Retraités et animés par l’envie de partager leurs expériences, les médecins Transmetteurs proposent des formations à des lycéens qui se destinent aux métiers de l’aide à la personne. Au cœur des échanges, le corps, l’espace, le temps mais aussi l’altérité et la confiance en soi.

 

“Nous avons tous 30 à 50 ans de carrière derrière nous. Nous avons une expérience de la vie, de la mort, de la souffrance. C’est ce que nous cherchons à transmettre à vos étudiants”. C’est en ces termes que Jean Meynard et Claudine Freiermuth, médecins à la retraite, sont venus présenter l’association les Transmetteurs, à des enseignants en bac pro sanitaire et social. Dans un amphithéâtre en sous-sol du lycée d’Alembert, dans le XIXème arrondissement parisien, une quarantaine de profs venus de six lycées assistent à la présentation.

 

“Transmettre nos savoirs”

Depuis cinq ans, l’association créée par le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social et co-fondateur de Médecins sans frontières, propose notamment une formation de deux joursà des lycéens qui se destinent aux métiers de l’aide à la personne. “Nous ne sommes pas des enseignants, nous ne faisons pas de cours, souligne le docteur Meynard, qui, après une trentaine d’années de médecine générale, a exercé dans l’humanitaire en Afrique et en Asie. Nous essayons de leur transmettre nos savoirs”. Dans les quatre académies partenaires de l’association – Paris, Versailles, Créteil et Lyon – la vingtaine de médecins retraités a déjà rencontré plus de 1 000 élèves, dans les murs de l’hôpital Necker, “dans l’ambiance médicale, avec les sirènes qui sonnent et les ambulances qui démarrent pendant qu’on parle”.

Au programme, une série de thématiques, choisies en collaboration avec l’enseignant, qui donnent lieu à des discussions animées par des professionnels retraités qui ont une expérience du sujet traité. “Il y a quatre sujets incontournables, choisis par Xavier Emmanuelli, qui sont le corps, l’espace, le temps et l’altérité”, explique encore Jean Meynard.

“Qu’est que c’est que la perception du temps quand on est une personne âgée, sans projection dans le futur, hors du temps ? A quoi font référence les canons de beauté, ces corps qu’on voit sur les images, quand on est vieux ou exclu ? Toucher quelqu’un, c’est chargé de sens…”, détaille le docteur Xavier Emmanuelli.

 

Des addictions à la confiance en soi

Ensuite, les Transmetteurs aux spécialités médicales variées proposent d’intervenir sur les questions de pauvreté, de précarité, de confiance en soi, de l’addiction, des blessures psychiques… “On a une intervenante qui a travaillé dans les prisons de mères infanticides. Alors ça les frappe, ça les touche, ça les interroge”, souligne Claudine Freiermuth, anesthésiste réanimatrice qui propose aussi des consultations de médecine générale aux plus démunis et fait régulièrement des maraudes avec le Samu social.

“Moi, je voudrais tout de suite réserver une date !, lance une enseignante manifestement séduite. Je voudrais traiter la question de la mort avec mes élèves. Deux d’entre elles ont fait un stage à l’hôpital et y ont été confrontées. Je pense que ça les aiderait”.

L’idée d’une telle formation, en complément des cours classiques dispensés au lycée, est née d’un constat. D’une part, le manque de médecins en période de crise a conduit Xavier Emmanuelli à créer une “réserve”, avec des médecins bénévoles retraités disponibles en renfort en cas de besoin. “Mais les crises sont relativement rares alors il faut penser à l’inter crise. Il y a un vrai potentiel chez ces médecins qui ont des expériences extraordinaires. Alors pourquoi les laisser à l’abandon ?”, souligne Xavier Emmanuelli. D’autre part, des jeunes au parcours parfois chaotique mais avec une envie d’agir. “On s’est dit, il faut les mettre en liaison. Et puis mine de rien, les gens disent il faut faire de l’intergénérationnel. C’est quoi ? Comment on s’y prend ? On s’y prend comme ça, par la transmission”.

 

“La plupart de ces gamins ont un parcours difficile”

Une formation basée sur le vécu des Transmetteurs, “au croisement du médical, du social et du psychologique”, souligne le docteur Emmanuelli, qui regrette que ce mélange des genres ne se pratique pas plus mais que les médecins connaissent pourtant bien. “Mon père était généraliste. Je pense qu’il cumulait les fonctions : il était soignant, mais aussi médiateur familial et médiateur social, les médecins à l’époque étaient un peu des notables dans leurs coins. Et il avait une connaissance de la vie et de la mort d’un autre ordre que celle qu’on trouve dans les livres…”, se souvient-il.

“On cherche à leur donner un bagage comportemental”, résume Jean Meynard. “On veut aussi leur prouver que des gens qui ne sont pas bardés de diplômes peuvent réussir, avec de la volonté”. Outre l’aspect médico-social, les Transmetteurs s’attachent à donner à ces jeunes une nouvelle confiance en eux. “La plupart de ces gamins ont un parcours difficile. Certains sont violents, d’autres ont des comptes à régler depuis l’enfance. Mais ce n’est pas en leur donnant de la ritaline qu’on va arranger ça ! Nous on les regarde avec bienveillance et dès qu’ils voient qu’on s’intéresse à eux, ils s’épanouissent”, confie Xavier Emmanuelli.

 

“Leur premier diplôme”

Face au docteur Meynard, une enseignante qui a déjà travaillé avec les Transmetteurs, souligne l’importance d’une formation dans l’enceinte de l’hôpital : “En stage, les élèves ne sont pas en contact avec les médecins. Ces échanges sont une opportunité, qui leur donne confiance en eux”.

En fin de formation, les élèves reçoivent une attestation de participation. “Ca les valorise C’est leur premier diplôme, peut-être le seul qu’ils n’auront jamais”, rapporte Xavier Emmanuelli.

Autre attention, pour le déjeuner, l’équipe de médecins emmène les étudiants au restaurant. “Ce n’est pas le grand luxe, mais pour certains c’est la première fois. Parfois, c’est même le meilleur souvenir qu’ils gardent de la formation. Ce n’est pas vraiment notre but, mais c’est déjà quelque chose”, conclut le docteur Meynard dans un sourire.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier