Quatre médecins homéopathes seront reçus aujourd’hui à l’Elysée et à la direction générale de la santé (DGS). Ils protestent contre la transposition d’une directive européenne en droit français causant, selon eux, la disparition du marché de 75% des remèdes homéopathiques. Leur syndicat, le SNMHF se désolidarise et fulmine contre l’initiative d’un “quarteron de médecins homéopathes qui ne représentent qu’eux mêmes”.

 

“Ils veulent sabrer l’homéopathie, mais on ne va pas les laisser faire !”, assure, remonté, le docteur Jean-Michel Alexis. Généraliste homéopathe à Draguignan (Var), il se bat avec quelques collègues contre la transposition d’une directive européenne de 1994 qui induit un changement dans la délivrance des AMM, effective en France depuis 2001. Toutefois les dossiers pour l’homéopathie n’ont commencé à être examinés par l’ANSM qu’au mois de janvier dernier. Si, jusqu’à maintenant, toutes les dilutions d’une même souche ne nécessitaient qu’une seule autorisation, depuis quelques mois, les laboratoires doivent en demander une pour la teinture mère et pour chaque dilution de la 2ème ch à la 30ème. Soit plus de trente dossiers pour un même remède. “Sachant que chaque demande coûte entre 30 000 et 50 000 euros ! Les laboratoires ne vont évidemment pas payer 30 fois 50 000 euros !”, rapporte le docteur Alexis.

 

75% des médicaments homéopathiques en danger ?

De fait, ce médecin assure que certaines dilutions ne sont déjà plus trouvables en France. Et à terme, ce sont 75% des médicaments homéopathiques qui ne seraient plus produits par les laboratoires à cause d’un coût trop élevé. “Vous imaginez, trois quarts de votre outil de travail qui disparait ?”, s’alarme pour sa part Jean-Louis Ode, praticien à Saint-Raphaël (Var).

“On ne sait pas d’où sortent ces chiffres !”, clame-t-on au Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), qui fustige l’initiative des quatre praticiens varois. “Quand l’ANSM les aura tous examiné, en 2015, ça représentera à peine 10, peut-être 15% des médicaments produits”, garantit le SNMHF.

Au contraire, le syndicat se dit très satisfait de cette nouvelle législation. “Les autorités considèrent enfin que les médicaments homéopathiques sont de vrais médicaments puisqu’elles les soumettent aux mêmes procédures que tous les autres.” Le SNMHF assure que l’incompréhension règne concernant la démarche de leurs confrères.

 

Reçus aujourd’hui à la DGS, au Sénat et à l’Elysée

Mais les quatre homéopathes varois comptent bien faire entendre leur cause. Ils ont mis en ligne au mois de janvier une pétition qui a déjà recueilli 70 000 signatures. Et il semble que cela porte ses fruits. Ils ont été reçus récemment par la conseillère chargée des médicaments auprès de Marisol Touraine, Chantal Berlogey, ainsi qu’au Comité économique des produits de santé pour une réunion de trois heures.

Mieux, Jean-Michel Alexis, Jean-Louis Ode et deux autres de leurs confrères, seront entendus en fin de matinée par Catherine Choma, sous directrice de la Direction générale de la santé (DGS), puis dans l’après-midi à l’Elysée, par le professeur Olivier Lyon-Caen, conseiller pour la santé de François Hollande. Rien de moins. Il y a aussi, une étape prévue au Sénat…

“Le professeur Lyon-Caen nous a demandé des choses scientifiques. Nous allons donc lui demander de revenir à une AMM de groupe pour les médicaments très dilués, entre 12 et 30 ch. A un tel niveau ils ne contiennent plus de teinture mère, ils agissent simplement avec la mémoire de l’eau. Donc il n’y a plus de risque”, assure Jean-Michel Alexis.

Une manière, selon le praticien de soumettre une “proposition réalisable” et de couper la poire en deux pour le moment.

 

Le SNMHF perplexe

Pour les praticiens frondeurs, cette nouvelle législation s’avère opportune pour les laboratoires. “Les allopathes sont contents, puisqu’on a tendance à leur piquer des parts de marché. Et ceux qui produisent de l’homéopathie sont intéressés d’avoir seulement 600 ou 800 souches. Ils recentrent leur production, c’est plus rentable”, assure Jean-Michel Alexis.

Là encore les positions divergent avec le SNMHF. “Comment un labo peut être content que l’on réduise sa production ?”.

Boiron, le principal producteur de médicaments homéopathiques, avoue que cette polémique les dépasse. “Les bras nous en tombent, nous soutenons à fond la démarche initiée par la directive européenne. Le médicament homéopathique est la raison d’être de Boiron depuis 100 ans. Cinquante personnes chez Boiron consacrent leur temps à la présentation de ces dossiers depuis dix ans. Nous ne comprenons pas”.

D’un autre côté, le représentant de Boiron ne se prononce pas sur les éventuelles conséquences sur la production de laboratoires plus petits.

“Pour nous l’argument économique ne tient pas. Nous avons déposé un dossier pour l’acetanilidum, qui ne représente que quelques dizaines de tubes commercialisés chaque année. C’est notre mission de le faire”, poursuit le laboratoire. Boiron espère avoir “l’immense majorité de ses souches, dotées d’une AMM. Aujourd’hui, sur 200 produits évalués par l’ANSM, 27 seulement on été retoqués. Ce qui représente moins de 1/1000 du volume de prescription. Nous sommes confiants”.

Au SNMHF, on ne comprend pas comment ce dossier a pu être porté si haut et on s’interroge sur le dessous des cartes. Reste à voir quelles suites seront réservées par le Château à ces revendications.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier