Dépassements limités à 150 % en secteur 2, 100 % pour accéder aux contrats d’accès aux soins. Entrée fracassante des organismes de protection complémentaire dans le financement du P4P des généralistes, consultation pour personne de plus de 80 ans assortie d’un forfait de 5 euros… Mais 200 millions de réduction d’honoraires pour les spécialistes d’imagerie médicale. Voilà le détail de la négociation sur la limitation du secteur 2, qui a surtout profité aux généralistes du secteur 1. Les négociations se poursuivront lundi 22 octobre prochain, le temps pour les syndicats de consulter leur base ce week-end sur les propositions de la Cnamts.
14 heures de négociations entre l’assurance maladie, les syndicats médicaux, les organismes de protection complémentaire de l’UNOCAM sous le regard d’une délégation invitée d’internes et chefs de cliniques. Et au total, au petit matin, un texte inabouti réussissant l’exploit de remplir la corbeille des généralistes du premier secteur, alors que l’objet de la rencontre était la régulation des honoraires libres des spécialistes. Vous avez dit bizarre ? D’aucuns ont vu la main de Marisol Touraine dans ce tour de passe passe assez politique …
Résultat : à 4 heures du matin, les praticiens à plateau technique lourd du BLOC ont annoncé qu’ils ne signeraient pas ce projet d’avenant “qui ne résout rien et surtout pas la situation des praticiens de bloc”. Et de fixer un rendez-vous au Grand Rex à Paris, samedi après-midi, pour faire monter la pression des déçus de l’accord. Quant à la FMF, qui s’est plainte à plusieurs reprises d’être exclue avec le BLOC, des négociations en a parte qui se sont déroulées durant toute la soirée entre la CNAM, la CSMF, le SML et MG France, elle n’en pense pas moins. Pour sa part, la Mutualité française, qui réunit son congrès à Nice, réserve également sa signature jusqu’à l’issue de cette manifestation.
Marisol Touraine avait donné aux négociateurs jusqu’au 17 octobre pour élaborer un mécanisme permettant un meilleur accès aux soins et privilégiant le secteur 1. Cette séance s’est déroulée sous surveillance étroite, avec les internes en grève défilant en blouses blanches dans les grandes villes. Et près 35 000 médecins pigeons suivant – souvent sur Twitter ou Facebook – le déroulé en direct des négociations. Les internes et chefs de clinique de l’ISNIH et de l’INSCCA devaient interroger leurs bases dans la foulée pour décider d’un éventuel durcissement du mouvement.
Au matin, donc, un relevé de conclusions était distribué aux syndicats, listant les engagements actés durant la soirée. Ils ont jusqu’au 22 octobre prochain pour consulter leurs bases et signer un avenant reprenant en détails les points de l’accord. Les voici :
- Secteur à honoraires libres :
Les praticiens en secteur 2 seront considérés en situation de pratique tarifaire excessive, c’est-à-dire susceptible de devoir rendre des comptes devant la commission paritaire régional (CPR) et d’encourir des sanctions, au-delà d’un dépassement de 150 % des tarifs opposables, soit 2 fois et demi ce tarif. Le directeur de la CNAM n’a pas caché que son ambition était de descendre jusqu’à 100 % de ces tarifs. Les discussions ont été vives, car nombre de syndicats ne voulaient pas de définition de seuil.
L’opportunité d’une sanction (interdiction temporaire de pratiquer des honoraires différents temporaire ou définitive, ou même déconventionnement) sera considérée par la CPR en fonction d’un certain nombre de critères, dont la fréquence des actes avec dépassement, la variabilité des dépassements, le rapport entre la somme des honoraires facturés aux assurés sociaux et celle des tarifs opposables. Mais aussi du volume global du professionnel de santé, de son lieu d’exercice et de sa spécialité. Enfin de son niveau d’expertise et de compétences (titres et travaux de recherche, publications dans des revues médicales nationales et internationales, etc.).
De plus, les praticiens du secteur 2 devront pratiquer des tarifs conventionnés stricts pour les actes d’urgence et auprès des patients titulaires de la CMUc, mais également auprès tous les patients éligibles à l’aide à la complémentaire santé (ACS). Soit 3,4 millions de personnes supplémentaires.
- Contrat d’accès aux soins :
Ce contrat réversible sera proposé aux praticiens du secteur 2, qui acceptent de limiter leurs dépassements à 100 % (deux fois) maximum le tarif de la sécurité sociale. Le cas échéant, un mécanisme de calcul du taux de dépassement autorisé en fonction de la moyenne des deux années écoulées sera mis à disposition du praticien. Celui-ci s’engagera à geler ses dépassements durant toute la durée du contrat, de manière à ce que l’augmentation du taux de remboursement du patient auquel l’assurance maladie s’est engagée pour le hisser au niveau des remboursements des secteurs 1 en réduise le montant au bout de trois ans.
Les praticiens sous contrat devront également pratiquer des tarifs conventionnés stricts sur la même population, mais l’assurance maladie prendra à sa charge une fraction des charges afférentes à ces actes en secteur 1 strict. Les praticiens sous contrat bénéficieront de toutes les augmentations tarifaires du secteur 1 (voir plus loin).
En outre l’UNOCAM s’est engagée à participer à la solvabilité des dépassements réalisés dans ce cadre, par le biais de contrats responsables.
Par ailleurs, l’assurance maladie va dresser une cartographie de l’accès aux soins en tarif opposable, pour les soins de proximité et les spécialités de plateaux techniques lourds.
Au vu de ces travaux, des propositions seront effectuées aux spécialistes de premier recours au sens du parcours de soins (pratique clinique). Pour les autres, des propositions leur seront faites au vu de la conclusion des études. Les internes et futurs médecins se sont déclarés très inquiets par cette disposition, où ils décernent une éventuelle limitation de la liberté d’installation en secteur 2.
Les contrats responsables devraient être lancés au 30 juin 2013, date à laquelle la CNAM espère avoir séduit 50 % des praticiens éligibles (il y a 30 000 médecins en secteur 2, dont 23 500 spécialistes). Un point sera effectué à cette date, où, au vu des résultats, un aménagement de ce seuil pourrait être envisagé.
- Revalorisations en secteur et sous contrat :
Mise en place de la troisième étape de revalorisation de la nomenclature technique (Ccam) mise en chantier en 2005 au 1er janvier 2014, 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016, pour les médecins du premier secteur et des praticiens sons contrat. Particulièrement visés : les chirurgiens et les gynéco-obstétriciens (6 % de bonus). Les nephrologues, ophtalmologues et anesthésistes devront attendre leur tour… Un cadeau jugé très insuffisant par le BLOC. D’autant que pour cet effort tarifaire, la CNAM consacrera 180 millions d’euros, prélevés sur les spécialistes d’imagerie médicale (radiologues, médecine nucléaire notamment), mis à l’amende par un plan de réduction tarifaire sur trois ans, pour un montant total de 200 millions d’euros.
Par ailleurs, pour les médecins généralistes (qui sont à 85 % en secteur 1), la Mutualité français a décidé de faire une entrée fracassante dans le jeu conventionnel, en finançant à hauteur de 120 millions d’euros, (sur les 145 millions mis sur la table), la bonification de la rémunération pour réalisation d’un volet de synthèse, dans le cadre du paiement sur objectif (P4P). Cette bonification serait d’environ 7 euros par patient.
Enfin, toujours pour les médecins du secteur 1, l’assurance maladie est prête à financer directement aux médecins généralistes, un forfait de 5 euros environ, pour la réalisation d’une visite longue auprès d’une personne de plus de 80 ans.
Sont également en cours d’étude, concernant d’autres spécialités : la visite de sortie d’hospitalisation (majoration de 2 C) et celle auprès d’un patient polypathologique mais non titulaire de l’ALD (idem),.
Les modalités de suivi des dépassements d’honoraires font également l’objet d’un chapitre de l’avenant, avec réintroduction de l’Ordre des médecins dans le processus. Nous y reviendrons plus en détail dans une prochaine dépêche.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne