Les médecins du Languedoc Roussillon sont sur-boo-kés  et harassés : 61 % des généralistes de la région, 71 % des généralistes en Lozère sont en surcharge de travail, le bilan est terrible… Voilà pourquoi les patients se plaignent de rester trop longtemps dans la salle d’attente avant d’être reçus par le généraliste. Voilà pourquoi ils renoncent à aller voir un spécialiste de ville, tant le délai avant un rendez-vous est long…  

 

Telles sont en effet les premières raisons pour lesquelles les patients renoncent aux soins, en Languedoc-Roussillon, raisons citées avant même l’aspect financier lié à la lourdeur du reste à charge. Les résultats de la grande enquête menée par l’Union régionale des professions de santé (Urps) du Languedoc Roussillon l’an passé ont surpris et bousculé les idées reçues*. Etonnés au point que son président, Jean-Paul Ortiz, décidait de lancer un deuxième volet en miroir** : le ressenti des médecins généralistes et spécialistes surbookés face à cette impatience  des malades. Ses résultats ont été présentés lors des premières rencontres pour une santé durable, organisées par l’Urps ce samedi 26 mai à La Grande Motte (34).

 

Surcharge de travail

Et là encore, on est sonné. Car si les patients souffrent, que dire des médecins ? Ils sont harassés : 61 % des médecins généralistes et même 71 % en Lozère, 42 % des médecins spécialistes évoquent une surcharge de travail. On ne recense que 28 % de médecins généralistes dotés d’un secrétariat, et pour certains, il n’est que téléphonique… Les spécialistes sont un peu mieux lotis, avec un pourcentage de 62 %.  “Ces résultats sont affolants, commente le Dr Ortiz. Les médecins travaillent beaucoup trop, il y a une surcharge de travail généralisée liée à une pauvreté inquiétante de ce que je nomme l’environnement support, le secrétariat. Voilà pourquoi les médecins se plaignent de la paperasse, des journées qui n’en finissent pas. C’est grave, car derrière cela, il y a le burn-out. Une commission y travaille à l’Urps, et l’ordre se penche aussi sur le sujet”. Pour les médecins, les raisons pour lesquelles les patients renoncent aux soins sont le poids du reste à charge (ressenti des généralistes) ou de la longueur du trajet (opinion des spécialistes). 

La mobilisation est d’autant plus de mise que les perspectives démographiques dans la région sont sombres, et inquiètent  fortement les médecins libéraux. On sait en effet que la densité moyenne des médecins libéraux chutera de 29,8 % d’ici 2030… Or, le ressenti est déjà douloureux : aujourd’hui, 44 %  considèrent que les médecins manquent dans leur secteur géographique. A un horizon de cinq ans, 76 % des généralistes et 71 % des spécialistes estiment qu’il y aura pénurie médicale. Que faire ?

“La solution, c’est le regroupement sous toutes ses formes”, explique le Dr Ortiz qui défend cet argumentaire en tant que président d’union, et syndicaliste aux responsabilités nationales, à la Csmf.  Aujourd’hui, 76 % des généralistes et 67 % des spécialistes privilégient cette option, ou encore la collaboration avec un associé, choisie par 47 % des généralistes et 51 % des spécialistes.“Il faut envisager toutes les solutions permettant aux médecins de se libérer des charges administratives, créer un environnement où ils sont aidés par un secrétariat , entourés de paramédicaux. Il faut des moyens. Ce ne sera pas facile, mais il faut se lancer sinon ils ne pourront pas s’en sortir”, conclu-t-il.

 

Se regrouper, mais comment ?

Des solutions concrètes ont déjà été expérimentées en Languedoc Roussillon.

. Le Dr Stéphane Lust qui dirige une clinique de radiologie à Montpellier, a mis en place la téléradiologie, valable en interne et en externe. Les patients de Lozère par exemple, où l’on ne compte que 96  médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 140 dans l’Hérault, en sont les premiers bénéficiaires.

. Une expérimentation de covoiturage a été mise en place sur la région par la Fédération nationale des transports sanitaires, sous l’impulsion de son président Thierry Schifano. Elle permet de réduire les délais d’attente avant prise en charge et acheminement des malades.

. Une expérimentation de transfert de tâches a été organisée entre médecins ophtalmologistes et orthoptistes, de manière à pouvoir absorber les effets du vieillissement de la population. Au résultat, le délai d’attente reste toujours le même alors que les demandes vont croissant.

. Une maison de santé pluridisciplinaire s’est ouverte à l’initiative du Dr Christian Védrenne, élu de l’Urps. Le nombre de médecins à Saint-Paul-de-Fenouillet (66) avait chuté de 6 à 3 en une année. Les professionnels de santé acquittent un loyer au prorata de leur présence, le patient bénéficie d’un parcours de soins avec unité de lieu en prime. Une trentaine de projets comparables existe à ce jour, six maisons de santé sont sur le point d’ouvrir.

. Une maison de spécialistes cliniciens a ouvert ses portes à Nevers (58 Bourgogne)

. Un parcours de soins a été organisé du côté des chirurgiens, sous l’impulsion du Dr.  Jean-Luc Baron, président de la Confédération nationale des présidents de CME de l’hospitalisation privée, chirurgien plasticien et esthétique dans l’Hérault. Un médecin correspondant placé auprès des patientes atteintes d’un cancer du sein, assiste les malades du diagnostic à la reconstruction et coordonne la totalité du parcours.

 


* sondage téléphonique réalisé pour l’Urps Languedoc Roussillon en juin 2011 auprès de 1006 personnes

** enquête CSA effectuée auprès de 498 médecins libéraux de la région, dont 253 et 245 spécialistes, dans le but de confronter la perception des médecins à celle des patients.


Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne