8,4 millions de Français le suivent chaque semaine à la télévision. Dr House est certainement le médecin le plus célèbre du monde. A tel point que, pour les patients, il symbolise à lui seul le corps médical. Un problème soulevé par une équipe de médecins français, dans une étude publiée dans The American Journal of Medicine.

 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Imaginez un service d’urgences où les patients seraient principalement des hommes, âgés en moyenne de 31 ans, et où chacun subirait une dizaine d’examens complémentaires complexes. Cet hôpital, c’est celui du célèbre médecin de la série américaine Dr House. Le programme est si populaire, qu’une équipe de médecins, menés par le professeur Frédéric Lapostolle, du Samu de Bobigny, a décidé de l’étudier scientifiquement pour voir à quel point il était ancré dans l’esprit des patients.

L’idée a germé après un travail qu’il mène avec des collégiens de Seine-Saint-Denis sur l’arrêt cardiaque. “La première chose qu’on leur a demandé, c’est s’ils avaient déjà vu des arrêts cardiaques. Et devinez où ils en avaient déjà vus ? A la télé et notamment dans Dr House. Pour eux c’est une source d’information, ou en tout cas de culture. La représentation médicale, aujourd’hui, est télévisuelle.”

 

“72% des patients passent une IRM”

Sauf qu’en réalité, le monde médical n’a rien à voir avec la fiction. Et pour le démontrer, en chiffres, l’équipe a visionné 18 épisodes de la saison 2011. Et les conclusions sont claires et nettes : la médecine pratiquée dans Dr House est une imposture.

“Il y des éléments quantitatifs très frappants, explique le Pr Lapostolle. Dans la série, 72% des patients passent une IRM, alors qu’on sait qu’en France le délai moyen est de plus d’un mois. Et dans les cas d’AVC, où l’IRM est utile très vite, il n’y a en fait, en Ile de France, qu’une poignée de sites qui peuvent la proposer H-24. Comme toute la série, tout est très caricatural.” Les examens de routine, bilan biologique, ECG ou radio sont, eux, invisibles à l’écran.

Alors est-ce le système de santé américain qui est si différent de la France ? “Je ne crois pas qu’aux Etats-Unis l’accès à l’imagerie soit plus facile qu’en France, répond le Pr Lapostolle. Et je ne pense pas non plus qu’aux Etats-Unis ce soit le même médecin qui accueille le patient à son arrivée aux urgences, l’accompagne passer ses examens puis l’opère. Ca ne se passe jamais comme ça. Mais c’est vrai qu’à la télé c’est plus rigolo que ce soient les mêmes. Il faut que ce soient des héros.”

 

“Message troublant pour le spectateur qui devient patient”

Autre exemple relevé par l’étude : au cours des 18 épisodes analysés, un seul patient avait plus de 55 ans. “Nous, quand on voit un patient de moins de 55 ans, c’est déjà rare !” A titre de comparaison, à Bobigny (93), la population hospitalisée est âgée de 54 ans en moyenne avec de nombreuses personnes de plus de 80 ans. On est bien loin des patients trentenaires de la série.

Dr House est une fiction, tout est romancé, rien n’est réel. Jusque là rien d’anormal. Sauf que l’étude du Pr Lapostolle et de son équipe soulève cet autre problème : l’image que les spectateurs se font de la médecine. “Je suis bien conscient que c’est de la télé, qu’un épisode dure 42 mn. Il faut un résultat. Mais le message peut être troublant pour le spectateur qui devient patient”, remarque le médecin.

Et l’étude n’hésite pas à évoquer des patients qui cherchent une prise en charge “comme à la TV” et ne comprennent pas les délais d’attente ou les choix des médecins. “Le quidam qui arrive à l’hôpital avec quelque chose d’un peu sérieux peut se dire qu’en première intention il aura droit à une IRM. Alors qu’en première intention on est examiné, on a un électrocardiogramme, une prise de sang, et après, peut-être, une IRM…”

 

Message d’avertissement

Alors, le Pr Lapostolle émet une recommandation : poser un avertissement sur les séries médicales, “comme dans les pubs sur les cacahuètes”. “Il faut que tout le monde ait conscience du fait que c’est une fiction. Que les personnages sont fictifs et que la façon d’exercer la médecine est, elle aussi, romancée.”

Et pourquoi ne pas aller plus loin ? “On pourrait aussi imaginer que les chaînes qui diffusent ces programmes paient une sorte de “taxe”. Par exemple, puisqu’on sait que les jeunes sont très réceptifs aux messages télévisés, pourquoi ne pas obliger ces chaînes à diffuser, en contre partie, des programmes éducatifs sur l’apprentissage des gestes de premiers secours ? Mais bon, là je sais que je rêve un peu…”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu