirme qu’il s’agit bien de super préfets sanitaires, lesquels ne manqueront pas de faire des médecins libéraux les variables d’ajustement des hôpitaux publics”, s’est-elle insurgée en recommandant, par ailleurs, le rééquilibrage de l’ONDAM ville, au détriment de l’hôpital.

 

Biologie

Enfin, la biologie est encore dans le collimateur. Réitérant des recommandations récentes, la Cour souhaite que l’on définisse, à l’hôpital, un objectif de réduction de 10 à 15 % du volume d’actes de biologie à champ constant. Et pour les laboratoires en ville, recommande que la convention avec l’assurance maladie soit dénoncée à son terme, en 2014, pour que la renégociation d’une nouvelle convention permette de baisser de 2 centimes la valeur du B, et de moderniser la nomenclature en tenant compte des gains de productivité. Economies estimées : 500 millions d’euros. En outre, la gestion de la sécurité sociale par des tiers (mutuelles étudiantes ou fonctionnaires), considérée très onéreuse et peu efficace, pourrait revenir dans le giron de la CNAM, pour une économie de 70 millions d’euros.