Nemanja est un jeune médecin franco-serbe passionné. Né à Paris, il a suivi toute sa scolarité en France jusqu’à sa réussite au concours de médecine. Alors qu’il s’apprêtait à entrer en P2, il a du quitter le pays et s’installer en Serbie. A Belgrade, il a poursuivi ses études et vient d’être thésé. Amoureux d’une parisienne, le jeune homme est revenu en France pour exercer la médecine. Un retour synonyme de parcours du combattant qui s’est soldé par un échec.

“Mon déménagement en Serbie m’a été imposé. Je suis né en France, et j’y ai passé toute ma scolarité. C’est au moment où j’avais enfin validé ma première année de médecine que j’ai du partir. A Belgrade, j’ai donc poursuivi mon cursus. Lors de mes études, j’ai essayé à plusieurs reprises de revenir en France mais il n’y avait aucune possibilité de transfert de dossier entre la Serbie et la France.

Après mes sept ans d’études, j’ai validé avec succès ma thèse sur le traitement pré-hospitalier des patients polytraumatisé lors de laquelle j’ai fait un parallèle entre les systèmes français, anglo-saxon et serbe. Mon travail a été félicité par le jury et on m’a proposé une spécialisation de chirurgie orthopédique. On m’a alors annoncé que pendant les cinq années d’internat, je serai payé 500 euros par mois et qu’une fois installé, je pourrai prétendre à un salaire entre 800 et 1 000 euros mensuels. Lorsque j’ai annoncé cela à ma compagne, elle s’est inquiétée : “Comment vivre avec un si faible salaire ?” Il faut savoir qu’à Belgrade, 500 euros sont l’équivalent de trois Smic. Mais ma copine est française et j’ai compris son inquiétude. J’ai donc décidé de quitter le pays et de revenir en France pour trouver du travail avec mon diplôme de médecin généraliste en poche.


Renier ma nationalité

Je suis arrivé à Paris début 2012. J’ai alors entamé plusieurs démarches en vue de trouver un emploi. Conseil de l’Ordre, Ministère de la Santé, organisateurs des ECN… Il a été impossible d’avoir des informations sur les moyens d’obtenir une équivalence afin d’exercer la médecine générale en France. Tous mes interlocuteurs faisaient en sorte de m’en dire le minimum. On m’a fermé toutes les portes, me faisant comprendre que je n’avais rien à faire là. Tout était extrêmement compliqué à cause de ma double nationalité. En clair, la solution la plus simple aurait été de renier ma nationalité française et me présenter en tant que médecin serbe. A Belgrade, je m’étais renseigné auprès de l’ambassade française et on m’avait parlé d’un système d’échange entre la Serbie et la France, mais leurs informations étaient mauvaises.

Face au mur de difficultés pour devenir médecin en France, je me suis tourné vers l’industrie pharmaceutique en me disant que cela serait plus simple. J’avais tort. J’ai alors commencé une longue traversée des sessions de recrutement… En huit mois j’ai envoyé près de 260 CV pour décrocher une quinzaine d’entretiens. Je me suis retrouvé face à une série d’obstacles. Le principal : la crise. Les laboratoires ne voulaient pas prendre le risque d’embaucher un jeune. Lorsque j’avais enfin un entretien, cela pouvait durer des mois. Avec les laboratoires Pierre Fabre, les échanges se sont étalés sur huit mois par exemple. Je les ai rencontré au mois de mars, j’ai eu des entretiens pour un poste de responsable médical, au téléphone, en face-à-face, je leur ai rédigé des résumés médicaux, je leur ai envoyé des lettres de recommandation… Au final on m’a propose un stage à 600 euros par mois ! Sanofi m’a aussi proposé un contrat au même tarif.

Je suis vraiment très déçu par cette expérience. J’ai la sensation d’avoir perdu un temps fou. Pendant cette période, j’ai fini par être dépressif, découragé, j’ai eu des gros doutes sur mes propres capacités. J’avais même pris un coach pour les entretiens. J’ai fini par comprendre que les labos ne recrutaient pas. Or, j’avais besoin de travailler. J’ai donc changé complètement de stratégie pour trouver du boulot.


Gardien de camping

J’ai entièrement modifié mon CV. J’ai enlevé mes études de médecine que j’ai remplacé par un CAP de commerce. J’ai supprimé mes trois langues parlées. J’ai changé mon prénom. J’ai alors postulé à des dizaines d’annonces. Manutentionnaire, livreur, gardien en auberge de jeunesse… J’avais besoin de m’occuper et de me refaire une santé financière. Lors d’un des entretiens, un patron s’est rendu compte que je ne correspondais pas à ce CV. Je lui ai alors dit la vérité. Il m’a répondu qu’il ne pouvait pas m’embaucher parce que voir tous les jours la tristesse dans mes yeux lui aurait brisé le cœur ! Cela m’a bien fait rire. J’ai finalement été embauché en CDD comme gardien dans un camping, j’y travaille actuellement et je termine ma mission le 28 février prochain.

Je viens de prendre la décision de rentrer à Belgrade. Je vais faire ma spécialisation de chirurgien orthopédique. Avec ma compagne, nous allons reprendre les relations à distance. Peut-être que dans cinq ans, il y aura des accords entre la Serbie et la France pour une meilleure circulation des médecins et que je pourrais revenir dans mon pays. J’essaie de rester optimiste.

Lorsque je pense à mon expérience et à la situation des déserts médicaux, je réalise qu’il y a surement d’autres médecins qui, comme moi aimeraient travailler mais que le système bloque. La médecine est la même partout. Il est évident que j’aurais accepté de travailler en zone rurale si j’en avais eu la possibilité.”

 

Source :
http ://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi