Passer au contenu principal

Maîtres de stage : les volontaires se cassent les dents

Qu’il s’agisse de la ministre de la Santé, du conseil de l’Ordre ou même des jeunes, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut plus de maîtres de stage. Pourtant les choses ne semblent pas si évidentes. Non pas qu’il manque de médecins prêts à s’engager… Mais ces derniers, faute de réponses des facultés, peuvent se décourager, voire abandonner.

 

Le Dr Benoît Tanguy n’en peut plus. Depuis le mois de juin dernier, ce généraliste Breton a entamé des démarches pour devenir maître de stage. Six mois plus tard, rien n’a avancé. Il n’a eu quasiment aucune réponse à ses multiples missives. “J’ai envoyé des courriers à la fac de Rennes, celle de Brest, au conseil départemental de l’ordre du Morbihan… J’ai finalement eu une réponse de l’Ordre, quatre mois plus tard, me disant de m’adresser à la fac ! Quand à la fac de Rennes, j’ai obtenu, après des mois d’attente, une réponse d’un médecin m’aiguillant vers un autre interlocuteur de la filière de médecine générale. Depuis, plus rien” peste-t-il.

 

Cafouillage

Le 5 novembre dernier, le Dr Tanguy, dans une tentative de la dernière chance, a repris son stylo pour écrire une nouvelle lettre adressée conjointement au doyen de la faculté de Rennes, au Conseil de l’Ordre et à Marisol Touraine ! Il leur demande ainsi l’origine de “ce manque de communication ”. Aucune réponse trois jours plus tard. Il s’est alors confié dans les commentaires d’Egora.fr. Et à son étonnement, il a suscité plusieurs réactions de médecins dans le même cas que lui.

“Je pensais être le seul à avoir des difficultés. Je croyais que je ne tapais pas à la bonne porte. Or j’ai réalisé que nous sommes nombreux à être dans la même situation. Il doit y avoir un cafouillage quelque part. Je veux bien admettre ne pas être assez compétent pour être maître de stage, mais qu’on me donne un rendez-vous afin de pouvoir en juger", clame ce passionné de médecine générale.

A 61 ans, le Dr Tanguy exerce en zone rurale. Installé à Languidic (Morbihan) depuis 33 ans, il est titulaire d’un DU de gynéco obstétrique. “J’adore transmettre. Je veux être maître de stage depuis toujours mais les locaux de mon ancien cabinet ne se prêtaient pas à l’accueil d’étudiants. Désormais c’est possible. J’estime que je pourrais apprendre beaucoup de choses aux jeunes, notamment sur les méthodes de dialogue et de travail. Cela ne s’apprend pas à l’hôpital” se justifie-t-il.

 

Le serpent qui se mort la queue

D’où vient donc le problème ? D’autant que Marisol Touraine ou encore le conseil national de l’Ordre ont réaffirmé il y a quelques jours l’importance des stages pour motiver les jeunes à s’installer en libéral. Dans les faits, les choses sont différentes. Une enquête de l’ISNAR-IMG a en effet démontré que 49% des étudiants de médecine générale de second cycle n’effectuent pas de stage en cabinet, alors qu’il est obligatoire depuis 1997. Les raisons : le manque de maîtres de stage !

C’est le serpent qui se mort la queue. Sandrine Thé, en charge de la gestion des stages à la faculté de Rennes, a une tout autre vision des faits. Selon elle, le département de médecine générale dispose d’environ 300 maîtres de stage, ce qui est suffisant pour le second cycle. La filière de médecine générale reçoit une vingtaine de candidatures par an, mais étant “débordée de travail”, ne répond pas immédiatement aux demandes. Quant aux critères de recrutement, rien n’a filtré, les informations étant “confidentielles”.

Le Dr Michel Papa est médecin généraliste, maître de stage et secrétaire général du syndicat national des enseignants en médecine générale. Selon lui, les difficultés du Dr Tanguy s’expliquent majoritairement par le manque de personnel dans les filières de médecine générale. “Il y a une réelle surcharge de travail dans les départements de MG. Les enseignants sont peu nombreux et les secrétaires quasi inexistantes. Il y a deux enseignants pour trois internes (PU-PH, chefs de clinique..) dans toutes les spécialités, sauf en médecine générale où il n’y a qu’un enseignant pour 80 internes” déplore-t-il.

 

Mainmise

Concernant les critères de recrutement, le Dr Papa rappelle qu’une charte des maîtres de stage a été élaborée par le SNEMG et par le CNGE (Collège national des généralistes enseignants). Ainsi le candidat à la maîtrise de stage doit justifier entre autres “d’au moins trois années d’exercice en médecine générale pour la maîtrise de stage au cours du 3ème cycle des études médicales et d’au moins une année pour la maîtrise de stage au cours du 2ème cycle des études médicales. En outre le médecin généraliste devra exercer une activité de soins primaires régulière et principale selon les critères de la WONCA et l’article L.4130-1 du Code de la Santé Publique, pour au moins les 4/5 de cette activité.” Critères auxquels répond le Dr Tanguy.

Selon le Dr Pierre Frances, généraliste, d’autres éléments se cachent derrière le recrutement des maîtres de stage. Lui-même a vécu une expérience douloureuse. Maître de stage depuis cinq ans, il a appris il y a trois ans qu’il n’était inscrit sur aucune liste. “Je pensais que les étudiants ne me choisissaient pas, mais en fait je n’apparaissais pas dans la liste,  tempête-t-il. Lorsqu’ils ont vu le nombre d’étudiants augmenter, ils ont eu le culot de me demander si j’avais bien validé ma formation !” Le praticien estime avoir été discriminé.

Remonté à bloc, le généraliste souligne que les syndicats sont responsables des difficultés à devenir maître de stage. “Certains syndicats de médecine générale ont la mainmise sur les stages et les études des jeunes généralistes. L’enseignement de la MG est sous la coupe du Collège national des généralistes enseignants dont les adhérents sont également très syndiqués” dénonce le Dr Frances. Il ajoute qu’ “ils sont tous amis, et s’arrangent  pour obtenir des SASPAS afin de se faire remplacer.” Les SASPAS sont effectués par des internes en remplacement de médecins généralistes. Ces derniers gagnent ainsi le montant intégral des consultations ainsi qu’une somme versée par la faculté. Les internes, eux, sont payés par la faculté.

Devant de tels dysfonctionnements, certains praticiens baissent les bras. C’est le cas d’un collègue du Dr Frances, qui, après des mois d’attente pour avoir une réponse afin de devenir maître de stage, a préféré abandonner.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi