Financement coupé pour plusieurs réseaux de santé : pour construire le Sros ambulatoire de Basse-Normandie et rationnaliser les dépenses, l’Agence régionale de santé (ARS) a tranché dans le vif.

 

D’abord, il y a eu quatre réseaux de santé Bas-normands consacrés au diabète, fermés en 2011 par l’Agence régionale de santé (ARS). Puis le tour est venu du réseau de gérontologie Presage, tandis que le ciel se couvrait  pour le réseau de santé du Bessin. Et maintenant, c’est le réseau obésité du Calvados (ROC), construit en 2006 dans le sillage du plan national nutrition santé (Pnns, une priorité nationale), qui serait menacé de ne plus recevoir de financements au-delà du mois d’avril prochain. Cette  éventualité sème l’émoi parmi les 1 860 patients suivant un programme de soin dans le réseau, les 216 médecins libéraux et hospitalier qui y adhèrent, avec les 20 diététiciennes, les 41 psychologues libéraux et les 7 associations d’éducateurs sportifs.

 

"Beaucoup d’intox"

Une importante manifestation de patients s’est déroulée hier lundi, devant l’ARS (avec reportage dans la presse locale). Du coup, le directeur de l’ARS Pierre-Jean-Lancry a fixé un rendez-vous aux dirigeants de ROC au 8 mars prochain. "J’ai entendu des hurlements de protestation de la part de gens qui ne m’ont pas laissé exposer mes arguments. Il y a beaucoup de mauvaise foi, beaucoup d’intox…" soupire l’ancien directeur national de caisses d’assurance maladie.

"Les gens – essentiellement de très gros obèse aux pathologies associées – se sentent bien dans ce réseau, çà marche bien, nous avons de supers résultats. Cette décision est opaque, obscure" rétorque Catherine Echerbault, la directrice de ROC, qui redoute de devoir  licencier quatre personnes. "Une évaluation d’impact de ce réseau – diminution du poids à un an – a montré de meilleurs résultats que celles publiées dans de nombreuses études nationale et internationales" appuie le bureau de l’Union national des réseaux de santé (Unrs), qui soutien ROC et fustige l’ARS de Basse-Normandie. L’union accuse l’agence de mener "une politique injustifiable de fermeture systématique des réseaux de santé, sans alternative pour la politique de santé régionale, ce qui ne peut laisser sans réaction les responsables nationaux de la politique de santé".  

ROC organisant bien sa campagne médiatique de riposte, les élus locaux ont été saisis du problème, les candidats à la présidentielle devraient l’être également, tandis que l’Unrs demandait un rendez-vous à la direction générale de l’offre de soins (Dgos) au ministère de la Santé. Un Guide méthodologique de la Dgos sur l’évolution des réseaux de santé est en effet en préparation et l’Unrs estime "légitime qu’aucun réseau ne soit l’objet de mesures aboutissant à une fermeture sans prise en compte du guide".

 

"D’une nullité affligeante"

Un souhait qui vaut pour la Basse Normandie, comme  pour toutes les régions susceptibles de connaître le même sort. Car les finances de l’assurance maladie étant ce qu’elles sont, tous ses gestionnaires sont priés de ratio-na-li-ser. Et l’élaboration du Sros ambulatoire, avec sa partie prévention, a cristallisé le problème.

Et voilà pourquoi Catherine Echerbault ne comprend rien: l’évaluation externe de ROC ayant été positive en 2009, elle avait  obtenu une garantie de financement du Ficqs (Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins) jusqu’en 2014. Mais l’ARS lui fait savoir par courrier que celui-ci n’était garanti que jusqu’au 30 avril 2012. "L’ARS a l’intention de constituer une plate-forme d’éducation thérapeutique qui concernerait le diabète et l’obésité. Pourquoi pas ? Mais nous pratiquons aussi le suivi psychologique, la coordination des soins pluridisciplinaires. Qui va prendre cela en charge ? Il faut du temps. Nous voulons conserver au moins ce volet-là". Ce réseau répond à un vrai besoin de santé sur le territoire, ajoute-t-elle, et les médecins sont bien contents de lui adresser leurs grands obèses, qu’ils ne savent pas trop comment soigner.

Catherine Viard est un médecin généraliste libéral qui avait l’habitude d’adresser ce type de patients au réseau, après avoir rempli un long questionnaire avec eux  – tâche rémunérée forfaitairement jusqu’à ce que cette gratification s’interrompe il y a un an. "C’est désolant pour les patients, car ils étaient très demandeurs d’une prise en charge. La proposition de l’ARS est d’une nullité affligeante. Ces fameuses plate-forme ne sont pas encore en place et l’on sait que pour l’hyper-tension de Basse-Normandie, le service se fait sans professionnels de santé". Selon le Dr Viard, l’ARS voudrait  amener les patients du réseau obésité à consulter des psychiatres de ville ou aller dans des centres médico-psychologiques. "Ce qui sous-entend six mois d’attente pour un quart d’heure de rendez-vous en ville. Et en CMP, ils ne savent pas ce qu’est la thérapie comportementale…" critique cette consoeur qui redoute une mauvaise prise en charge des patients alors qu’ils obtenaient des résultats dans le cadre de ROC. "L’ARS veut supprimer tous les réseaux !" affirme-t-elle.

 

Tout s’ouvre

Tous ces gens-là vont-ils donc se retrouver dans la nature ? "Non, évidemment", s’agace Pierre-Jean-Lancry. Il ajoute : "Les personnes en cours de programme de soin vont le continuer. Mais il est de mon devoir de mettre en place une réflexion régionale cohérente. Ces réseaux, qui souvent étaient sur le même pallier ne se parlaient pas, ne communiquaient pas entre eux. Il faut une cohérence dans la gestion des ressources. L’ARS ne doit pas financer quatre fois certaines fonctions support. Il faut mutualiser les ressources, et les coordonner". D’où l’idée d’associer les réseaux diabète et obésité dans la même plate-forme d’éducation thérapeutique, qui aura vocation à rayonner dans toute la région.

"Il faudra aussi mettre de l’homogéniété dans la définition des programmes". Bref, pour Pierre-Jean Lancry, rien ne se ferme autoritairement, mais au contraire, tout s’ouvre. "Il est prématuré de parler de licenciements, les gens font l’hypothèse que demain, tout s’arrête, mais ce n’est pas mon option. Jamais les réseaux de santé n’ont eu un financement pérenne. L’ARS Nous ne peut  plus financer des micro-structures mal organisées. Il faut donc redéfinir leur organisation".

"Ces orientations prouvent que nous n’avons plus les moyens de payer une politique de santé de qualité, regrette le Dr Viard, les propositions de l’ARS ne répondent pas à la question. Elle font reculer le niveau médical français".

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne