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Médecin agressée :”En douze ans, je n’ai eu droit à rien”

Hier, les professions de santé des Mureaux (78) et avoisinant ont organisé une journée santé morte très suivie, pour protester contre l’agression d’une jeune femme MG dans son cabinet. Une histoire pratiquement identique à celle vécue il y a douze ans par une autre praticienne du Val Fourré (78). Elle raconte les suites de cette agression. Glaçantes.


En lisant sur Egora.fr la semaine dernière le témoignage de cette jeune consœur braquée dans son cabinet le témoignage de cette jeune consœur braquée dans son cabinet par trois agresseurs aux Mureaux, dans les Yvelines, le Dr. Irena Majzels, du Val Fourré, a eu un pincement au cœur. Cette histoire, c’est pratiquement la sienne ; celle qu’elle a vécue il y a douze ans dans son cabinet médical. Ils étaient trois aux Mureaux à menacer la jeune généraliste contre deux au Val Fourré. Mais de la même manière, le Dr. Majzels a été tenue sous la menace d’un pistolet durant une demi-heure, tandis que le complice écumait les distribanques pour vider sa carte Gold.


Entre les gouttes

Cette agression a eu lieu en 2000, mais le Dr Majzels en est encore bouleversée. La suite de l’histoire fut traumatisante.

Celui qui a saisi la carte bleue s’est fait coincer, car il avait laissé des empreintes sur le bureau. L’autre est passé entre les gouttes : il paraît qu’il avait un alibi. “Au Val Fourré, ce n’est pas très difficile de s’acheter un alibi, ironise le Dr Majzels. C’était pourtant un duo inséparable, la même équipe avait fait près de 10 braquages à la même période – médecins, chauffeurs de taxi, commerçants – mais ce type n’a été condamné que pour mon affaire. Il a pris trois ans, il n’en a effectué que deux”. L’homme a également été condamné à verser 5 000 euros de dommages-intérêts à cette consœur, censés réparer le vol et le traumatisme. 

Pendant 6 mois, du fait du choc, Irena Majezls a eu des pertes de mémoires très pénalisantes pour son exercice. Elle ne retrouvait plus les noms des médicaments par exemple. Elle a également, ensuite, financé un garde du corps, qui l’accompagnait jusqu’à sa voiture le soir. Et bien entendu, payé les frais d’avocat.


Insolvable

De cette amende, la praticienne n’a touché que 700 euros, versé par son agresseur durant son emprisonnement, “pour montrer sa bonne volonté”. Mais plus rien à sa sortie, l’homme était insolvable. Logiquement, Irena Majezls s’est tournée vers la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI), qui l’a gentiment éconduite, car elle n’avait pas été agressée physiquement. Elle ne s’était pas arrêtée, donc pas de pertes de revenus. Une fin de recevoir qu’aujourd’hui encore, elle n’arrive pas à avaler.

Ensuite ? Elle a déménagé, quitté cet endroit où les agressions se multipliaient vis à vis des professions de santé mais aussi des patients, sous le regard ’indifférent’ des forces de police. ’Dix fois avant mon agression, je leur ai demandé de venir faire une ronde vers 18 heures, car je sentais un mauvais climat s’installer. Ils ne sont jamais venus’…

Le hasard a voulu qu’elle retrouve son agresseur il y a deux mois, dans le cadre de la commission médicale du permis de conduire. “Il ne se souvenait pas de moi, j’ai du lui rappeler que j’étais à l’origine de ses deux ans de prison. Il a prétendu que la police avait falsifié les preuves, que ce n’était pas ses empreintes. La prison ne lui a servi à rien.”


Indifférence de l’Etat

Peu de dire que le Dr Majezls porte un regard très dur sur l’insécurité, la police, l’“indifférence de l’Etat vis-à-vis des victimes” et sa grande “générosité” à l’encontre des agresseurs. “Je ne supporte pas que mes impôts paient sa CMU et ses frais de justice ! Je ne les paie pas pour cela. En tant que médecin victime, je n’ai eu droit à rien”, s’énerve-t-elle. Pour Irena Majezls, le problème de l’insécurité est quasiment insolvable. “C’est impossible de nous protéger. Lorsque nous sortons, au moment de prendre la voiture, ils peuvent nous sauter dessus, voler l’ordinateur, la voiture.”

C’est précisément ce qui vient d’arriver à un jeune médecin généralise de 28 ans, qui effectuait un remplacement dans une organisation de gardes libérales, à Villetaneuse (93). Agressé par une bande de voyous alors qu’il se rendait sur une visite urgente, il s’est fait casser le nez, voler sa recette, ses effets personnels et sa mallette médicale, et pour finir, dérober sa voiture.

“Il est extrêmement choqué, explique le Dr François-Charles Cuisigniez, président de la CSMF Jeunes médecins. Je pourrais parier qu’il ne fera pas long feu en médecine libérale”. Car tel est le risque. Et les médecins généralistes qui ont organisé hier la journée santé-morte aux Mureaux, lieu de l’agression de la jeune consoeur dans son cabinet, l’ont aussi fait pour cela. Cette journée a été particulièrement suivie. Toutes les professions de santé avaient baissé le rideau en signe d’indignation et de lassitude, en solidarité avec les patients qui eux aussi, n’en peuvent plus. Le mouvement a eu une telle ampleur que les urgences ont été saturées.


Sept heures d’attente

Depuis, le Dr. FrançoisCharles Cuisigniez interpelle les politiques : “Les jeunes médecins vont quitter les zones sensibles. Doit-on attendre la survenue du pire pour les voir réagir ?”. De fait, il y a de quoi s’indigner. Le protocole interministériel sur la sécurité des professions de santé signé il y a deux ans n’a été ratifié que par 21 départements sur 101, et durant cette période, les agressions de professionnels de santé n’ont pas faibli. L’Observatoire pour la sécurité des médecins a notifié en 2011, 822 déclarations d’incidents contre 968 en 2010 et 592 en 2009 dont les médecins généralistes sont les principales victimes. 

Le Dr. Majezls a trouvé une solution en déménageant dans un quartier excentré, beaucoup plus calme. Presque tous les médecins y sont regroupés, dit-elle. Mais pour les patients, c’est la galère. “Au Val Fourré, il n’y a plus de visites de nuit, il y a des gardes protégées avec garde du corps. Tout le monde va à l’hôpital, avec jusqu’à sept heures d’attente parfois. La population trinque“, relate-t-elle.

Reprenant une proposition de François Hollande durant la campagne présidentielle, Marisol Touraine vient d’annoncer (après avoir reçu la CSMF), qu’elle était prête à étudier le principe d’une extension du tiers payant pour éviter la circulation d’argent. “S’il n’y a plus d’argent dans les cabinets, c’est clair qu’il y aura moins d’incitation de la part des agresseurs à s’y rendre”. La généralisation, “c’est techniquement assez compliqué mais il faut avancer dans cette direction-là”, a expliqué la ministre de la santé.

Irena Bajezls n’avait que 150 euros en caisse lors de son agression, et la consœur des Mureaux, pas plus. Restait donc la carte bleue…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne