Rassemblés en Assemblée Générale mercredi soir, les internes de Haute-Normandie ont décidé de prolonger leur préavis de grève d’une semaine. Ils réclament 16 postes de post-internat supplémentaires. L’Agence régionale de santé (ARS) de Haute-Normandie en avait promis 7 de plus mais à finalement décidé de changer d’avis la semaine dernière après l’annonce d’un premier préavis de grève. Vendredi, une plainte a été déposée à l’encontre de l’ARS pour excès de pouvoir.
"L’an passé, il y avait 44 postes d’assistants spécialistes régionaux. Cette année l’ARS a décidé d’en supprimer 18, sachant que le nombre d’internes en Haute-Normandie ne cesse d’augmenter. On se retrouve donc avec 16 internes qui vont surement devoir changer de région pour trouver un poste". Maxime Patout, président de la fédération associative des internes de Rouen (FAIR), est révolté.
Le serpent se mord la queue
“Ces postes permettent de fixer les internes dans la régions. Si on les supprime, les internes iront ailleurs. C’est vraiment incompréhensible, on nous demande de rester en Haute-Normandie, où la densité médicale est faible, mais il n’y a pas de place. C’est le serpent qui se mord la queue” tempête l’interne.
Les assistants spécialistes régionaux (ASR) ont des prérogatives similaires aux chefs de clinique. Leur financement est en revanche différent. Les assistants spécialistes sont financés par les ARS et par les hôpitaux qui les emploient. Ces postes permettent aux internes qui n’ont pas envie de s’installer tout de suite après leur internat d’approfondir leur formation tout en exerçant dans les hôpitaux de Haute-Normandie. Ils permettent aussi de valider le diplôme d’étude spécialisée complémentaire (DESC), obligatoire dans certaines spécialités.
Abus de pouvoir
Ce dispositif de post-internat est essentiel dans la région car il permet de fixer des médecins dans des zones très faiblement dotées. L’ARS admet même dans un communiqué que "60 à 75 % des assistants spécialistes, selon les spécialités, se sont installés en région Haute-Normandie à l’issue de la période de post-internat, dans les précédentes années". Malgré cela, seuls 26 places sont proposés alors que 44 internes ont fait une demande de poste d’ASR. 16 d’entre eux ont donc été déboutés.
Face à la révolte des internes, l’ARS a décidé, en avril dernier, d’ajouter 7 places d’assistants spécialistes régionaux. Un acte de générosité qui n’était pas financé par l’ARS elle-même, mais par une hausse de la participation des hôpitaux. Une augmentation du nombre de postes jugée insuffisante par les internes.
Le 27 avril dernier, ils ont donc déposé un préavis de grève. Une démarche qui a fortement agacé le président de l’ARS de Haute-Normandie, Claude d’Harcourt. "A la suite de l’annonce de notre préavis, l’ARS a décidé de supprimer les 7 postes supplémentaires" dénonce Maxime Patout. Une démarche ahurissante pour les internes qui reprochent au président un abus de pouvoir. Mercredi 2 mai, un nouveau préavis de grève d’une semaine a été déposé.
"Au mitard pendant un mois"
Vendredi, les internes se sont rendus au tribunal administratif pour porter plainte contre l’ARS pour excès de pouvoir. D’après Maxime Patout, Claude d’Harcourt, ancien directeur de prison, a une manière très personnelle de gérer la crise : "Je pense qu’il veut entrer en conflit avec nous. Il veut nous mettre en grève, nous épuiser, puis nous faire craquer. C’est un peu son éducation pénitentiaire qui ressort. Il met les gens au mitard pendant un mois" s’énerve l’interne. Car malgré de nombreux appels, impossible d’obtenir un rendez-vous avec le président de l’ARS. Egora.fr a aussi essayé de joindre Claude d’Harcourt, mais d’après sa secrétaire, il ne répond pas aux questions, tout comme le service de communication qui n’a toujours pas rappelé la rédaction.
La situation est d’autant plus aberrante que quatre internes qui ont besoin de ce poste d’ASR pour valider leur diplôme d’étude spécialisé complémentaire se retrouvent le bec dans l’eau. C’est notamment le cas d’Anne-Priscille Trouvin. Cette interne en rhumatologie a besoin d’au moins un an d’ARS pour valider son DESC sur la prise en charge de la douleur.
"Incertitude"
Aujourd’hui, la jeune femme est angoissée : "je ne sais pas ce que je vais devenir, cette grosse incertitude est très désagréable" déplore-t-elle avant d’ajouter que "la personne qui coordonne l’équipe du centre de la douleur à Rouen dans laquelle je travaille n’a pas compris le refus de l’ARS”. En attendant, Anne-Priscille Trouvin ne reste pas les bras croisés. “Je suis en train d’essayer de trouver un financement par le biais du ministère pour pouvoir valider ma spécialité. Si ça ne marche pas je vais devoir aller ailleurs” se désole la jeune femme qui n’a pas envie de quitter l’équipe dans laquelle elle travaille.
“Il faut aller très vite. Si rien n’est fait dans un mois, les internes auront trouvé du travail ailleurs et quitteront la Haute-Normandie” explique encore Maxime Patout. La rentrée est prévue en novembre, et si certain doivent changer de région, ils ne pourront attendre éternellement des augmentations de postes. "Les internes qui postulent pour être ASR sont en fin d’internat. Ils ont souvent une famille. C’est très compliqué de devoir tout quitter pour changer de région", conclut Maxime Patout.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi