Fin de la récréation. Il y a moins de 5 % d’ordonnances portant la mention NS, et tout le reste – 95 % – est substituable. Après la publication d’un pourcentage de 22 % d’ordonnances portant la mention NS, issu d’un sondage BVA diligenté sur 200 prescripteurs pour le Gemme (Génériques mêmes médicaments) – un chiffre qui en a surpris plus d’un –  la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a voulu donner ses propres chiffres, issus d’une enquête nationale menée depuis une année à partir des Cpam et portant sur 20 000 ordonnances analysées après tirage au sort aléatoire, dont 12 000 comportaient un médicament du répertoire des génériques. Les ordonnances de renouvellement ont été exclues.

 

Que révèle cette étude nationale ? Qu’on est très loin des 22 %, puisqu’il n’y aurait que 4,8 % des ordonnances ou encore 4,2 % des lignes de produit portant la mention NS. Un autre taux : 2,6 % des ordonnances comportent systématiquement la mention NS devant tout produit génériqué. Le directeur national de la Cnam n’avait-il pas menacé, l’an passé, de “traduire devant l’Ordre” les praticiens qui utilisaient systématiquement la mention NS, en dehors de toute justification médicale ?

 

Attaques

Il n’est plus question de propos guerriers aujourd’hui. La Cnam ronronne : "Il s’agit d’une utilisation peu fréquente. Dans 95 % des cas, il n’y a pas de NS”, s’est félicité ce matin Frédéric Van Roekeghem, le directeur général, manifestement soucieux de calmer le jeu devant l’érosion de la prescription des génériques (72 % du répertoire en 2012 contre 79 % en 2010 sur le répertoire de l’époque, moins fourni il est vrai).

Un recul sans doute lié aux  “attaques” subies par le médicament générique ces derniers temps. Des doutes scientifiques ont été soulevés sur sa bioéquivalence ou les risques d’allergie, couronnés par la publication récente de l’Académie de médecine mettant en garde les prescripteurs contre les risques de “certains génériques”. Selon Gilles Bonnefont, le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), cette étude “surmédiatisée” aurait fait “beaucoup de mal à la diffusion des générique en inquiétant fortement les patients sur leur efficacité et leur sureté”. Et mettant en bout de chaine les pharmaciens d’officine en porte à faux. Pour rappel : un point de substitution égale 15 million d’euros d’économies. Le recours aux médicaments génériques a entraîné plus d’1,4 milliard d’euros d’économies en 2011, et constitue, a souligné Frédéric Van Roekeghem “l’un des enjeux majeurs de l’assurance maladie pour l’équilibre des dépenses de santé”.

 

35 molécules

L’enquête de la Cnam révèle par ailleurs de très fortes disparités. Régionales pour commencer, avec un taux moyen de mention NS par ligne évoluant de 8 % (Basse Normandie) à 1 % (Pays de Loire) – l’Ile de France, le Midi Pyrénées, la Picardie, la Corse et le Poitou-Charente se situant dans la moyenne avec un peu plus de 4 %, sans justification réelle. Disparités “qui interrogent” et démontrent que “des marges de manœuvre existent pour homogénéiser ces pratiques”, signale la Cnam. 

Disparités substantielles également s’agissant des 35 molécules les plus prescrites dans l’échantillon. Le taux de NS  (4 %) y est comparable à celui enregistré dans l’échantillon global, mais les variations sont énormes entre molécules. Elles oscillent entre 0,8 % pour l’ibuprophène et 12,6 % pour le clopidogrel. Quatre molécules enregistrent ainsi un taux de NS supérieur à 8 % : clopidogrel (anti-agrégant plaquettaire, Plavix) à 12,6 %, levothyroxine (hormone thyroïdienne, Levothyrox) à 11,7 %, bromazepam (anxiolytique, Lexomil) à 11,7 %,  chlorhexidine+chlorobutanol (antiseptique local, Eludril) à 9,3 %.

En 2010, l’Afssaps avait mis en garde contre la substitution de la levothyroxine, ce qui peut expliquer le taux important de NS, signale la Cnam. Mais le reste s’explique moins bien : “Certains facteurs peuvent être avancés tels que le marketing ou les démarches commerciales mis en place sur certains médicaments princeps, l’impact de la notoriété du nom ou de l’image de certains médicaments”. Le clopidogrel représente 11,5 millions de boites  et 398 millions d’euros remboursés en 2011. “La diminution du taux de NS lorsque celui-ci n’est pas justifié ou indiqué constitue un enjeu important pour l’optimisation de la juste allocation des ressources de l’assurance maladie” ajoute-t-on à la caisse nationale. 

 

Dérives avérées

L’an passé, GillesBonnefont avait alerté la Cnam devant l’inflation des mentions NS sur les ordonnances. Inflation et usage de tampons fabriqués avec cette mention, ou encore ordonnances automatisées ciglées NS, éditées à partir d’un logiciel adapté…. Qui délivre ces tampons ? Interroge-t-il benoitement aujourd’hui. "Nous avons donné l’alerte car il y a manifestement une organisation. Et nous ne pouvons laisser courir cette propagande" confirme-il.

 

Des engagements réciproques. Interrogé sur ce sujet, Frédéric Van Roekeghem déplore que les “excès et les attitudes systématiques de certains nuisent à la liberté de chacun” et reconnaît que le générique peut remettre fondamentalement en cause des stratégies industrielles. “Sil y a des dérives avérées, nous agirons évidemment” . Il ajoute, sibyllin, que la Cnam “a les moyens de faire remonter les dossiers des NS systématiques, ou tamponnées….” Vers l’Ordre ? "Voyons déjà comment l’Ordre va traiter les 118 dossiers que nous lui avons transmis pour non respect du tact et mesure dans la pratique des dépassements d’honoraires. Jusqu’ici, nous n’avons rien vu venir”, grince le directeur qui ne semble plus faire mystère de l’ambition de la Cnam de s’occuper elle-même de ces excès. Sans le laxisme de la maison d’en face. Dans le cadre de la nouvelle convention pharmaceutique, signé en avril dernier, les syndicats de pharmaciens se sont engagés à une “stabilité de la délivrance des médicaments génériques pour les personnes de plus de 75 ans" (un seul générique en substitution dans la pharmacie de référence). Des pénalités sont prévues en cas de défaut à cet engagement. Ils doivent également développer jusqu’à 85 % du répertoire le taux de substitution. Un  renforcement du dispositif tiers payant contre génériques est également au programme .De leurs  côtés, les médecins se sont engagés conventionnellement  à recourir aux génériques, à travers 5 indicateurs dans le cadre du P4P, le dispositif de paiement à la performance.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne