Le Dr Jean * est un jeune retraité de 65 ans. Entre la réforme de l’Allocation supplémentaire vieillesse (ASV), la CSG et la CRDS, c’est un total de 1 000 euros par trimestre – a-t-il calculé – qui partent pour les charges. Un manque à gagner qu’il a décidé de compenser en continuant à travailler 70 heures par semaine dans son cabinet. Une solution qui renfloue son compte en banque et permet aussi de pallier le manque de médecins dans sa région.
“Je suis officiellement à la retraite depuis le 1er avril dernier. Non ce n’est pas une blague !” ironise le Dr Jean, qui a fêté ses 65 ans le 10 mars 2012. Le généraliste a touché sa première allocation de retraité au mois de juillet, pour un montant d’environ 2 500 euros. “Il m’a fallu attendre trois mois pour recevoir ma première allocation. Si on n’a pas d’avance de trésorerie, c’est vraiment dur” tempête le praticien avant d’ajouter, exaspéré : “Je ne pourrai même pas me payer une maison de retraite. Si je décède mon épouse touchera une pension de réversion de 50%, elle sera bonne pour aller aux restos du cœur”.
Marché de dupes
Le jeune retraité peste surtout contre un courrier reçu récemment par la CARMF. “Il m’indiquait qu’au vu de la réforme, ma retraite serait réduite de 500 euros par trimestre. Si j’ajoute à cette ponction, le coût de la CSG et la CRDS, que je payais avant, mais qui maintenant me semble énorme car elle représente aussi 500 euros par trimestre, cela me fait 1 000 euros de moins tous les trois mois” s’emporte le praticien, qui exerçant en secteur à honoraires libres.
“Personne n’a voulu écouter Gérard Maudrux (président de la CARMF, qui souhaitait supprimer l’ASV, Ndrl), et maintenant on voit le résultat. Cela nous maintient sous le joug de la tutelle et les honoraires ne pourront jamais être revalorisés. Ce sera toujours un marché de dupes, ce versement des cotisations de la sécu pour l’ASV” des médecins du premier secteur. “On est bien la seule profession qui accepte une baisse de sa retraite. On devrait faire la révolution. Nous, on ne peut pas bloquer les raffineries de pétrole, mais on peut fermer” s’énerve le Dr Jean. Le médecin se dit “dégouté, révolté et humilié du manque de reconnaissance de son travail”.
Cumul-emploi retraite
Pour continuer à vivre correctement, la solution a vite été trouvée : le “cumul-emploi retraite”, issu de la loi de 2009, qui permet de continuer à travailler sans plafonnement de l’activité. Pas question pour le généraliste, installé dans la région grenobloise depuis 33 ans, de lâcher si vite son stéthoscope. Mais avec les charges très lourdes du secteur 2, le Dr Jean a du mal à ralentir le rythme. “Je travaille encore environ 70 heures par semaine. De toute façon personne ne veut reprendre mon cabinet. Je vais continuer à bosser tant que je le pourrais” confie le praticien.
A 65 ans, il aimerait pourtant bien lever le pied. “J’ai pas mal de confrères retraités qui ont repris en tant que médecin salarié. J’y pense aussi. J’aimerai bien trouver un emploi en maison de retraite ou de convalescence. Avec 70 heures par semaine, le rendement horaire est trop faible dans le libéral” juge-t-il.
Bouffée d’oxygène
Travailler en plus de la retraite, c’est une bouffée d’oxygène pour les finances du généraliste. Ce dernier essaie ainsi de se constituer une “petite assurance vie”. Mais il commence déjà à paniquer au vu des projets du nouveau gouvernement qui entend “s’attaquer aux retraités”. “Je ne sais pas de combien sera ce supplément de taxe mais ça me fait bondir. Pour un gouvernement socialiste, je ne trouve pas cela très social” s’agace le Dr Jean.
En attendant, ce sont les patients du généraliste qui sont contents. Le MG a de nouvelles demandes de médecin traitant tous les jours. Sans parler des personnes âgées qu’il suit depuis plus de 30 ans.“La pénurie de MG est déjà importante dans la région. Beaucoup de confrères partent sans être remplacés” constate le praticien. Et l’épouse du généraliste dans tout ça ? “Elle me supporte depuis 30 ans. Me supporterait-elle à la maison ? Ca c’est une autre question” sourit le Dr Jean.
Source :
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Auteur : Sandy Berrebi