Permanence des soins, réquisitions… Ces mots font encore et toujours frémir les médecins généralistes, nombreux à devoir ouvrir leurs portes aux gendarmes pour recevoir leur réquisition préfectorale.

 

"La PDS, c’est une idée farfelue. Moi j’assure la permanence des soins dans mon cabinet de 8h à 19h. Ensuite il y a les urgences, mais c’est autre chose. Je pense que la PDS, c’est justement pour traiter les fausses urgences. C’est une solution de commodité pour des patients qui sont trop occupés la journée et qui sont des consommateurs de soins". Le Dr Raymond Marciacq, de Rouen en Seine Maritime, a toujours été contre la PDS. Il a quand même fait quelques gardes, "pour voir ce que c’était".

 

Faible bénéfice

Résultat : "une à deux consultations dans la soirée, un nez qui coule ou un petit 38° de température". Ce généraliste n’est pas volontaire pour effectuer des gardes. Il a écrit au procureur de la République et au président du Conseil de l’Ordre pour le leur signifier, ce qu’il trouve invraisemblable. "L’Ordre renverse les choses. Plutôt que de lever le doigt lorsque l’on est volontaire, on doit prévenir quand ce n’est pas le cas", s’insurge-t-il.

Comme lui, d’autres médecins ne se portent pas volontaires à la permanence des soins. C’est le cas du Dr Serge Segu, de Chateaudun (Eure et Loire) . Il est contre ce système qui d’après lui "coûte beaucoup d’argent pour un bénéfice faible".  Malgré ce choix, il est inscrit au tableau de garde et donc très régulièrement réquisitionné. "Au final, je fait autant de gardes que les médecins volontaires mais au moins je dis ce que je pense", clame le généraliste. Une situation aberrante qui a conduit le Dr Segu à porter plainte contre le préfet de son département pour illégalité des réquisitions. En attendant le verdict, il se plie aux gardes, nombreuses depuis le début de l’année.

 

Bilan anecdotique

"J’ai été réquisitionné au minimum une fois par mois, plus deux week-ends depuis janvier. Les nuits de février et de mars, je n’ai fait aucun acte. J’ai été appelé une fois en janvier et une fois en avril, mais c’était pour des certificats de décès" constate-t-il. Pour lui, il faudrait éduquer la population à ne plus avoir de permanence des soins. Le bilan de la PDS dans sa ville est anecdotique. En 2010, il y a eu en moyenne 0,34 actes par semaine et 3,87 actes les week-ends. "En Angleterre la PDS n’existe pas et la morbidité n’a pas augmenté", explique le pratcien avant d’ajouter : “d’autant que le Samu ne fait qu’une à deux sorties par jour”.

Tant que les gardes ne sont pas jugées illégales par le tribunal administratif qui examinera sa plainte contre le préfet d’Eure et Loire, le Dr Segu se plie aux réquisitions, par crainte de recevoir une amende de 3750 euros par refus. A l’inverse, le Dr Marciacq a décidé de ne pas se soumettre, "toujours en connaissance de cause". [Ecoutez le témoignage sonore pour plus de détails]

 

Un mois de suspension immédiate

Malgré des réquisitions jugées illégales, certains médecins ont payé cher leur refus auprès de l’Ordre. C’est le cas du docteur Xavier Tarpin, de Brignais dans le Rhône. Il a écopé en janvier 2011 d’un mois de suspension immédiate pour une réquisition refusée en 2007. Des refus liés en partie au problème d’assurance des généralistes lors des gardes. Le Dr Marciacq, très au fait de cette problématique, explique : "Dès que nous faisons une garde, nous ne sommes plus assurés. Quand nous sortons de l’exercice habituel du cabinet, les assureurs ne sont plus concernés". Depuis sa sanction, le Dr Xavier Tarpin a décidé de se pourvoir devant le Conseil d’Etat.

En fait, des syndicats médicaux et l’Ordre des médecins demandent que l’établissement public de santé hébergeant la régulation des appels se charge d’assumer le coût de cette couverture assurantielle publique, qui permet  une prise en charge en cas de dommage subi.  L’Ordre des médecins s’est d’ailleurs  vivement élevé contre une situation qu’il juge inconcevable en regard de la mission de service publique assumée par le médecin généraliste, appelé par la régulation pour se rendre en visite chez un patient. En novembre dernier, l’institution a  interpellé le gouvernement sur ce sujet en se disant très impatient de sa réponse. Mais celle-ci n’est pas intervenue à ce jour. Quant à la Macsf, l’assureur des professions de santé, elle a tenu à cette occasion à faire savoir que les médecins intervenant durant la PDS étaient couverts par l’hôpital, c’est-à-dire l’établissement public de santé hébergeant la régulation des appels  en cas de dommage causé. Mais qu’en cas de dommage subi (un accident de la route par exemple), le relai devait être  pris par leur assurance voiture ou leur contrat de prévoyance (à condition qu’ils en aient souscrit un à leurs frais). Ou bien encore,  précisait la Macsf, “par les contrats garantissant contre ces événements, sans se soucier des circonstances.”

Si tous ces généralistes récalcitrants à la PDS sont si exaspérés, c’est aussi parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient se soumettre à des gardes qui ne concernent pas les spécialistes. "Dans l’arrêté de réquisition il est spécifié manque de médecins libéraux volontaires et non médecins généralistes"  tempête le Dr Segu avant d’ajouter : "la nuit, on devient omnipotent alors que le jour, il y a les spécialistes. Eux aussi devraient être réquisitionnés".

Malgré les nombreuses réquisitions jugées illégales, les médecins continuent à ouvrir leur porte aux gendarmes. Le Dr Marciacq espère que de plus en plus de médecins signeront un refus sur la feuille tendue par les forces de l’ordre, avant de conclure : "le problème, c’est que beaucoup de médecins font les gardes parce qu’ils ne savent pas qu’ils peuvent ne pas les faire". 

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi