Le Dr Thierry Richard vient d’inaugurer son centre de naissance dans l’eau à Guingamp (Côtes d’Armor). Ouvert depuis près d’une semaine, son établissement ne dispose d’aucune autorisation. Le procureur a été saisi par l’ARS de Bretagne. En attendant, un accouchement est prévu le 3 décembre prochain.

 

“J’ai toujours voulu accoucher dans l’eau. Quand je suis tombée enceinte, je me suis renseignée sur internet et j’ai trouvé le Dr Richard. Son matériel m’a semblé vraiment sécurisé. J’ai aussi été séduite par le fait de ne pas accoucher à l’hôpital et de pouvoir rentrer chez moi quelques heures après la naissance” témoigne Marine Estinasse, première patiente du centre de naissance aquatique. L’accouchement de la jeune femme, dont c’est la premier enfant, est prévu le 3 décembre prochain. Venue de Clermont Ferrand, son hébergement dans un gîte a été prévu par le Dr Thierry Richard.

 

Baignoire sécurisée

Agé de 56 ans, le Dr Richard est gynécologue obstétricien. Passionné par les accouchements dans l’eau, il a mis au point, il y a une vingtaine d’année sa “propre baignoire sécurisée” baptisée Ondine. “J’ai fais de multiples démarches pour l’implanter dans un centre hospitalier mais cela n’a jamais marché. J’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes et j’ai créé mon concept de centre de naissance aquatique” raconte le Dr Richard. Inauguré le 17 novembre dernier, son centre n’a pas fini de faire parler de lui. Il a été ouvert sans aucune autorisation.

“Nous n’avons même pas eu à la refuser, Il n’y a pas eu de demande”, déplore Hervé Goby, directeur de l’offre de soins au sein de l’ARS Bretagne. “Le Dr Richard estime qu’il n’a pas à nous demander d’autorisation, hors il s’agit bien d’une activité de soins organisés, c’est donc obligatoire”. Si le Dr Richard était passé par les voies réglementaires et avait demandé un accord de l’ARS, celui-ci lui aurait été de toute façon refusé. “Ce programme d’accouchement ne correspond pas un besoin dans les Côtes d’Armor. En plus, il ne répond nullement aux conditions d’hygiène, de sécurité et d’organisation des soins requises dans le code de santé publique” explique Hervé Goby, qui a saisi le procureur de la république.

 

Start-up obstétricale

Le Dr Richard n’est pas de cet avis. “Ce centre de naissance n’est pas différent du concept des maisons de naissance, à l’exception que je ne suis pas sage-femme mais gynécologue obstétricien. C’est une sorte de start-up obstétricale” se défend le praticien avant d’ajouter que “c’est une structure innovante qui n’existe pas dans les textes de l’ARS. Je ne suis pas en train d’ouvrir une clinique. D’ailleurs mon cabinet est en dehors du centre de naissance. Je propose simplement une sorte d’accouchement à domicile sécurisé”

La question de la sécurité est justement au cœur de la polémique. Pour Hervé Goby, “il n’y a aucun moyen de vérifier que la sécurité des patientes soit garantie”. D’autant qu’aucune convention n’a été signée avec l’hôpital de Guingamp, qui pratique également de son côté des accouchements dans l’eau. “Nous ne signerons aucune convention avec ce centre tant qu’il n’aura pas d’autorisation de l’ARS” s’exclame Yannick Heulot directeur de l’hôpital.

Le Dr Etienne Moinon, gynécologue obstétricien à l’hôpital de Saint-Brieuc et président du réseau périnatal des Côtes d’Armor, considère également que le risque est important pour les enfants comme pour les mamans. “Il se compare aux maisons de naissance, mais elles sont en général adossées à l’hôpital. Que fera le Dr Richard en cas d’hémorragie ou d’anomalie du rythme ? Il ne sera pas possible de pratiquer une césarienne. C’est vrai que dans la plupart des cas, tout se passe bien mais malheureusement, ce n’est pas tout le temps la réalité” s’inquiète le gynécologue qui a alerté l’Ordre des médecins.

 

Usine à bébés

Pour se défendre, le Dr Richard indique être situé à deux minutes de l’hôpital de Guingamp. “Nous possédons un véhicule médicalisé. En cas de besoin, les parturientes seront emmenées au centre hospitalier. C’est un établissement public, il aura donc pour obligation des les accueillir, même sans convention”, souligne le praticien. Marine Estinasse a prévu de rencontrer un anesthésiste et une sage-femme au cas où son accouchement poserait problème.

Afin de ne prendre qu’un minimum de risques, le Dr Richard sélectionne les futures mamans à partir de leur sixième mois de grossesse. Il a prévu d’assurer tous les accouchements pour les trois mois à venir puis de s’associer avec une sage femme, notamment pour le suivi des patientes lors du retour à domicile. “Je ne veux pas créer une usine à bébés. Je ne ferai pas plus de 10 à 15 accouchement par mois” prévoit le gynécologue, qui ambitionne de promouvoir les naissances aquatiques et de “rendre leur côté festif aux accouchements”.

Pour les futures mamans intéressées, un accouchement avec le Dr Richard leur coûtera 1 000 euros, non remboursés par la sécurité sociale. Mais attention à ne pas se retrouver le bec dans l’eau. Le procureur de la république n’a pas dit son dernier mot.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi