Elles sont silencieuses mais organisées. Les 3 000 infirmières réunies sur la page Facebook Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes revendiquent des améliorations de leurs conditions de travail. Car elles sont tout simplement fatiguées et cela met leur santé et celle des malades en danger… Elles ont profité du salon infirmier qui fermera ses portes ce soir pour se faire entendre.
Créée depuis plus d’une semaine, la page Facebook Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes recense 3 285 membres. La créatrice du groupe qui souhaite garder l’anonymat espère “un réveil blanc”. A l’image de celui qui avait agité le monde infirmier en 1988. C’est d’ailleurs en référence au mythique slogan de cette époque “Ni bonnes, ni nonnes, ni connes” que la jeune femme a intitulé son mouvement.
Trop de questions
“J’avais suivi l’actualité des pigeons auto-entrepreneurs, puis des médecins pigeons. J’avais trouvé cela original alors je me suis dit : pourquoi pas nous ? C’est une opportunité énorme de se faire entendre” confie l’infirmière. D’autant que “ni bonnes, ni nonnes rimait avec pigeonnes” plaisante la jeune femme. En près d’une semaine, infirmières mais aussi aides soignantes (au féminin comme au masculin) se sont réunies pour échanger sur la page du réseau social.
“Je m’aperçois que les choses vont mal dans tous les services, et cela partout en France”constate l’administratrice de la page avant d’ajouter : “tous les soignants sont concernés par nos conditions de travail qui sont inadmissibles. On ne peut même pas souffler 5 minutes, on doit souvent reporter l’envie d’aller aux toilettes, on mange en 10 minutes… Il m’arrive parfois de ne pas pouvoir accompagner une fin de vie dignement. Je n’ai pas le temps de mettre un enfant dans les bras de ses parents. Je rentre dans une chambre en espérant que l’on ne me pose pas trop de questions pour pas que le patient ne me retarde.”
Vocation
Des conditions de travail qui pourraient mener tout droit à la catastrophe, qu’il s’agisse des patients ou des soignants. “Dans certaines situations, j’ai le sentiment d’être en danger. C’est impossible de rester concentrée 12 heures d’affilée. On se démène, mais à quel prix” soupire la jeune infirmière. Le souci, d’après la soignante, est l’image que renvoie l’infirmière dans l’imaginaire collectif. “Il y a un réel décalage entre ce que les gens croient et ce qu’il se passe dans le service” dénonce-t-elle. “Nous renvoyons l’image de personnel éternellement dévouée. Cela nous dessert. Je regardais récemment un documentaire à la télé sur les conditions d’exercice des infirmières et la journaliste disait : leur métier est une vocation, elles n’ont pas le temps de penser aux salaires” s’indigne la soignante.
Du côté des politiques, le réveil est tout aussi lent. Interviewée quelques jours avant le salon infirmier, la créatrice de Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes regrettait l’absence d’intérêt de Marisol Touraine vis-à-vis des paramédicaux. “Depuis qu’elle est en poste, je n’ai jamais entendu la ministre prononcer le mot infirmière, ou peut être juste à propos de l’Ordre, ce qui est un autre débat” se lamentait la jeune femme. Depuis, Marisol Touraine a fait une petite apparition lors du salon infirmier. Dans son discours, elle a admis : “Vous exercez aujourd’hui dans des conditions qui sont souvent éprouvantes”, promettant que son pacte pour l’hôpital remédierait au problème.
Démotivés
En guise de comité d’accueil, un préavis de grève avait été déposé par les infirmières du syndicat Sud, le jour du discours de la ministre. A l’occasion du salon infirmier, une déclaration commune des organisations professionnelles représentant les infirmiers a été rédigée. Objectif : “obtenir une réelle reconnaissance du rôle et de la place des infirmières dans le système de santé français, améliorer les conditions de vie des professionnels de la filière tous grades et spécialités confondus, et défendre leurs droits et leurs intérêts moraux, tant collectifs qu’individuels.”
Malgré tout, les revendications peinent à se faire entendre. Et les fautifs sont peut-être les paramédicaux eux-mêmes. En quelques semaines, la page Facebook Les médecins ne sont pas des pigeons a rassemblé près de 38 000 membres pour un total de 216 000 médecins actifs. C’est dix fois plus que les infirmiers qui sont pourtant près de 500 000. “J’entends souvent mes collègues dire, de toutes façons, tout cela ne changera rien” confie dépitée la soignante. Elle n’est pas la seule à constater cette résignation. Sur le mur de la page Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes, une internaute se lamentait : “le plus dépitant, c’est le constat que l’on peut faire par rapport au moral des soignants. La plupart sont découragés et démotivés… Ils ne croient plus au changement… Donc ne croient pas non plus au mouvement. Difficile de motiver des gens à bout de force… (physique ou moral) Ils ne le prennent pas au sérieux en plus… Et moi, ça fini de me dégoûter…”
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi