L’étude qui a semé le trouble n’est pas exempte de critiques, mais souligne la durée insuffisante des expérimentations actuelles.

                                                          

Avant même sa publication, le 18 septembre, dans Food and Chemical Toxicology, l’étude sur le maïs transgénique Monsanto NK 603, conduite par l’équipe du Pr Gilles-Eric Séralini (Université de Caen), a soulevé un torrent de réactions dans les médias, chez les écologistes  et au sein même du gouvernement.

Ce travail a deux particularités qui en font une exception dans la littérature sur les OGM (organismes génétiquement modifiés). La première est que les animaux ont été suivis pendant deux ans, et non seulement trois mois, comme c’est requis actuellement dans procédures européennes. “C’est l’étude la plus longue et la plus détaillée jamais menée sur cet OGM”, a déclaré le Pr Séralini lors d’une conférence de presse organisée avec Corinne Lepage. Ce point est important car les opposants aux OGM et en particulier le Criigen (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique), dont le Pr Séralini préside le conseil scientifique, dénonce depuis longtemps la durée des études, jugée insuffisante pour garantir l’absence de toxicité à long terme.

 

"Eponges à pesticides"

La deuxième originalité tient dans le fait que les auteurs ont observé, pour la première fois, des effets négatifs de l’OGM seul, et non seulement de l’herbicide qui lui est associé, le Roundup. Il faut savoir, en effet, que toutes les plantes OGM cultivées actuellement à grande échelle sont conçues pour augmenter la tolérance de la plante à un herbicide (61 %), comme c’est le cas pour le maïs NK603, pour produire un insecticide (17 %), comme le maïs Bt ou le coton Bt, ou encore pour faire les deux, comme le Smartstax.

“Les OGM sont des éponges à pesticides, résume le Pr Séralini, et 80 % d’entre eux augmentent la tolérance au Roundup”. Ce sont le plus souvent aux pesticides que sont attribués les risques liés aux OGM.  Pour différencier les effets du maïs transgénique et du Round up, les auteurs ont étudié deux fois dix groupes de dix rats mâles et femelles, soit 200 animaux au total, répartis en un groupe contrôle nourris avec des croquettes au maïs,  six groupes nourris avec des croquettes identiques, mais contenant trois teneurs différentes de maïs NK603, traité ou non par Roundup, et trois groupes nourris comme les témoins, mais buvant une eau plus ou moins enrichie en Roundup.

 

Surprise

Un excès de mortalité a été observé chez les femelles dans tous les groupes exposés, avec deux ou trois fois plus de morts prématurées que dans le groupe témoin. Cet effet sur la mortalité concernait également les groupes recevant le maïs transgénique seul, sans Roundup.

“Cela a été une surprise pour nous, c’est la grande nouveauté”, confie le Dr Joël Spiroux de Vendomois, généraliste et président du Criigen, cosignataire de l’étude. Ces morts prématurées étaient liées essentiellement à des tumeurs mammaires. Au vingt-quatrième mois de suivi, 50 à 80 % des rates avaient développé des tumeurs dans les groupes traités, contre 30 % chez les témoins. En revanche, chez les mâles les anomalies constatées étaient essentiellement hépatiques et rénales, et les effets sur la mortalité plus inconstants.  

“Globalement, les pathologies que nous avons vu se développer, en particulier les tumeurs et les morts prématurées, apparaissent à partir du quatrième mois, note le Dr Spiroux de Vendomois. Donc les tests réglementaires ne sont pas assez longs pour assurer une sécurité sanitaire”.

 

Prudence

Les résultats de l’équipe du Criigen méritent néanmoins d’être tempérés. Il faut remarquer notamment que le modèle de rats choisis pour l’expérimentation (Sprague-Dawley) a spontanément un risque élevé de tumeurs mammaires. Huit tumeurs se sont déclarées chez 5 des 10 rates du groupe de femelles contrôles, ce qui amoindri l’aspect  spectaculaire des résultats. Cité par l’agence Reuters, Tom Sanders, directeur du département des sciences nutritionnelles au King’s College de Londres, observe que la publication ne précise pas la quantité de nourriture donnée à ces animaux, “particulièrement sujets aux tumeurs mammaires lorsque les ingestions de nourriture ne sont pas contrôlées”.

La petite taille des groupes, notamment des deux groupes contrôles (10 mâles, dix femelles) enlève également du poids aux conclusions statistiques et la multiplication des groupes rend l’analyse complexe.  Globalement, les morts prématurées ont concernées “jusqu’à  50 % des mâles et 70 % des femelles dans  certains groupes nourris avec des OGM”, contre 30 % des mâles et 20 % des femelles dans les groupes contrôles, peut-on lire dans l’étude. Mais dans certains groupes la mortalité a été inférieure à celle observée chez les animaux contrôles et la faiblesse des effectifs (dix par groupe)  rend ces écarts moins significatifs. De plus les chercheurs ont utilisés des  méthodes statistiques inhabituelles.

“Nous avons fait appel à des techniques statistiques extrêmement modernes, habituellement utilisées en génétique”, a observé le Pr Séralini. Cependant, pour Tom Sander, il n’existe pas  de projet d’analyse de données. “Il semble que les auteurs n’ont retenu que les chiffres les intéressant”, note-t-il.

 

Mesures

Ces critiques ne doivent qu’encourager à mener d’autres études de durée suffisante sur les OGM. Marisol Touraine, Delphine Batho et Stéphane Le Foll ont fait savoir qu’ils allaient saisir l’ANSES et le Haut Conseil des Biotechnologies, et transmettre en urgence les conclusions de cette étude à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments. En fonction de l’avis de l’ANSES, le Gouvernement demandera aux autorités européennes de prendre toutes les mesures nécessaires, qui pourront aller jusqu’à suspendre en urgence l’autorisation d’importation dans l’Union européenne du mais NK 603.

Corinne Lepage et Gilles-Eric Séralini ont jugé cette réaction positive, à condition que soit renouvelée la composition de la commission ayant autorisé la commercialisation de ce même OGM.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Dr Chantal Guéniot