Passer au contenu principal

Mediator : la police traque les prescripteurs

Alors que l’enquête sur le Mediator est interrompue jusqu’au mois de décembre – pour des raisons de procédure – des médecins ayant prescrit du Mediator sans la mention « NR » (non remboursable) ont commencé à être interrogé depuis une dizaine de jours par une brigade spéciale des services de police. Le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, en charge de la cellule juridique à la FMF (Fédération des médecins de France) conseille aux praticiens concernés de ne pas se précipiter aux convocations.

Egora.fr : Qui sont les médecins concernés par ces interrogatoires ?

Dr Marcel Garrigou-Grandchamp : Il s’agit de médecins ayant prescrit du Benfluorex [molécule du Mediator, NDRL] hors AMM et ayant tous déjà subi par le passé un contrôle des caisses de sécurité sociale pour l’absence de mention « NR » sur leurs ordonnances. Le juge en charge du dossier Servier au parquet de Nanterre a apparemment adressé une commission rogatoire permettant d’obtenir du CNOM [Conseil national de l’ordre des médecins, NDRL] les listes des médecins déjà poursuivis pour ce motif mais je ne connais pas les motivations et les intentions de ce juge. Une brigade de police basée à Créteil sillonne la France pour aller interroger les médecins et à ma connaissance ne serait pas encore intervenue ni sur Paris ni sur Lyon. Personnellement, je trouve choquant l’amalgame qui est fait à bas bruit entre la faute administrative – ne pas avoir porté la mention « NR » – et l’éventuelle faute médicale pour l’exposition des malades au risque de complications. Il y a en effet depuis le début, et au sein même du corps médical, la tentation de scinder les prescripteurs entre les vertueux qui auraient prescrit dans le cadre de l’AMM et les autres, avec stigmatisation de ces derniers. Je trouve également discriminatoire que ne soient convoqués que des médecins libéraux et parmi eux que ceux qui se sont fait prendre dans les mailles du filet des contrôles des caisses.

Egora.fr : Y aura-t-il finalement des médecins poursuivis malgré les promesses du gouvernement et du groupe pharmaceutique qui affirmaient le contraire il y a encore quelques mois ?

Dr Marcel Garrigou-Grandchamp : Oui, il y aura des médecins poursuivis. Nous recevons déjà pas mal d’appels à la cellule juridique de la part d’endocrinologues et de gynécologues qui ont prescrit du Mediator en toute bonne foi, pensant rendre service à leurs patients. Ils sont très inquiets. Ces médecins, nous devons les soutenir. En revanche, je ne défendrai pas les médecins qui sont responsables. Il y a une date qui est, selon moi, une date-clé, celle de 2006 et de la publication dans la revue « Prescrire » des dangers du Benfluorex. Les praticiens qui ont continué à en prescrire après 2006 pourraient donc se voir adresser des reproches. Cependant, l’Etat ne doit pas se cacher derrière ces médecins en s’exonérant de toute responsabilité. On ne peut pas tout coller sur le dos des médecins sous prétexte qu’ils sont plus faciles à poursuivre. Il ne doit pas y avoir de mélange dans les responsabilités. De notre côté, nous sommes une vingtaine de médecins, essentiellement adhérents à la FMF, à avoir porté plainte, le 30 juin dernier, contre l’AFSSAPS pour carence d’information et manquement à son devoir de pharmacovigilance.

L’enquête sur le Mediator suspendue jusqu’en décembre


La Cour de cassation veut attendre que soit réglée une nouvelle demande de regroupement à Paris des différents volets de l’affaire. Elle a donc suspendu jusqu’en décembre les deux procédures qui pourraient faire l’objet de ce regroupement, à savoir : la citation directe déposée à Nanterre et l’instruction en cours menée par les juges parisiens. La chambre criminelle de la Cour de cassation examinera cette requête le 7 décembre prochain. La convocation de Jacques Servier, prévue aujourd’hui à Paris, a donc été reportée.
 

Egora.fr : Quelle est la conduite à tenir pour le médecin convoqué par les services de police ?

Dr Marcel Garrigou-Grandchamp : Surtout, il ne doit pas se précipiter à la convocation. Il peut prendre l’avis d’un avocat et éventuellement appeler pour demander des informations (motifs, contexte juridique…). Certains vous diront qu’il ne s’agit que d’un entretien informatif sans conséquence, mais sans être alarmiste, l’étape suivante possible est la mise en examen ! Les médecins ne doivent pas hésiter non plus à en informer notre cellule juridique. Ce que je conseille à tous les médecins qui pourraient être concernés, c’est de commencer à mettre de l’ordre dans leur dossier car le fonds d’indemnisation des victimes du Mediator peut également se retourner contre eux. Nous avons le cas d’un médecin à Montpellier qui vient de recevoir un appel de l’Oniam [Office national d’indemnisation des accidents médicaux gérant le fonds d’indemnisation des victimes du Mediator, NDRL] lui demandant de prévenir sa responsabilité civile professionnelle et de préparer son dossier pour l’enquête.

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Concepcion Alvarez