Les récentes prises de positions des candidats à la présidentielle ont fait de l’euthanasie l’un des sujets santé phare de la prochaine élection.
Alors que François Hollande faisait début février un pas supplémentaire vers l’aide active à mourir en proposant "que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité", Nicolas Sarkozy lui répondait dans son entretien pour le Figaro magazine que "l’euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux et serait contraire à notre conception de la dignité de l’être humain", cristallisant à dessein le débat entre les valeurs de droites et de gauches.
Calculs et stratégies
"Les candidats à la présidentielle veulent sortir des questions économiques trop générales et cherchent des points de différenciation sur des thématiques de société plus clivantes, telle que l’euthanasie ou le mariage gay", décrypte Philippe Breton, politologue et expert en communication. Il y en a somme toute assez peu et parmi elles, "l’euthanasie est un thème de campagne idéal pour cela, car il ne mange pas de pain. Qui s’intéresse à la fin de vie fait preuve de compassion et entre dans un registre émotionnel qui touche les électeurs. Qu’il se prononce pour ou contre, le candidat est forcément gagnant". Tandis que François Hollande, très populaire, a tout intérêt à aligner ses positions sur le dernier sondage BVA qui indique que 84% des électeurs français sont favorables à ce que l’euthanasie soit dans certain cas autorisée en France, le président sortant gagne, en réaffirmant les siennes, à reconquérir l’électorat conservateur qui fit sa victoire en 2007.
Stratégies et calculs électoraux obligent, Gaëtan Gorce, député PS et ancien participant à la mission Leonetti réunie en 2008, aurait pour sa part préféré que cette problématique ne soit pas posée pendant l’élection présidentielle. "C’est une bonne chose que les candidats se positionnent sur le sujet en tant que personne. Mais l’euthanasie est un débat de société qui doit faire progresser humainement les choses, et en aucun cas une notion qui doit être utilisée pour faire gagner un camp contre l’autre. Si le débat n’est pas organisé de manière sérieuse, cette question législative complexe risque d’être caricaturée et d’amener à des prises de positions trop tranchées, ce qui serait catastrophique."
Une inquiétude partagée par des députés de droite comme du centre. "Il s’agit d’un débat apolitique. Je ne pense pas qu’il faille en faire un clivage politique pour avancer", souligne le sénateur UMP Alain Fouché, à l’origine d’une proposition de loi en faveur d’une aide active à mourir en 2008. Côté Modem, on déplore aussi la mise en scène d’un sujet paravent, bien pratique pour éviter d’aborder les vrais problèmes de santé, jusqu’ici forts peu évoqués. "L’euthanasie, c’est un sujet important, mais ce n’est quand même pas ce qu’il y a de plus urgent, s’agace Geneviève Darrieussecq, représentante santé du candidat à la présidentielle François Bayrou. Une loi existe, c’est la loi Leonetti. Essayons déjà de la faire connaître et de la faire appliquer, avant de monter les choses en épingle".
Lobbying
Epineuse loi Leonetti et véritable nœud du problème. Elle est jugée "mauvaise" car "incomplète" par ses plus fervents critiques et membres de l’ADMD (Association du droit à mourir dans la dignité), qui militent depuis des années pour une nouvelle loi globale, légalisant euthanasie et suicide assisté. Cette fois, ils ont tout fait pour amener les candidats à se positionner sur la question. Leur lobbying "va enfin permettre de donner aux français le droit de trancher sur une question de société essentielle", trop longtemps confisquée par les hautes sphères médicales et politiques selon Jean-Luc Romero, président de l’association ADMD.
Reste à savoir comment. A droite comme à gauche, aucun débat spécifique n’est prévu sur une question pourtant et finalement très technique. Pas de promesse de referendum non plus, bien que le concept soit à la mode. "Il faudrait déjà poser correctement le débat pour arriver à quelque chose, conclut Emmanuel Hirsch, Directeur de l’Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Car la vraie question n’est pas de savoir si on est pour ou contre la légalisation de l’euthanasie mais bien pour ou contre une loi et ses modalités d’applications. Loi qui, soit dit en passant, aurait peut-être besoin d’être révisée mais qui permet aujourd’hui de faire face à pratiquement toutes les situations de fin de vie si elle est correctement comprise et appliquée. Ce qui est de plus en plus le cas."
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Mathilde Debry