L’enjeu aujourd’hui est d’optimiser le temps médical dans un contexte de pénurie de médecins, de féminisation de la profession et de vieillissement de la population médicale. La PDS ambulatoire en nuit profonde est-elle encore nécessaire alors que les demandes de soins sont très limitées ?

A cette question, vous étiez quelques-uns sur Egora.fr à répondre de façon catégorique : il faut supprimer la PDS en nuit profonde, c’est-à-dire entre minuit et huit heures. Ainsi, jcchartier écrivait que dans son département, le Val de Marne (94), la PDS n’était pas assurée après minuit par les généralistes car "des études avaient montré qu’il y avait redondance avec les appels au Samu".

De son côté, fabphilippe31 déplorait : "Il n’y a que dans notre pays que l’on nous demande une dispo 24/24 ! C’est inadmissible et en plus, les ARS et la CPAM veulent faire des économies donc, ne plus nous payer les astreintes ! Alors arrêtons ce système qui coûte bien trop cher et éduquons les patients qui appellent pour peu de choses car les appels de nuit s’ils sont justifiés sont du ressort du 15 et de l’hôpital public et laissons nous récupérer la nuit !"

"Handicap supplémentaire"

Comme eux, ils sont nombreux dans toute la France à souhaiter la fin de la PDS en nuit profonde. Dans le Lot (46), les médecins généralistes ont ainsi exprimé leur souhait de ne plus assurer les gardes de minuit à huit heures. Celles-ci seraient donc placées sous la responsabilité du 15. Il faut dire que les statistiques de l’ARS ne sont pas encourageantes puisqu’elles montrent là aussi qu’il y a en moyenne 1,6 urgence seulement par nuit dans le département. Un peu plus au Sud, dans la Vallée d’Aspe (64), ils ne sont plus que deux pour assurer les gardes au rythme d’une nuit sur deux et un week-end sur deux chacun.

"Dans les zones isolées et dans certains quartiers, témoigne l’un d’eux, nous sommes en nuit profonde. Cela crée un handicap supplémentaire alors que nous avons déjà du mal à maintenir une offre de santé."

L’enquête 2010 du Cnom (Conseil national de l’ordre des médecins) sur la PDS ne vient pas rassurer les professionnels. Elle relève que la PDS assurée par les médecins libéraux s’arrête à minuit dans plus d’un tiers des secteurs et 84% des 100 conseils départementaux interrogés affirment qu’il y a un arrêt de la garde médicale ambulatoire en nuit profonde dans certaines zones. "Même si la prise de garde en nuit profonde reste majoritaire, l’arrêt de la garde à minuit est un processus qui s’étend lentement mais inexorablement sur le territoire", précise l’étude.

"Démonstration de force"

Face à ce constat, que faire ? Abandonner la PDS en nuit profonde au seul Samu ? Pour Christian Jeambrun, le président du SML (Syndicat des médecins libéraux), ce serait une grave erreur.

"Il faut faire très attention sur ce sujet majeur car il y a encore certains médecins qui s’accrochent à la PDS. C’est un moyen pour eux de stabiliser leur activité. Mais il y a d’énormes problèmes : un démantèlement complet dans les régions, une réduction du nombre de secteurs et la suppression de la PDS en nuit profonde. Il est, de plus, difficile de parler avec les ARS sauf, comme ça a été le cas dans la Sarthe, si les médecins sont solidaires et se mobilisent. La démonstration de force est le seul moyen d’être écouté."

Les ARS ont tout intérêt à supprimer la PDS en nuit profonde en termes d’économie. Ainsi, en Loire-Atlantique, où une association, l’Adops 44, a pourtant réussi à mobiliser les praticiens pour assurer une permanence tous les jours de l’année 24h/24, on se pose la question de la pertinence d’un tel dispositif, pour l’instant au stade expérimental.

"Il est encore trop tôt, estime Elisabeth Hervé-Corbineau, chargée du suivi de l’expérimentation en Loire-Atlantique pour l’ARS, pour dire si le dispositif est efficient et cohérent. Mais je pense qu’il faudra des ajustements de moyens, sans toutefois toucher au modèle. Il y a des secteurs où le médecin mobile ne fait qu’une ou deux interventions dans la nuit, cela pose quand même des questions."

"Structures locales"

Autre exemple en Aquitaine, où la PDS est en pleine réorganisation. La Dordogne devrait voir le nombre de ses secteurs de garde se réduire. Ce qui se traduit sur le terrain par des secteurs élargis… Le Dr Jacques Mazurier, généraliste à Ribérac (24), non syndiqué, non élu à l’Ordre, non politique mais volontaire pour la PDS, s’interroge : "pourquoi les généralistes de Dordogne devraient-ils faire ce que les Smur refusent ? Nous devrions aller, y compris de nuit, y compris lorsqu’il y a de la neige, sur des secteurs agrandis que nous ne connaissons pas après nos 12 heures de travail par jour, nos semaines de plus de 60 heures et nos gardes de 48 heures d’affilées ?" Au nom de ses confrères, il a écrit à l’ARS (avec copie à l’ordre départemental) pour l’informer qu’ils allaient refuser de faire des gardes en nuit profonde.

Pour Simon Filippi, chargé de la PDS au sein du syndicat MG France, "ce qui est essentiel c’est de préserver le volontariat et l’organisation des professionnels en fonction des secteurs."

“Il y a des secteurs où les libéraux n’ont pas souhaité ou n’ont pas su organiser une PDS. Les établissements publics ont parfois pris le relais et il n’y a pas eu de hausse de la morbidité. Là, en revanche, où les médecins libéraux sont volontaires, il ne faut pas que les secteurs soient trop étendus parce que ça va décourager les médecins qui sont impliqués et ceux qui voudraient s’installer. Je crois qu’il n’y a pas un modèle unique pour la France entière mais qu’au contraire il faut s’adapter en fonction des structures locales et coordonner cette activité avec le secteur public pour permettre une mutualisation des moyens. La diversité doit être maintenue.”

"Repoussoir"

Les maisons médicales de garde font aussi partie de la réponse. Le Dr Filippi reconnaît ainsi qu’"elles ont permis de faire revenir à la PDS les femmes et les retraités." En Dordogne,le Dr Mazurier opte lui aussi pour la création d’une maison médicale de garde ou la mise en place d’une structure de garde au sein des hôpitaux locaux. "Mais personne ne nous écoute, ça n’avance pas. Cette situation est un vrai repoussoir pour les jeunes."

Dans son rapport sur la PDS remis au ministère en août 2007, Jean-Yves Grall, l’actuel directeur général de la santé, avait plaidé pour la fin des secteurs de garde actuels, remplacés par des "points fixes de garde, sous la forme de maisons médicales de garde” afin d’arriver à une "utilisation parcimonieuse du temps médical". Il préconisait également la mise en place "de secteurs élargis d’intervention pour les effecteurs médicaux mobiles” et la “mise en place d’un pilotage entièrement confié aux futurs agences régionales de santé."

Sur ces deux derniers points, il a été entendu. Mais il reste encore du chemin à parcourir.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez