Le C, combien de divisions ? Puisqu’il est dans l’air du temps de dresser le bilan – ma foi délicat et anxiogène – de la première décennie de mise en place de la monnaie unique dans notre pays, pourquoi ne pas se pencher parallèlement sur la valeur du C ces dix dernières années.
En janvier 2002, la consultation valait 17,53 euros depuis avril 1998 (114,99 francs) et la convention spécifique 1998 des médecins généralistes n’était signée que par MG France – Csmf, SML et FMF refusant le concept même des conventions spécifiques, et a fortiori celui du médecin référent. Sans convention, les médecins spécialistes ont goûté aux vaches maigres plus souvent qu’à leur tour.
"Dépenses contraintes"
Dix ans plus tard, en janvier 2012, le C est à 23 euros, ce qui représente une augmentation de 18,96 % alors que l’inflation sur la période a été, selon les sources, de 15,2 % (medias économiques) ou de 18 % (source syndicale)… Durant le même temps, le logement, l’énergie ou même les services ont tous connu une augmentation supérieure au coût de la vie. Le magazine Que choisir rappelle que le Smic horaire valait 6,83 euros bruts début 2002 contre 9,19 euros au 1er décembre 2011, soit un gain deux fois plus rapide que l’inflation.
Et, signale le magazine, les "dépenses contraintes" ont pris une part de plus en plus importante dans les budgets. Il en va ainsi de l’énergie et du logement. Deux postes, trois avec les salaires, qui pèsent très lourd dans le budget d’un médecin généraliste. C’est donc sous ce prisme qu’il faut lire, pour ne pas s’en contenter, le "bon" chiffre édité par la Dress relatif au taux de croissance annuel moyen des honoraires individuels entre 2000 et 2005 pour les médecins omnipraticiens du premier secteur, sans dépassements, qui s’est élevé à 3,7 %. "Mais le coût de la pratique a très fortement augmenté", explique le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, qui estime que le C devrait être à 24 euros aujourd’hui pour tenir compte de ce strict fait.
Autre élément marquant : cette progression s’est faite dans la bagarre et la contestation, rarement dans la concertation et la linéarité. Toujours sous l’ombre d’une obligation de maîtrise des dépenses de plus en plus impérieuse. Et souvent portée par le contexte politique.
Evolution du tarif de la consultation
- Janvier 1997 =16,80 euros
- Avril 1998 = 17,50 euros
- Février 2002 = 18,50 euros
- Juillet 2002 = 20 euros
- Août 2006 = 21 euros
- 1er Juillet 2007 = 22 euros
- Janvier 2011 = 23 euros
Coup de pouce
Ainsi, c’est en pleine cohabitation et contestation du corps médical, à trois mois de la présidentielle, que le C a été porté à 18,50 euros (121,36 francs) en février 2002 par Elisabeth Guigou, ministre des Affaires sociales du gouvernement Jospin. Le retour en grâce des syndicats polycatégoriels coïncidera avec l’élection de Jacques Chirac pour son second mandat.
Comme promis par le candidat à l’Elysée aux médecins frondeurs, troupes confédérées en lutte contre la convention spécifique et le blocage des honoraires, et les coordinations répondant comme un seul homme (et femme) au slogan : C à 20 euros et V à 30 euros – un bel effet phonétique de l’euro – la consultation reçoit ce coup de pouce symbolique le 1er juillet 2002. Le V accèdera aussi aux 30 euros mythiques, en contrepartie d’un accord de bon usage des soins visant à en réduire le nombre.
En point d’orgue de ces retrouvailles, la signature de la convention 2005 par la Csmf, le SML et Alliance, articulée sur la nouvelle architecture de la loi de réforme de l’assurance maladie de 2004 – qui signe le glas de l’omnipuissance de la Cfdt à la présidence de la Caisse nationale d’assurance maladie – mettra notamment en place le parcours de soin et le médecin traitant.
"Plan Marchall"
Ces dix années d’euro ne furent pas, loin s’en faut, un long fleuve tranquille. Les syndicats aujourd’hui aux affaires étaient dans la contestation. Et vice-versa. Le jeu fut éminemment politique – la Csmf et le SML allant notamment négocier directement avec le gouvernement, en 2002, pour passer outre Jean-Marie Spaeth, le président Cfdt du conseil d’administration de la Cnam, qui régnait en maître.
Certaines personnalités, restées très longtemps en dehors du jeu après s’être illustrées à la tête de la coordination nationale, intégreront ultérieurement le syndicalisme. Plus précisément, la FMF, au point que le Dr Jean-Paul Hamon en deviendra le président. "Notre point fort, à cette période, c’est que nous sommes toujours restés unis à l’intérieur de la Coordination", se remémore-t-il.
Dissidents de MG France, quelques SML et Csmf, des non syndiqués et des membres d’Espace généraliste ont formés un ensemble hétéroclite unique et efficace, où tous étaient unis.
Mais, "dix ans après, le dossier des gardes et astreintes n’est toujours pas complètement résolu", témoigne Jean-Paul Hamon qui ne cesse de marteler, comme MG France, la nécessité d’un "plan Marchall" pour la médecine générale. "L’argent, on l’avait avec le grand emprunt. Cela aurait représenté de l’emploi, des vocations. Ce n’est pas avec un acte sous évalué et un hypothétique paiement à la performance, certainement moins avantageux que l’assurance maladie veut bien le dire, que l’on redirigera les jeunes vers la médecine libérale !" déplore-t-il.
Durant ces dix années, une transformation en profondeur s’est également mise en place dans la rémunération des médecins libéraux qui se découpe en 2012 en trois étages : forfaits (médecins référents, puis gardes et astreintes et médecin traitant et ALD), paiement à l’acte et maintenant, paiement à la performance.
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne