Le Dr Loos-Maillard est médecin généraliste à Arc-sur-Tille, un village de 3 000 habitants en périphérie de Dijon. Elle se présente aux élections législatives, sous l’étiquette du Modem, dans la troisième circonscription de Côte d’Or. Ce sont les difficultés de certains de ses patients qui l’ont poussée vers la politique.

 

 

 

Egora.fr : comment êtes-vous arrivée en politique ?

Dr Loos-Maillard. En tant que généraliste, je suis tous les jours au contact des problèmes des gens. En consultation, je réalise que le quotidien influe énormément sur leur santé, sur leur état d’esprit, sur leur état psychologique… Les problèmes rencontrés par les mères de famille concernant les gardes d’enfants, ou encore celles qui ont des soucis de travail lorsque leur enfant tombe malade. Tout cela m’a amenée à me poser des questions sur l’organisation de la société. J’ai d’abord été très active dans le milieu associatif local. Je me suis impliquée au niveau des associations de parents d’élèves, par exemple. Par prolongation de cet engagement, je me suis positionnée en politique. Les idées du Modem me parlaient, car je ne me suis jamais sentie ni de gauche, ni de droite.

 

Les deux casquettes, de médecin et de candidat, sont-elles conciliables ?

Ce n’est pas facile, mais avec de l’organisation j’arrive à concilier les deux. Quand on veut on arrive à se dégager du temps. Ces quinze derniers jours de campagne électorale sont intenses. Les nuits sont un petit peu courtes, mais à part cela, ça va. Concrètement, je commence de bonne heure le matin, je m’occupe de mon cabinet. Il y a des petits moments dans la journée où je suis en contact téléphonique avec le candidat qui sera mon suppléant ou des membres de mon équipe pour caler des rendez-vous avec la presse.

C’est vrai que j’ai la chance, en tant que généraliste, de pouvoir moduler mon emploi du temps. Je peux, si je le souhaite me dégager une heure au milieu de la journée pour répondre à des interviews ou faire des communiqués de presse. Ensuite, il y a le terrain, mais dans mon secteur les marchés ont lieu le week-end et les réunions publiques sont le soir, donc je peux travailler la journée. Par rapport à d’autres, j’ai quand même fait le choix de cibler les communes les plus emblématiques afin de pouvoir gérer mon cabinet. Je ne peux pas me permettre de fermer à 18 h tous les jours pour faire toutes les petites communes.

 

Si vous êtes élue, comment ferez-vous ?

A ce moment là, il faudra une réorganisation. Je prendrai un remplaçant pour mon cabinet, mais je pense que je garderai toujours au moins une journée de consultation par semaine pour garder ce contact avec mes patients. Quelque part, ils m’inspirent. Je ne veux pas laisser tomber les patients qui m’ont fait confiance. De plus, cela me permettra de garder un pied dans la vie civile et de ne pas faire de la politique mon second métier. Je ne veux pas avoir d’obligation absolue de réélection parce que je n’aurais plus le choix. Je ne veux pas être complètement dépendante de la vie  politique.

 

Comment vos patients réagissent à votre candidature ?

Pour le moment, ils le prennent bien. Il y a quatre ans, j’avais déjà été en campagne pour les cantonales, donc ils ont déjà connu cela. Ils font bien la part des choses. Et puis, ils me connaissent, de par mon ancienneté dans la vie associative du village. Pour l’instant, il y a plutôt une adhésion. C’est vrai que le Modem n’est pas… [ pagebreak ]

un parti qui entraîne le rejet. Il n’y a jamais eu d’animosité avec des patients d’autres partis. On discute, en toute simplicité. Cela n’influe pas sur le fait qu’ils me fassent confiance sur le plan médical. Pour l’anecdote, un de mes patients m’a une fois dit en plaisantant “On a un dilemme docteur. Parce que si on vote pour vous, on va perdre notre médecin !”

 

Est-il important qu’il y ait des médecins à l’Assemblée nationale ?

Sur un plan général, je pense qu’il serait important que toutes les catégories socio-professionnelles soient représentées. Notre Assemblée n’est pas assez représentative de la vie civile de la nation. Il faudrait une représentativité beaucoup plus large. Certaines catégories socio-professionnelles ne sont jamais représentées. Il y a une sur-représentation de gens issus du public et une sous-représentation de ceux du privé. C’est beaucoup plus compliqué pour eux de revenir travailler une fois qu’ils ne sont plus élus. Sinon, je pense que oui, il est important qu’il y ait des médecins au Parlement. Ils apportent une expérience du terrain des problèmes socio-économiques et socio-démographiques.

 

En tant que médecin à l’Assemblée, quelles seraient vos priorités ?

Il y en a plusieurs. Elles ne concernent pas forcement les médecins, mais l’organisation de la médecine en général. Ma pratique quotidienne me prouve que nous sommes arrivés au bout d’un système. Il va falloir remettre à plat notre système de santé. Il faudra réunir tous les acteurs autour de la table. Les médecins bien sûr seront partie prenante, mais cela concernera la population dans son ensemble. Je ne vais pas œuvrer que pour les médecins. Connaître le métier de l’intérieur me permet de comprendre les blocages, les attentes, mais il ne faudra pas oublier que la santé publique est une politique plus large. Je ne suis pas là pour faire du corporatisme. Dans le même temps, je pense qu’il faut réorganiser ce système de santé autour du médecin généraliste. Il faut une revalorisation de son rôle central au sein de notre système de soins.

Tous les problèmes de santé seront une priorité parce qu’actuellement rien n’est réglé sur l’organisation de la santé en France par rapport aux déficits de nos comptes sociaux. Il y a aussi un chantier énorme, dont personne n’a parlé pendant la campagne présidentielle, et qui n’est pas réglé non plus, c’est le problème de la dépendance. Il faudra aussi faire une réforme de la psychiatrie. Sur le terrain, le système est en déshérence complète.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi