C’est un événement dans le monde de la santé. Cinq sommités :  André Grimaldi, professeur de diabétologie (Pitié-Salpêtrière), François Bourdillon, médecin de santé publique, Frédéric Pierru, sociologue-chercheur au CNRS et Olivier Lyon-Caen, professeur de neurologie (Pitié-Salpêtrière) signent avec Didier Tabuteau, créateur de la chaire Santé à Science-Pô, un « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire », publié aujourd’hui aux éditions Odile Jacob.

123 personnalités l’ont co-signé,  pour que la santé ne soit pas, une fois de plus, oubliée lors de la prochaine campagne présidentielle.

Responsable de la chaire santé à Sciences-Po, Didier Tabuteau est à l’origine du projet. C’est lui qui a eu l’idée de ce manifeste. « Nous sommes partis du constat que l’assurance-maladie et la santé n’étaient pas des sujets du débat électoral tels que l’éducation ou l’emploi. » Son diagnostic est pourtant sévère : le système de santé français est malade. Faute d’un traitement de choc, il sera condamné.

« L’assurance-maladie, la cohésion sociale et la solidarité sont menacées sans que le débat politique ne s’empare de la question, explique-t-il. La santé est un bien collectif fondamental qui doit être assuré pour l’essentiel par quatre services publics : le service hospitalier, le service de l’assurance-maladie, le service public de sécurité sanitaire et de prévention qui doit être renforcé pour développer une vraie culture de santé publique et le service public de la médecine de proximité. » Sur la médecine de proximité, Didier Tabuteau pointe ainsi un certain nombre d’insuffisances. Il faudrait selon lui repenser un nouveau service public de la médecine de proximité en collaboration avec les professionnels de santé.

Plus de prélèvements sociaux équitables, moins de cotisations auprès des complémentaires

Dans le manifeste, les experts déplorent également le désengagement progressif de l’Assurance-maladie et l’augmentation des dépassements d’honoraires chez certains médecins. Une tendance qui a modifié petit à petit le rôle joué par les complémentaires santé. « Aujourd’hui, pour la plupart des patients, la complémentaire c’est l’équivalent de la sécurité sociale, ce qui pose un certain nombre de problèmes », juge Didier Tabuteau. 

A propos de la convention médicale signée récemment, Didier Tabuteau estime que même si elle a « le mérite d’avoir réussi à rassembler un grand nombre de partenaires », des interrogations se posent notamment sur le secteur optionnel tel qu’il est envisagé.

Par ailleurs, il insiste sur le fait que « cette convention ne pourra pas faire obstacle à une réforme dans les prochaines années. Si la loi fixe d’autres principes, il faudra alors que la convention évolue. » Ainsi, si les mesures incitatives prises pour lutter contre la désertification médicale ne se révèlent pas suffisamment efficaces, il faudra selon lui opter pour plus de régulation, la priorité étant « de permettre à l’ensemble de la population d’accéder à des soins de qualité dans des conditions égalitaires et solidaires ». 

Parmi les idées avancées dans le manifeste, il y a la mise en place d’un « service public » à l’issue des études sur la base du volontariat. De même, la liberté d’installation en secteur 2 dans les zones sur-dotées devra être posée, « ce que n’a pas fait la convention », déplore Didier Tabuteau. Enfin, il insiste sur la nécessité d’une réévaluation de la cotation de certains actes.

A l’image du Pacte écologique de Nicolas Hulot en 2007, les 123 espèrent peser sur la campagne et vont soumettre ce projet à chacun des candidats pour en débattre. « Ce que nous attendons, explique enfin Didier Tabuteau, c’est que ces questions soient prises en compte par les politiques et par les citoyens pour déboucher sur des actes politiques à l’issue de l’élection. »

Pour l’expert, le seul moyen de pression en vue de la présidentielle c’est l’intérêt que le public y trouvera. « On a la conviction qu’il faut en parler, qu’il aurait déjà fallu en parler il y a cinq ans, et que si on attend encore cinq ans, l’aspect favorable du système de santé qui a longtemps prévalu ne va plus être qu’un souvenir. »

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne et Concepcion Alvarez