Sur son profil Twitter, elle se présente comme une "repentie des urgences". Rencontre avec Anais Blassier, médecin généraliste récemment installé au fin fond de l’Ariège.

 

L’Ariège. Ses montagnes verdoyantes, ses rivières, ses moutons et … Anais Blassier, médecin généraliste de 40 ans au caractère bien trempé. Maman de trois enfants, elle plaque les urgences après 5 ans de fidèles et loyaux services pour s’installer en libéral, toute seule et en pleine campagne. "J’ai un sale caractère et je ne supportais plus la hiérarchie hospitalière", résume-t-elle.

 

Déficit chronique de médecins 

Un parcours atypique qui a commencé dès les études. D’abord étudiante en biologie, elle se réoriente sur le tard vers les études de médecine. Là, elle fait un stage chez un médecin généraliste très rural. "Du pur bonheur, raconte-t-elle, je l’ai beaucoup remplacé et je me suis régalée pendant toute la durée du stage".  Elle décidera pourtant de ne pas de s’installer à la fin de l’internat. "Je venais de divorcer et je me suis retrouvée à élever toute seule mon petit garçon, je ne me sentais pas de me lancer dans un tel projet".

La solution du remplacement et ses horaires irréguliers ne lui conviennent pas non plus ; va donc pour le service des urgences au Centre Hospitalier du Val d’Ariège, avec son lot d’excitation et d’adrénaline… Mais aussi sa hiérarchie, ses gardes, ses horaires décalés, sa fatigue et son déficit chronique de médecins : "Il n’y avait que très peu de réunions de service, une fois tous les six mois. On était toujours à 150 %, mais on ne faisait pas de recherche, pas de protocole, pas de formation… Au final, ce n’était plus très motivant", se souvient-elle. 

 

Au cul des vaches

Deux nouveaux enfants viennent  à naître et les congés maternité sont difficiles à négocier. Avec un compagnon aide-soignant lui aussi salarié aux urgences, les emplois du temps se compliquent et le choix de s’installer en libéral s’impose. "J’ai eu un peu peur de m’ennuyer au début, reconnait l’ex urgentiste, car je me suis dit que je n’allais plus faire de gestes techniques. Mais au final, le travail psychologique avec les patients est tout aussi intéressant. Pour bien les soigner, il faut toujours essayer de comprendre ce qu’ils veulent : un simple conseil ? Une prescription médicamenteuse ? Un suivi plus lourd ?".

C’est volontairement que cette consœur ne prendra  pas d’associé, soucieuse de sa liberté.  Elle n’exerce pas en zone déficitaire et ne se sent pas isolée : les spécialistes du coin l’aident spontanément quand elle rencontre un problème. Installée depuis deux ans et demi à Saint Pierre de Rivière, petite commune de 665 habitants, Anais Blassier n’aurait de toute façon et pour rien au monde voulu exercer son métier en ville. Elle n’est pas née au cul des vaches, mais le constat est sans appel : là où elle exerce, la patientèle est beaucoup moins volatile et bien plus respectueuse que dans les grosses agglomérations.

"En milieu rural, les gens sont adorables. Ils ne vous agressent pas, ne vous dérangent que pour des choses vraiment importantes, pas parce qu’ils ont oublié de renouveler leur certif pour le lendemain ou je ne sais quoi. Et quand ils vous donnent leur confiance, c’est toute la vie, parfois sur cinq générations."

 

"Merci docteur !"

Un retour humain qui constitue sans doute sa plus grande satisfaction : "à la fin d’une consultation, un patient sur deux me dit : oh merci docteur !, même lorsque je leur fait un simple arrêt de travail ou que je les laisse juste pleurer pendant 20 minutes. En cinq ans d’urgence, les merci se comptent sur les doigts d’une main, alors qu’on sauve des vies".

Des urgences, elle ne regrette rien, sauf le café avec l’équipe et les soirées pyjamas entre copines. La paperasse administrative lui pèse parfois, surtout quand elle doit revenir au cabinet le dimanche pour s’en occuper. Mais rien de bien méchant. Forte d’une petite patientèle de 4oo personnes, Anais Blassier travaille quatre jours sur sept, prend une semaine de congé à chaque vacance scolaire et savoure ses jours fériés. Une femme de ménage et une remplaçante l’aident à faire tourner son cabinet.

« Je ne suis pas comme ces médecins bourreaux du travail qui font du 8h/20h. Je ne serais jamais riche, mais les jours où je bosse, je le fais à fond et je rapporte de l’argent. Pour le reste, je le réserve à mon projet familial. J’ai une maison et deux voitures. C’est vraiment ça, le gros avantage du libéral. On est maître de ce que l’on veut et de ce que l’on fait, on fixe ses horaires. Dans nos métiers, c’est rare». Si elle devait convaincre des petits jeunes qui ne jurent que par l’exercice en groupe et hésitent à s’installer, voila ce qu’elle leur dirait.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Mathilde Debry