Diane de Poitiers, maîtresse officielle du roi de France Henri II, meurt en 1566 à presque 67 ans, dans son château d’Anet (Eure-et-Loir). Par testament de janvier 1564, elle avait commandé un tombeau de corps en marbre noir et blanc à ses armes et devises ; son coeur, retiré lors des soins d’embaumement, fut placé aux côtés de la dépouille du grand sénéchal de Normandie, son époux.


Que sait-on des circonstances de son décès ? En 1565, à la suite d’une chute de cheval, elle se fractura une jambe, remise en place et soignée par le chirurgien de Laval, Ambroise Paré. De longue date, des proches férus d’alchimie lui faisaient boire des sels d’or (“or potable”) afin de conserver son éternelle jeunesse (élixir de jouvence).


Momies

Le 18 juin 1795, deux commissaires de la Sûreté générale de Dreux firent irruption dans la chapelle sépulcrale à la tête d’un groupe de révolutionnaires pour piller le tombeau. Le caveau ouvert, la première enveloppe de bois défaite et le cercueil de plomb éventré, le cadavre de Diane apparut, parfaitement conservé. Le corps avait gardé toute sa fraîcheur. La robe d’apparat avait conservé toute sa richesse. À côté d’elle gisaient les momies de deux de ses petits enfants. Les trois corps nus, une fois déposés sur le gazon, furent assez vite envahis par une horrible teinte noire…

Dix jours plus tard, pendant que les pauvres dépouilles basculaient dans la fosse commune du cimetière (un trou creusé à la hâte au chevet de l’église dans le cimetière paroissial), l’un des profanateurs saisit la chevelure de Diane, qui se détacha du crâne, et l’on se partagea les boucles et les tresses de la défunte. Dans le vestibule du château d’Anet, une vitrine contient plusieurs souvenirs de Diane de Poitiers, et notamment une mèche de ses cheveux prélevée au moment de la profanation de sa sépulture…

En mai 2008, des fouilles eurent lieu à l’emplacement du lieu supposé de dépôt du corps de la favorite. Deux squelettes d’enfants, complets, en position grossièrement parallèle furent retrouvés à 80 cm de profondeur, âgés de 5 à 6 ans et de 2 ans. De façon diffuse, surmontant directement ces petits corps, des os longs d’adulte ont été mis en évidence. L’ensemble des ossements a ensuite été tranféré dans le service de médecine légale du centre hospitalier universitaire Raymond-Poincaré de Garches pour étude ultérieure.


Chutes de cheval

En l’absence de doublon osseux et compte tenu de l’aspect morphologique comparable de l’ensemble des os, ceux-ci ont été considérés comme appartenant à un seul individu adulte mature. Environ 30 à 40% du squelette était conservé. En raison des lésions d’arthrose constatées de façon diffuse, mais également des importantes pertes dentaires tant maxillaires que mandibulaires, l’âge au décès de cet individu a été évalué à plus de 45 ans. Sur le plan paléopathologique, il existait une fracture de jambedroite ancienne (double fracture tibia-fibula) auniveau de l’union des tiers distal et moyen confirmée par l’examen radiographique (scanner). Aucune fracture récente n’a été mise en évidence (mais le tibia droit était incomplet, et les os de la jambe gauche étaient manquants).

On sait que Diane de Poitiers a subi deux traumatismes de jambe par chutes de cheval (l’une vingt ans avant son décès, la seconde l’année précédant sa mort). La lésion objectivée ici correspond vraisemblablement à la fracture la plus ancienne. Cet ensemble de modifications anatomiques signeunrepositionnement de très bonne qualité, conforme aux prescriptions d’Ambroise Paré dans son troisième Livre de chirurgie : “De la manière de réduire les os fracturés (chapitre 4). Il faut que le chirurgien, lorsqu’il veut réduire les os fracturés, étende et tire bien droit la partie offensée. Car les os étant rompus, les muscles se retirent vers leur origine, c’est pourquoi il est impossible de réduire les os sans étendre les muscles. La partie ainsi tirée on réduira plus aisément les os en leur lieu en pressant avec les mains les os rompus et brisés. Lesquels, s’ils font éminence, seront comprimés et serrés avec des bandes, des compresses et attelles.”

L’aspect inflammatoire duméat auditif externe gauche s’accordait avec une inflammation chronique telle que décrite chez les pêcheurs en cas d’immersion fréquente en eau froide : cette lésion est à confronter aux habitudes de Diane de Poitiers qui pratiquait la natation jusque fort tard dans son existence dans les rivières avoisinant le château d’Anet.


Subtiles apothicaires

Les importantes pertes dentaires antemortem, tant supérieures qu’inférieures, contrastaient avec le tableau flatteur dressé par Brantôme de la grande sénéchale : “J’ai vu madame la Duchesse de Valentinois en l’âge de soixante-dix ans aussi belle de face, aussi fraîche et aussi agréable comme en l’âge de trente ans…et surtout elle avait une très grande blancheur et sans se farder aucunement. Mais on dit bien que, tous les matins, elle usait de quelques bouillons composés d’or potable et autres drogues que je ne sais pas comme les bons médecins et subtiles apothicaires.”

Il apparaît donc vraisemblable de considérer la possibilité, chez Diane de Poitiers, d’un port de prothèse dentaire (désormais perdue), comparable à celles décrites par son chirurgien, Ambroise Paré, dans ses Dix Livres de chirurgie (1564). Une extraction d’ADN a été tentée à partir de deux échantillons différents, sans résultat, peut-être en raison des produits utilisés au cours de l’embaumement du corps, perturbant la conservation et/ou l’extractionde l’ADN.

Un dosage élémentaire a été réalisé dans les cheveux de Diane de Poitiers conservés au château d’Anet. Des taux d’or supérieurs à 250 fois la normale ont été mis en évidence (9 505 ng/g), confirmant la prise d’un traitement au long cours à base de sels d’or par la favorite. De tels taux sont considérés comme particulièrement toxiques, notamment au niveau du rein (néphrotoxicité) et de la moelle osseuse, pouvant être responsables d’un décès à plus ou moins long terme. Une importante concentration d’or a également été mise en évidence au sein de… (Lire la suite de l’article sur La RevueduPatricien.fr)

 

Source :
http://www.egora.fr/
http://www.larevuedupraticien.fr/
Auteur : Philippe Charlier