Trois suicides en un peu plus d’un an, dont deux en un mois, c’est le lourd bilan de l’établissement psychiatrique EPSM de l’agglomération lilloise. Si les actes n’ont pas été commis à l’hôpital, une des victimes, un infirmier a laissé une lettre explicite dénonçant ses mauvaises conditions de travail. Des difficultés expliquées en partie par le fait que la psychiatrie, dans le Nord-Pas de Calais, doit faire face à un gel des crédits de la part de l’ARS.

 

 

Le mois de juin 2012 aura été sinistre pour le personnel de l’hôpital psychiatrique EPSM de l’agglomération lilloise. Deux suicides en l’espace d’un mois. Sans compter celui qui a eu lieu, il y a à peine plus d’un an. Avec de telles statistiques, le hasard devient de plus en plus difficile à croire. Pour Vladimir Nieddu, syndicaliste Sud Santé sociaux, les conditions de travail sont à mettre en cause.

 

Cauchemar

“Le premier suicide a eu lieu en mars 2011 et il est scandaleux. Nous avions alerté les pouvoirs publics et la direction de l’établissement sur le risque de suicide de cette collègue. Aucune mesure n’a été prise. Nous avons été profondément choqués par cette absence totale d’empathie. D’autant que cette infirmière venait tout juste d’être licenciée alors qu’elle était malade. Sa fin de contrat n’était pas du tout légale” s’emporte Vladimir Nieddu.

Et le cauchemar ne faisait que commencer. Au début du mois de juin, un autre infirmier s’est donné la mort. “Il ne laissait pas transparaître son malaise, mais sa femme a trouvé une lettre dans laquelle il mettait clairement en cause ses conditions de travail” s’indigne Vladimir Nieddu. La victime a notamment insisté sur sa difficulté à travailler seul, ce que la direction a contesté. “Ils ont sorti des planning  pour montrer qu’il n’était pas seul, mais ils étaient faux. L’enquête du comité d’hygiène et sécurité des conditions de travail (CHSCT) a démontré qu’il travaillait effectivement en solitaire” souligne-t-il.  Malheureusement  ce n’était pas le seul problème à déplorer. “Il exerçait dans un secteur de l’hôpital que nous dénonçons. Les conditions y sont indignes, tant pour les salariés que pour les patients. Il y a de gros problèmes de bruit. L’endroit est très sombre et il y fait très chaud l’été et très froid l’hiver” s’énerve le syndicaliste avant d’ajouter “le bâtiment dans lequel la victime travaillait aurait dû être détruit. Nous sommes en conflit avec la direction depuis deux ans concernant ces mauvaises conditions de travail”.

 

Pseudo-faute

Le CHSCT s’est réuni jeudi 29 juin dans l’objectif d’enquêter sur la cause de ce suicide. Omar Byhia, son secrétaire, qui a pu lire la lettre laissée par le défunt est formel quant au lien entre suicide et conditions de travail. “La mort de ce salarié est directement corrélée à ces conditions de travail. La direction elle-même ne le nie pas. Depuis environ cinq ans, il y avait un contexte de difficultés dans les rapports sociaux au sein de…[ pagebreak ]

l’établissement. Cet infirmier avait été accusé de pseudo-fautes directement liées à la baisse des effectifs. D’autant que le lieu de travail était indigne. L’ARS était venue le constater l’an passé. Les conditions d’exercice étaient intolérables pour le 21e siècle. Cet hiver, tout le service a dû être évacué parce que la température était descendue à 12° dans les chambres” souligne Omar Byhia.

Baisse d’effectifs, conditions de travail à la limite de l’insalubrité et dans le même temps, les crédits alloués à la psychiatrie dans la région Nord-Pas de Calais sont bloqués. Pour Vladimir Nieddu, “là est la source du problème”. Il regrette que ce plan d’économie soit “injuste et discriminatoire”. Jeudi 29 juin, il a rencontré Sylvie Le Chevillier, directrice de cabinet du directeur général de l’ARS. “Ils ont cherché à nous faire croire que le plan d’économie serait peut-être annulé, mais sans aucune certitude. Ils se renvoient la balle entre ministère et ARS” explique-t-il. Joint par Egora, l’ARS a tenu à insister sur “l’absence de lien mécanique entre suicide et gel des crédits”. Selon Sylvie Le Chevillier, “l’ARS œuvre à ce que les pouvoirs publics participent au dégel des crédits avant la fin de l’année. Si nous y parvenons, nous réaffecterons ces crédits vers la psychiatrie. Pour le moment, rien n’est certain. A l’échelle régionale, nous n’avons aucune marge de manœuvre financière” souligne-t-elle.

 

Accident du travail

La première solution votée par le CHSCT pour éviter d’autres drames sera de “déplacer les équipes du vieux bâtiment dans le nouveau, en attendant qu’un neuf soit construit”. Cet été, une réunion aura lieu pour déterminer si ce suicide doit être requalifié en accident du travail. “Bien qu’il ne se soit pas donné la mort à l’hôpital, la lettre laissée est explicite quant au lien entre suicide et travail. Selon la jurisprudence, il y a de grandes chances qu’il soit donc reconnu comme étant un accident du travail” souligne Omar Byhia.

Vladimir Nieddu et Omar Byhia craignent que d’autres suicides surviennent dans l’établissement. Le syndicaliste a alerté la direction quant au risque de passage à l’acte d’une salariée fragile. D’autant qu’un employé de l’ESPM s’est donné la mort il y à peine quelques jours. “Ce salarié était malade psychologiquement. Il avait très mal vécu la restructuration de l’établissement” rapporte Vladimir Nieddu. A la direction de l’ESPM, on se passe de commentaires.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi