Une relance des pilules de première et deuxième génération, plus androgéniques, pourrait favoriser le développement de l’acné. Pour le Pr Brigitte Dréno, professeur en dermatologie au CHU de Nantes, le retrait de Diane 35 aura moins d’impact que les restrictions concernant les pilules de troisième et quatrième génération.

 

Egora.fr : quelles sont les conséquences du retrait de Diane 35 ?

Pr Brigitte Dréno : Nous disposons de médicaments beaucoup plus efficaces que Diane 35 contre l’acné. Donc, pour nous, ­dermatologues, son retrait ne créera pas un manque majeur. Diane 35 était surtout prescrit par les gynécologues et les ­généralistes. Nous utilisons beaucoup plus les pilules de troisième ou quatrième génération avec un progestatif moins andro-génique. Le climat de méfiance autour de ces pilules, très discutées aujourd’hui en raison du risque thromboembolique veineux, nous gêne davantage que le retrait de Diane 35. Si Diane 35 n’avait été prescrit que dans les bonnes indications, le nombre de traitements aurait été considérablement réduit.

 

Dans quels cas le traitement par Diane 35 était-il utile ?

Il était utile dans les acnés modérées, pour les femmes ayant une hyperandrogénie périphérique, entraînant une hyperséborrhée. En présence de petits signes d’hyperandrogénie (petite pilosité sur la lèvre supérieure ou devant les oreilles, règles irrégulières), ce médicament associé à un traitement local était efficace. Pour les femmes qui voulaient une contraception, on proposait à la place une pilule ayant l’AMM pour la contraception de la femme acnéique (Triafemi, ­Tricilest) ou une autre pilule de troisième ou quatrième génération, que l’on ­associait à un traitement local de l’acné. ­Aujourd’hui, nous sommes dans une situation difficile, car les pilules de première et deuxième génération risquent de relancer l’acné. Nous aurons toujours la possibilité de donner de l’acétate de cyprotérone en prescrivant Androcur. Mais cela pose la question des risques d’Androcur.

 

Le risque de rechute avec les pilules de deuxième génération est-il réel ?

Oui parce que le progestatif qu’elles contiennent est beaucoup plus androgénique que les progestatifs de troisième et quatrième génération. Dans mon expérience de terrain, l’effet est évident, et les patientes le disent elles-mêmes. Les progestatifs seuls aggravent également l’acné. Des études ont montré un effet favorable des pilules de troisième et quatrième génération sur l’acné, mais, il est vrai, avec un niveau de preuve scientifique nettement inférieur à celui des autres médicaments de l’acné. En pratique, lorsqu’une jeune fille demande une contraception et n’a pas de signes d’hyperandrogénie, on peut essayer une pilule de deuxième génération en première intention. Mais si elle est sous pilule de troisième ou quatrième génération depuis plusieurs mois, qu’elle la supporte bien et que l’on a bien ­vérifié qu’il n’y avait pas de ­facteurs de risque vasculaires, il est légitime de lui proposer de continuer.

 

De quels autres moyens d’action dispose-t-on ?

Pour des acnés minimes, un traitement local suffit, par peroxyde de benzoyle, s’il s’agit d’une acné inflammatoire ou, en cas d’acné mixte ou rétentionnelle (comédogène), par un rétinoïde topique, à appliquer le soir sur tout le visage, en mettant le lendemain matin une crème hydratante. L’association de peroxyde de benzoyle et de rétinoïde peut être aussi prescrite dans un même médicament. Il ne faut pas donner d’antibiothérapies locales. Elles sont trop souvent prescrites et créent des résistances. Les conseils cosmétiques sont également importants (proscrire les masques, utiliser des produits peu agressifs…). Lorsque les traitements locaux ont échoué, on ne dispose que de quatre traitements systémiques : les sels de zinc pour les acnés minimes à modérées, plutôt de type inflammatoire ; les cyclines, bons anti-inflammatoires et freinateurs très modérés de la glande sébacée, pour les acnés modérées ; le traitement hormo-nal ; et l’isotrétinoïne. Les cyclines doivent être prescrites en première intention, toujours associées à un traitement local, sans dépasser trois ou quatre mois, sinon on crée des résistances. Si c’est inefficace, la patiente risque d’avoir des cica-trices, et il faut l’adresser au dermatologue. La prescription d’isotrétinoïne relève du spécialiste. L’inconvénient du discrédit jeté sur les pilules de troisième et quatrième génération, c’est que cela va pousser à discuter plus rapidement le traitement par isotrétinoïne. Je suis tout à fait d’accord sur le fait que nous devons être extrêmement prudents dans nos prescriptions, mais c’est pour nous une arme importante.

 

Pour en savoir plus. Les chiffres de vente indiquent que 315 000 femmes environ sont traitées par Diane 35 ou l’un de ses génériques. Les généralistes sont les principaux prescripteurs (60 %), suivis par les gynécologues (36 %). Dans la plupart des cas (54 % pour les premiers, 75 % pour les seconds), ils prescrivent Diane 35 comme contraceptif.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Chantal Guéniot