L’Assistance publique des hôpitaux de Marseille et de Paris a eu la même idée. Attirer les patients étrangers vers leurs services d’excellence en les faisant payer au prix fort. Un moyen de renflouer les caisses en agissant sur les recettes plutôt que sur les dépenses.
Si certains pays ont choisi de se spécialiser dans le tourisme médical low cost, nos hôpitaux français préfèrent jouer la carte de la qualité. Et ils comptent la vendre au prix fort. L’AP-HP et l’AP-HM se sont organisés, chacun de leur côté, pour développer leur accueil des patients étrangers.
Ainsi l’AP-HM vient de développer un partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence. Objectif : créer un pôle santé méditerranée qui serait en quelque sorte une plateforme d’accueil des patients étrangers. La prise en charge du patient serait globale, de l’hôtellerie aux soins.
Médecine de pointe
“Nous avons une ouverture traditionnelle vers la méditerranée. Nous accueillons déjà près de 1 000 patients étrangers. Nous souhaitons donc formaliser et organiser cette prise en charge” résume Bastien Ripert, responsable de la communication au sein de l’AP-HM. Car ces patients étrangers valent de l’or. Ils ont généré l’an passé quatre millions d’euros de recette. Grâce à ce nouveau partenariat, l’AP-HM espère en gagner au moins un million de plus.
Les malades qui se feront soigner via le pôle santé méditerranée devront en assumer le coût. “Nous prévoyons de réaliser une marge supérieure avec les patients étrangers. Nous facturerons leurs soins deux fois le tarif de la sécurité sociale afin de pouvoir réinvestir dans la qualité d’accueil et dans un plan de retour à l’équilibre” indique Bastien Ripert.
Ce projet sera expérimenté en 2013 sur un an, dans six services de pointe de l’AP-HM : la chirurgie bariatrique, orthopédique, endocrine, de la main, l’ophtalmologie et la gamma Knife (appareil utilisé pour des traitements neurochirurgicaux en radiothérapie stéréotaxique, délivrant de façon très localisée une dose élevée de rayonnements ionisants). “Si tout se passe bien, nous développerons notre offre de soin à plus grande échelle” projette Bastien Ripert.
De son côté, l’AP-HP a eu sensiblement la même idée. Les hôpitaux de Paris ont signé pendant l’été un accord avec GlobeMed, une société d’assurance libanaise, afin de “formaliser” et d’“institutionnaliser” l’accueil des riches patients étranger venus des pays du Golfe. Comme avec l’AP-HM, les patients seront pris en charge du transport jusqu’à l’arrivée à l’hôpital. Un service de traduction sera également proposé. Selon Le Monde, l’AP-HP accueille en moyenne chaque année 2 300 patients attirés par la médecine de pointe française. L’objectif est désormais de leur facturer les soins dans la moyenne des prix de la médecine de pointe à travers le monde, et non à celui fixé par la sécurité sociale française, plus bas. Le groupe espère ainsi résorber une partie de son déficit estimé à 70 millions d’euros.
Marchandise
Cette initiative a provoqué l’ire des syndicats. Dans un communiqué, la CGT santé et action sociale s’indigne de ces “filières VIP de l’AP-HP”, arguant que “la santé n’est pas une marchandise”. Le syndicat craint que “la mise en place de cette filière particulière (…) permette aux patients pouvant payer de bénéficier de consultations et d’hospitalisations dans des conditions privilégiées”. Il ajoute que “la sélection de patients selon leur compte en banque est inacceptable”. Dans Le Monde, Christophe Prudhomme, le médecin urgentiste au Samu de Seine-Saint-Denis à la tête du collectif national des médecins de la CGT, s’indigne : “On manque déjà de lits, on ne peut pas laisser des patients attendre sur des brancards d’un coté, et de l’autre, accueillir des patients du Golfe qui seront confortablement installés dans des chambres individuelles”. A l’heure où la maîtrise des dépassements d’honoraires en secteur privé à l’hôpital public est en ligne de mire du gouvernement, la mise en place de cette filière VIP peut, en effet, interroger.
Malgré de nombreuses tentatives pour joindre l’AP-HP, silence radio du groupe hospitalier. En revanche à l’AP-HM, Bastien Ripert se défend de privilégier certains patients. Il rappelle que ce projet d’accueil des étrangers se fera “dans le strict respect des principes qui régissent l’hôpital public, à savoir l’égalité d’accès aux soins et la mission d’accueil des urgences. La programmation de l’accueil de ces patients se déclinera sur des créneaux de disponibilité totale des services”.
Et le responsable communication du groupe hospitalier marseillais de rappeler qu’ “avec ce projet, nous allons agir sur les recettes, ce qui est toujours moins douloureux que de trancher dans les dépenses”. Verdict fin 2013.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi