Le 28 septembre 1902, le couple Zola est heureux et se couche dans le lit surélevé. Pour y accéder, il faut un petit trois-marches. Tout est calme jusqu’à 23 heures. Alexandrine, sa femme, se réveille avec des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et des céphalées violentes. Elle se dit que c’est le diner qui ne passe pas. Emile n’est pas bien non plus et présente les mêmes symptômes. Les deux chiens aussi sont malades.

 

 

Alexandrine commence à s’inquiéter et veut réveille le concierge, mais Emile refuse, bien qu’il sente lui-même très mal : “ça ira mieux demain.” Elle se recouche et lui reste sur sa chaise.

 

Agonie effroyable et consciente

Doucement, le charbon de bois se consume sans air ni évacuation, diffusant le monoxyde de carbone. La chambre est envahie par le gaz mortel, inodore, incolore. L’état de santé du couple ne s’arrange pas et ils restent calfeutrés. Lentement, ils sont asphyxiés, globule rouge par globule rouge, qui ne transporte plus de molécule d’oxygène mais du monoxyde de carbone.

Et, comble de l’horreur, les mécanismes du corps ne réagissent pas ! L’organisme de Zola se paralyse et se meurt sans lutte. Agonie effroyable et consciente. Alexandrine est restée un peu au-dessus du nuage toxique grâce au lit surélevé. A quelques minutes près, elle y passait aussi.

Au matin, la bonne arrive et commence le ménage. Le couple ne se réveille jamais au-delà de 9 heures, alors à 10 heures elle toque à la porte. Rien. Elle insiste puis elle prévient son mari, qui ouvre la porte. Zola est allongé par terre. Mort. L’écrivain est tombé de sa chaise le nez dans la nappe invisible de gaz. Sa femme, dans le lit, vit encore. Une ambulance de l’Assistance publique la transporte dans la clinique du docteur défaut, au 50, rue du roule, à Neuilly-sur-Seine. Des médecins tentent de réanimer Zola, mais c’est un échec. Certes, les techniques de l’époque ne sont pas celles d’aujourd’hui, mais il était mort depuis trop longtemps.

La nouvelle se répand dans Paris comme une traînée de poudre. Suicide, meurtre ou accident ? La préfecture de police veut éviter que se battent dans la rue les dreyfusards et les antidreyfusards. Un juge d’instruction est nommé et ouvre immédiatement une enquête dirigée par le commissaire du IXème arrondissement de Paris.

 

Paquet d’étoupe et de plâtras

Zola est autopsié le 30 septembre par les médecins du laboratoire municipal. Les signes d’une intoxication au monoxyde de carbone sont évidents, l’arrêt respiratoire, puis cardiaque. Sa veuve, qui se remet doucement, raconte son agonie. L’examen du sang des époux et du chien montre la présence de monoxyde de carbone. Ironie du sort, Zola avait une phobie depuis qu’il avait été touché par la fièvre typhoïde : mourir étouffé. Il avait aussi peur d’être enterré vivant.

Le juge clôt l’enquête en janvier 1903 : “accident”, bien que les experts n’arrivent pas à reproduire l’intoxication ni à expliquer que les chiens s’en soient sortis vivants.

Tout rebondit en 1953. Le journaliste de Libération Jean Bedel reçoit les confidences d’un membre d’extrême droite, un certain Hacquin, qui a connu lors d’actions nationalistes le fumiste Henri Buronfosse. Lui aussi membre d’un groupe d’extrême droite, ce dernier avait été le ramoneur du ministère de la Guerre et avait de solides relations. Il est mort en 1928 mais il a raconté à Hacquin comment il avait assassiné Zola : un paquet d’étoupe et de plâtras posé la veille dans le conduit de cheminée et enlevé le lendemain. Alors que les ramoneurs travaillaient sur le toit le jour de la mort de l’écrivain, la police n’y a vu que du feu.

Zola est embaumé et l’enterrement a lieu au cimetière du Montparnasse. Le 4 juin 1908, le cercueil de Zola est transféré au Panthéon après un bras de fer entre dreyfusards et antidreyfusards. Lors de la cérémonie, un journaliste, militant d’extrême droite, Louis Grégori, tire au revolver sur Alfred Dreyfus, venu rendre hommage à Zola, et le blesse au bras.

Emile Zola est mort à soixante-deux ans.

 

Biographie. Émile Zola est un écrivain et journaliste français, né à Paris le 2 avril 1840 et mort dans la même ville le 29 septembre 1902. Considéré comme le chef de file du naturalisme, c’est l’un des romanciers français les plus populaires, les plus publiés, traduits et commentés au monde. Sur le plan littéraire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, fresque romanesque en vingt volumes dépeignant la société française sous le Second Empire. Les dernières années de la vie de l’écrivain sont marquées par son engagement dans l’affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L’Aurore, de l’article intitulé J’accuse qui lui a valu un procès pour diffamation et un exil à Londres dans la même année.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : M. D. 

 

D’après On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps, Patrick Pelloux, médecin urgentiste, édition Robert Laffont, Paris 2013.