Le Dr Tiphanie Bouchez est l’une des rares chef de clinique en médecine générale. Depuis le 1er novembre dernier, elle partage sa vie entre la faculté de Nice et le village de Roquesteron, où elle vient d’installer son cabinet. Si son poste a été financé par le conseil général, c’est pour porter secours à une zone sous-dotée. Agée de 26 ans, la jeune femme apprécie cette double casquette.

 

Alerte, surdouée, hyperactive. A 26 ans,Tiphanie Bouchez est déjà thésée depuis deux ans. Elle vient de s’installer à Nice pour effectuer sa deuxième année de clinicat. “J’ai fait ma première année à Lille. J’étais partagée entre l’enseignement à la fac, la recherche et l’exercice libéral de médecine générale dans une maison pluridisciplinaire située en zone urbaine sensible. Pour des raisons familiales, il fallait que je déménage à Nice. J’y ai donc demandé un poste de clinicat”, explique la jeune femme.

 

Stimulant

Poste décroché, et pourtant ce n’était pas une mince affaire. Tiphanie Bouchez est la première chef de clinique en médecine générale de la faculté de Nice dont le poste est financé par le conseil général. En effet, il y a plusieurs mois, une convention a été signée entre le conseil général, l’ARS PACA et la fac de médecine pour créer un poste de chef de clinique. En contrepartie, le candidat choisi devait s’engager à exercer à mi-temps dans une zone sous-dotée.

Le Dr Bouchez vient donc d’ouvrir son cabinet à plus d’une heure de Nice, dans la petite commune de Roquesteron, où il n’y avait plus de médecin. “Ici je réponds partiellement à un problème de santé publique. C’est stimulant sur le plan professionnel d’arriver dans une zone où les gens n’avaient pas vu de médecin depuis six mois. Une dame m’a dit qu’elle ne prenait plus ses médicaments pour le cœur. Trois autres personnes âgées ont quitté la commune parce qu’il n’y avait plus de généraliste. C’est donc important de répondre à la problématique de la démographie médicale des zones sous-denses”, juge la praticienne.

 

Pont d’or

Un poste enrichissant mais très contraignant. “C’est quand même difficile de passer deux nuits en dehors de chez moi alors que je descendais dans le sud pour vivre ma vie conjugale”, dévoile la jeune femme. Pour se rendre au cabinet, elle doit emprunter une route montagneuse et verglaçante sujette à des éboulements, qui peuvent doubler le temps de trajet. L’exercice en solitaire dans une zone sous-dense n’est pas non plus évident. Cependant, la jeune femme est optimiste et mise sur l’avenir. Un projet de maison de santé pluri-professionnel devrait voir le jour sur Roquesteron”, se réjouit la praticienne, consciente que rien ne se fera avant 18 mois. “Il faut deux médecins généralistes pour faire une maison de santé. On n’en est pas encore là”.

Depuis son arrivée à Roquesteron, la généraliste a été reçue comme le messie. “Les patients sont sympas et accueillants, j’ai eu un pont d’or de la mairie qui a inscrit mon nom sur l’affichage électronique de la place. Je suis invitée à inaugurer l’église avec le préfet, c’est un exercice marrant de la médecine. On est considéré comme des notables. Tout le monde me reconnait, c’est assez pittoresque !” s’amuse la praticienne, qui constate l’importante demande de la population. “Dès que ma ligne a été mise en service, le téléphone s’est mis à sonner, rapporte-t-elle.

 

Besoin majeur

Si solutionner le problème des déserts médicaux est un besoin majeur, Tiphanie Bouchez rappelle qu’ils ne sont que 74 chef de clinique en médecine générale à l’échelle de la France. “Nous ne sommes que 74 pour répondre éventuellement à cette problématique, sachant que nous exerçons à mi-temps. L’autre moitié du temps nous sommes à la fac, en contact avec les étudiants. Le but du jeu, c’est de rendre attractif le métier de généraliste. Je ne suis pas certaine de représenter le volet séduisant de la MG sachant que je travaille seule, dans un désert et en passant deux nuits par semaines sans mon conjoint”, note le Dr Bouchez . Selon elle, de nombreux efforts restent à faire, à commencer par développer la filière de médecine générale à la fac. “C’est en renforçant la filière que nous pourrons la rendre attractive. Ainsi la médecine générale sera choisie volontiers et pas par défaut” prédit-elle, avant d’ajouter que “les jeunes auront donc plus envie de s’installer”.

Pour le moment, la jeune femme s’attèle à valider sa deuxième année de clinicat, partageant son temps entre recherche, enseignement et exercice libéral. Des journées à rallonge qui passionnent la praticienne. “Je pense vouloir, si cela est possible, continuer mon clinicat pendant encore deux ans (ndlr : quatre ans est la durée maximale). Après on verra”, extrapole le Dr Bouchez. Une fois son clinicat terminé, la jeune femme, qui a toujours été passionnée d’enseignement, espère garder un pied à la fac. “Si je ne fais pas de burn-out d’ici là”, ironise-t-elle. Car après les consultations, sa journée n’est pas terminée, il faut faire le ménage du cabinet. Et s’occuper de la paperasse !

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi