Selon le taux moyen de dépassements dans le département, les poursuites pour dépassements excessifs pourront commencer dès 100% du tarif conventionné. Par ailleurs, les 5% de plus gros dépasseurs départementaux (entre 100 et 150%) seront systématiquement poursuivis… Voilà quelle sera la règle (non négociable) d’application de l’avenant N° 8 réformant le secteur 2, annoncée par les caisses en Commission paritaire nationale, hier jeudi. Signataires, la CSMF et le SML crient à la trahison.


Les vacances n’auront pas été suffisantes pour changer la détermination de la CNAM à interpréter dans un sens hautement coercitif l’avenant N°8 à la convention réformant l’usage du secteur à honoraires libres. La dernière réunion de la Commission paritaire nationale (CPN), le 20 décembre, avait laissé les signataires CSMF et SML assez abasourdis par la lecture du texte qu’ils avaient signé aux côtés de MG France. Ils ont eu aujourd’hui confirmation qu’ils n’avaient pas rêvé avant les fêtes.


Affichage

Ainsi, ce jeudi en CPN, le directeur national, Frédéric Van Roekeghem, a clairement précisé que le taux maximal de dépassement autorisé en secteur 2 ne pourrait dépasser 150% que dans trois lieux précis : à Paris, dans les Hauts de Seine et en Rhône-Alpes, du fait notamment de la cherté des loyers et autres charges. Une “fleur” qui se paiera cher, car Frédéric Van Roekeghem veut la tête de 1 500 \”dépasseurs\” jugés excessifs. Autrement dit, d’autres départements paieront pour que le compte soit bon.

Ainsi, les départements vont être classés selon deux items : leur taux moyen de dépassement et le taux moyen de dépassement des 5% de médecins les plus gros dépasseurs qui y exercent. Ces 5% seront poursuivis. “Ce qui revient à dire que les sanctions pourront se déclarer entre 100 et 150%, en fonction des particularités du département”, décrypte Roger Rua, le président du SML. “Le directeur a beau nous dire quedans certains départements pauvres, comme la Corrèze, les médecins ne seront pas touchés, ce qu’il veut, c’est faire du chiffre. Il a besoin d’un affichage”.

Furieux de la tournure prise par les événements, le nouveau dirigeant du syndicat avait laissé planer le doute mardi sur sa présence à cette deuxième CNP si la CNAM n’infléchissait pas sa position. Il n’a pas eu de réponse. La réunion s’est tenue sans le SML. Drôle de posture pour le nouveau patron du syndicat signataire, qui veut inscrire sa présidence “dans la continuité”. 


Stratégie de l’étau

Autres confirmations et autres interprétations du texte par la caisse nationale : la prise en compte du revenu médian par unité de consommation départemental pour juger de l’acceptabilité du dépassement. Idem, cet item ne figure pas dans le texte signé. Enfin, last but not least : seuls les médecins en secteur 1 et ceux ayant souscrit au contrat d’accès aux soins pourront bénéficier des augmentations tarifaires (actes ou tarifs cibles de la CCAM technique). Il n’y aura rien pour les médecins en secteur 2, qui ont pourtant l’obligation d’effectuer un quota d’actes en secteur 1, auprès des patients en CMU, CME, et des titulaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), plus tous les actes d’urgence.

Pour les patients concernés, le niveau de remboursement restera figé tout au long de la durée de la convention (alors qu’il est appelé à augmenter, dans le cadre du contrat d’accès aux soins). Il faudra en vouloir pour rester avec son médecin dans ces conditions. Mais attention, il y a une deuxième couche, puisque le montant moyen des dépassements de ces praticiens doit avoir “tendance à se modérer” durant la même période. C’est la stratégie de l’étau.


Ce que le SML qualifie de double peine.“C’est une machine à détruire les médecins du secteur 2, c’est malhonnête. De très nombreux praticiens vont traverser de très grosses difficultés, car il n’est tenu aucun compte du coût de la pratique qui augmente”, prophétise Roger Rua.


Machine à sanctions

L’émoi s’empare des délégations qui avaient cru à la bonne foi des caisses et du gouvernement, en paraphant l’accord immédiatement qualifié d’“historique” par Marisol Touraine. La CSMF comme le SML rappellent que l’avenant N° 8 avait avant tout à leurs yeux, (après des dizaines d’heures de négociations), une visée “pédagogique” assortie tout de même d’un réel volant de revalorisations tarifaires (470 millions d’euros pour le secteur 1).

Ce temps semble lointain. Aujourd’hui, la CSMF se dit “totalement opposée à cette instrumentalisation de l’avenant 8” qui va se traduire par un “harcèlement des médecins du secteur 2 non signataires du contrat d’accès aux soins”. Elle s’opposera par tous les moyens, affirme Michel Chassang, son président, à cette “machine à sanctions” et prend l’engagement de défendre les médecins inquiétés en commissions paritaires régionales. La centrale va donner la consigne à ses représentants dans ces commissions de faire obstacle aux sanctions éventuelles, afin que tous les dossiers soient renvoyés à l’arbitrage de la commission paritaire nationale. “La CSMF bloquera le fonctionnement de tout dispositif destiné à sanctionner systématiquement les médecins”, vient-elle d’assurer par communiqué.


Même longueur d’ondes

Le syndicat pourra faire équipe avec le SML, son compagnon de route, qui se trouve sur la même longueur d’ondes. On s’y apprête à défendre les confrères flashés“, tout en continuant à “faire des propositions innovantes, pour négocier un avenant N° 9, car celui-ci n’est pas bon”. Mais ni l’un ni l’autre n’envisagent pour autant de sortir de la convention. Mieux, la CSMF presse la CNAM de reprendre le programme fixé en CPN, comportant des ajustements techniques liés aux futures revalorisations, et la mise en œuvre du contrat d’accès aux soins en l’adaptant notamment à la situation des praticiens des grandes villes.

Donc, cet avenant “signé, approuvé par la Tutelle et publié au journal officiel s’appliquera”, ne manque pas de rappeler Jean-Paul Hamon, le président de la FMF, qui, comme le BLOC, a refusé de le parapher. Ce texte “a été signé par trois syndicats qui portent la lourde responsabilité de la mort du secteur 2 !”, accuse-t-il. Pour lui, la chasse au médecin libéral est ouverte, le directeur de la CNAMTS n’ayant pas caché son intention de “poursuivre dans chaque département les 5% de plus gros dépasseurs y compris lorsque la moyenne des dépassements départementale n’est que de 30% !”

“Certains syndicat jouent au Tartarin de Tarascon mais leur signature restera indélébile ! Que les médecins le sachent et s’en souviennent car maintenant, on va trinquer !”, tonne-t-il.

Une ultime rénion de conciliation doit se tenir d’ici une quinzaine de jours entre les syndicats médicaux signataires et la CNAM.

Remis à jour le 18 janvier à 16 h.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne