L’enjeu a été clairement défini ce matin par Marisol Touraine, lors d’une réunion avec la presse autour du rapport Couty pour un “pacte de confiance à l’hôpital” : “tourner la page du volet hospitalier de la loi Hôpital, patients, santé et territoires”, signée Roselyne Bachelot. Et resituer l’hôpital, au sein de sa mission de service public.

 

HPST comme on la surnomme ou loi Bachelot, c’est selon, voulait “donner un patron à l’hôpital” selon la commande de Nicolas Sarkozy. La loi détricotait la notion de service public hospitalier en ouvrant la possibilité de diviser ces missions et les ouvrir au privé, mettait le turbo sur la convergence tarifaire public-privé et organisait les passerelles entre ces deux entités. Pour résumer, elle sacralisait la notion d’hôpital entreprise soumis aux dures lois de la rentabilité économique. HPST a eu le talent de dresser une bonne partie de la communauté hospitalière contre elle. Et le candidat François Hollande avait promis de revoir le dossier, en commençant par la T2A, ce mécanisme de tarification à l’activité générant effets pervers et inflation des actes.

L’heure semble venue. Après trois mois d’étude du terrain et des dizaines de rencontres, l’ancien directeur des hôpitaux Edouard Couty vient de remettre à Marisol Touraine, le fruit de ses travaux. Cette dernière a retenu de grandes orientations qui trouveront une concrétisation dans le dialogue avec les organisations syndicales, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2014 et ses décrets et dans la future loi de santé publique annoncée pour la même année.

Premier principe : il faut “réaffirmer la valeur de service public de l’hôpital (SPH), lui redonner une identité forte” a résumé la ministre. Les missions, les acteurs, leurs droits et leurs devoirs devront être définis sachant que “le service public hospitalier ne se découpe pas en rondelles, il est constitué de blocs de missions et de compétences” a-t-elle précisé. Ensuite, la loi devra préciser une notion nouvelle : le service public territorial de santé qui, sur un territoire donné, se définit par des missions de service public autour du parcours de soins ou de vie du malade (prévention, vaccination, éducation sanitaire, information, PDS, enseignement et recherche). Ces missions peuvent être assumées par toutes les structures ou professionnels concernés, y compris par des libéraux.

Le financement doit lui aussi, subir un lifting, et un recadrage. Un peu agacée par les plaintes de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui crie famine, la ministre a rappelé que la loi financement de la sécurité sociale 2013 a sonné le glas de la convergence tarifaire. Et qu’en outre, le gouvernement avait choisi d’accorder un ONDAM (objectif national d’évolution des dépenses de santé) en progression de 2,7 % (même progression pour la ville et l’hôpital). Ce qui correspond à une progression de 1,9 milliards d’euros pour les établissements de santé, par rapport à 2012, soit 1,6 milliard pour les établissements publics et 300 millions pour le privé. “Les établissements publics vont bénéficier d’une dotation MIGAC (missions générales d’aide à la contractualisation) qui permet de financer les missions spécifiques à l’hôpital public, d’un montant de 8,6 milliards d’euros en 2013, soit 450 millions de plus que l’an passé. Dire que la situation budgétaire est néfaste, comme je l’entends ici et là, est un discours qui ne peut pas tenir sur la durée”, a taclé la ministre.

Premier chantier, de taille : le système de la T2A. “Il faut entrer dans une nouvel âge. Il y a eu le budget global, puis la T2A, nous nous dirigeons vers un paiement mixte, avec des paiements au forfait, car certains actes continueront à être financés. La T2A a trouvé ses limites, par ses effets pervers, l’inflation, la segmentation des activités, la priorité aux traitements courts”, a expliqué Marisol Touraine en soulignant ce que mode de financement n’était plus adapté à la prise en charge des patients chroniques, dans le cadre d’un parcours de soins. La réflexion se dirige vers une tarification au parcours, pour les malades diabétiques, ou pour les soins palliatifs.

Un comité de réforme de la tarification hospitalière, doit rendre ses conclusions à l’été. Mais dès le prochain PLFSS, des éléments de réforme tarifaire seront dévoilés. “Nous pourrons ensuite, imaginer une logique plus large, englobant la rémunération des médecins généralistes, spécialistes, et l’éducation thérapeutique par exemple”. L’idée d’un financement global de parcours prenant le territoire comme référence fait son chemin, incluant les établissements privés dès lors qu’ils assument toutes les missions de service public, et incluant aussi les médecins de proximité.

Les finances maintenant. S’agissant des investissements, Marisol Touraine a confirmé que les sources seraient diversifiées, entre l’ONDAM, la caisse des dépôts et la toute nouvelle Banque européenne d’investissements. Objectif : financer 4,5 milliards d’euros d’investissements par an sur 10 ans, selon des schémas territoriaux organisés. A cette fin, les ARS doivent faire remonter au ministère, d’ici l’été, des schémas d’investissements hospitaliers régionaux. En outre 80 millions d’euros seront réservés pour l’investissement numérique.

Autre tâche à accomplir par la nouvelle majorité : “rétablir une gouvernance équilibrée à l’hôpital”.

La ministre veut s’éloigner de la loi HPST, pour s’appuyer sur trois piliers : un conseil délibérant doté des moyens de s’assurer de la mise en œuvre des orientations stratégiques, un exécutif fort et responsable, disposant d’un conseil fortement médicalisé et enfin des instances consultatives concernées et responsables, issues des professionnels et des usagers.

“Un directeur est fait pour diriger, un médecin, pour participer au projet médical. Le terme “patron” était plus que malvenu” a critiqué Marisol Touraine. La réforme renforcerait le rôle des médecins dans la CME, la ministre imaginant, pour les grands établissements, la négociation d’un contrat de gouvernance entre la CME et la direction de l’hôpital.

Marisol Touraine appuie en outre, la demande d’Edouard Couty, d’un bilan de l’organisation en pôles. Celui-ci, conduit par les professionnels, serait remis avant l’été. “Ces pôles doivent correspondre à une logique médicale. Parfois, ils n’avaient qu’une logique immobilière…” a critiqué la ministre.

Enfin, le rapport Couty préconise de renforcer la démocratie en direction des patients, par la mise en place d’un Comité technique des usagers dans chaque établissement. “Il faut aller plus loin dans la redéfinition des principes de la démocratie sanitaire”, a commenté la ministre de la Santé.

Le dialogue social (y compris vis-à-vis des ARS), doit également concerner les médecins, en local, en régional et en national. Conformément à l’avis de nombreux médecins consultés, une section médicale devrait être crée au sein des CHSCT (comités hygiène, sécurité et conditions de travail). Un observatoire national du dialogue et de la veille sociale est également envisagé.

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne