Omid Rahimi est un jeune médecin généraliste afghan désireux de réorganiser le système de soin de son pays. Depuis 7 mois, il a rejoint les rangs de la fac de médecine de Rennes, ou il prépare un master de santé publique. Rencontre.

 

"Je suis originaire de Kaboul. Depuis mars 2011, je suis médecin généraliste là bas. Il y a une très grande différence entre la médecine en France et celle pratiquée en Afghanistan. Dans mon pays, on ne respecte pas l’éthique médicale. Les praticiens se moquent des règles. Je trouve qu’on n’y pratique pas correctement la médecine. Si je suis venu en France, c’est pour suivre le master de Santé publique de la faculté de Rennes, dirigé par le professeur Eric Bellisant. J’y suis depuis 7 mois. J’ai déjà validé mon premier semestre.

 

Aucune statistique

Je retournerais à Kaboul fin 2013. Je n’y exercerais pas la médecine générale. Je préférerais travailler dans les organisations administratives. J’aimerais participer à la reconstruction du système de soins. Nous avons beaucoup de médecins en Afghanistan, mais personne pour les encadrer. Il n’y a aucune statistique pour connaître les taux de mortalité par exemple. Nous n’avons aucun chiffre, mais uniquement des hypothèses. Beaucoup de maladies sont éradiquées partout dans le monde, mais pas en Afghanistan. Des gens meurent encore de diarrhée ou de rougeole. Une bonne organisation du système de soins pourrait permettre de sauver des vies et de faire baisser la mortalité des femmes et des enfants.

C’est pour toutes ces raisons que je suis venu me former en France. Car en Afghanistan, le master de santé publique n’existe pas. Cela n’a pas été simple de pouvoir l’intégrer. J’ai obtenu une bourse de l’Etat français. Nous sommes 26 étudiants afghans dans ce cas, tous métiers confondus, dont deux en médecine. Le Dr Paul Le Meut, ancien directeur du département de médecine générale de la fac de Rennes nous a beaucoup aidé, par le biais de l’association Darah. Il fallait notamment avoir des contacts directs avec les universités françaises.

 

Plus de religion que de médecine

J’ai choisi d’étudier en France car c’est une langue que j’avais apprise lorsque je faisais mes études de médecine. Nos cours en Afghanistan sont différents de ceux que je reçois en France. Depuis la chute des talibans, nous avons un système très inspiré du modèle américain. Nos cours théoriques ne durent que 50 minutes et contrairement à la France, nous n’avons pas de cours magistraux. 

Les talibans sont tombés lorsque j’étais en Terminale. J’ai donc eu la chance de ne pas avoir à suivre mes études lorsqu’ils étaient au pouvoir. Pendant cette période, les étudiants en médecine avaient plus de cours de religion que de médecine. Les femmes n’étaient pas admises. C’était donc très compliqué pour elles de se soigner. Certaines femmes enceintes refusaient de se faire suivre par un médecin de sexe masculin. Elles préféraient être vues par d’autres femmes qui, elles, n’étaient pas médecin. Heureusement que les talibans n’ont été à la tête de l’Etat que sur une courte durée. Ils n’ont pas réussi à former des médecins de la première à la dernière année. En revanche, je dois admettre que pendant cette époque, il y avait un certain respect pour les médecins.

 

Reconstruction

Depuis que j’ai intégré le master de santé publique, l’exercice de la médecine me manque, bien que mes travaux de recherche me passionnent. J’ai donc demandé à faire des stages, comme mon camarade afghan qui étudie à la fac de Lyon. Lui aussi est médecin en Afghanistan et pourtant, lors de ces stages, il n’est qu’un simple observateur. Exercer en France me plairait, mais il y a beaucoup d’empêchements administratifs. Il faut passer plusieurs examens. Et puis, comme dit le Dr Le Meut, le but de ces bourses c’est que nous puissions rentrer dans notre pays pour y développer des nouvelles compétences. J’aimerais vraiment participer à la reconstruction du système de soins en Afghanistan. Je suis optimiste. Je sais que nous allons y arriver."

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi